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Françoise en dernier: L’Amérique au féminin

Photo: Justine Latour/Collaboration spéciale

Françoise a 
17 ans. Dans sa banlieue endormie, elle vole ce qui lui tombe sous la main, tague des wagons de train, squatte la maison des voisins lorsqu’ils sont partis en vacances. Et un jour, elle part à l’aventure. Sans dire bye à personne.

Françoise en dernier, deuxième roman de Daniel Grenier, est un livre sur l’adolescence et le passage à l’âge adulte. Sur l’Amérique aussi. Et surtout sur une jeune femme libre.

«Françoise, c’est un peu mes amies d’adolescence qui ont fait ces voyages dans l’Ouest, qui sont parties en “semi-fugue”, qui sont parties en road trip vivre des choses que, moi, je n’ai pas osé faire quand j’étais plus jeune. Ces expériences, je les fais vivre à Françoise par procuration», explique l’auteur de L’année la plus longue, prix littéraire des collégiens 2016 et finaliste aux Prix du Gouverneur général et au Prix des libraires.

«J’avais le désir d’écrire un livre avec presque exclusivement des personnages féminins, pour faire un clin d’œil et rendre hommage à ces amies, avec qui j’ai passé tellement de bon temps, et qui m’ont formé en temps que gars et en tant qu’adulte.»

Héroïne grunge avec son sac à dos et ses Doc Martins, Françoise marche dans leurs pas. Solitaire, elle passe l’été 1997 dans un spleen tout à fait adolescent.

Parfois, elle disparaît, pendant deux jours ou une semaine. Puis, elle réapparaît chez ses parents pour le souper, un nouvel objet volé dans les poches. Une vie un peu «magique», selon son créateur, dans laquelle la jeune femme est dotée «d’une aura de toute-puissance adolescente, d’immortalité, d’invulnérabilité. Quand elle vole, les gens détournent le regard pour la laisser faire. Lorsqu’elle a besoin de fuir, les toits des immeubles se rapprochent.»

Jusqu’au jour où elle tombe sur une vieille édition du magazine Life avec en couverture Helen Klaben, jeune Américaine qui a survécu 49 jours dans les forêts du Yukon après l’écrasement de son avion, pendant l’hiver 1963.

«Je ne me serais peut-être pas permis d’écrire un roman féminin au “je”, d’entrer dans la tête d’une jeune femme comme ça. Le narrateur garde une distance, une petite gêne dans la psychologie féminine. J’avais l’impression que c’était la voie à prendre.» – Daniel Grenier, écrivain, qui s’est questionné sur «le rôle du romancier dans l’appropriation du récit des autres» durant l’écriture de Françoise en dernier.

Une histoire fascinante qui la pousse à prendre la clé des champs pour suivre les traces de son héroïne.

«Je suis tombé sur ce récit un peu comme Françoise. Bon, je ne l’ai pas volé comme elle, raconte Daniel Grenier en riant. Je l’ai trouvé dans un bureau à l’université et je l’ai emprunté en bonne et due forme. Mais il reste qu’en lisant le reportage sur Helen Klaben, j’ai eu envie de parler d’elle. Ça me semblait une voie intéressante à suivre, d’inventer un personnage de jeune femme à qui j’allais prêter ma fascination pour cette histoire. Pas seulement son histoire, mais aussi le personnage d’Helen Klaben, sa psychologie et son caractère.»

Car Helen Klaben, personnage tout à fait réel, détonnait dans l’Amérique des années 1960. Après avoir exercé mille métiers, elle a quitté Brooklyn à 21 ans pour l’Alaska.

Elle qui n’avait jamais voyagé et qui avait peur du noir s’est trouvée plongée en pleine forêt boréale par -30°C.

Lorsque les secouristes les ont retrouvés, elle et son pilote, elle ne s’est pas plainte de son bras cassé ou de ses orteils congelés. Elle a plutôt demandé qu’on prenne une photo d’elle, fière de peser 40lb de moins après son aventure. Trop contente de raconter son histoire aux journalistes qui n’en revenaient pas de son ingénuité, elle réunira également ses souvenirs dans une autobiographie très justement intitulée Hey, I’m Alive!.

«Helen est un modèle pour Françoise, pas seulement comme survivante, mais aussi dans son côté frondeur, baveux, provocateur. Helen Klaben, c’est quelqu’un qu’il a fait à peu près toutes les choses qu’il n’était pas possible à une fille de faire dans les années 1960: 
partir toute seule, sans être dans un couple, faire des expériences en ayant une vie indépendante, sans avoir d’enfants.»

Le périple de Françoise sera tout aussi mouvementé, accident d’avion en moins. Elle se fera des amies, des bonnes et des moins bonnes, comme celle qui lui laissera une cicatrice sur la joue.

Elle rencontrera aussi Sam, avec qui elle prendra le chemin du Nord. Une «vraie délinquante» capable de régler leur cas à une gang de bums à coups de batte de baseball ou d’envisager très sérieusement de braquer un dépanneur, juste pour le trip.

«Une fille comme ça, soit t’es avec elle, soit t’es contre elle. À ce moment-là, c’est vraiment mieux pour Françoise d’être avec elle», illustre Daniel Grenier, qui n’écarte pas la possibilité de faire revivre ce personnage hors norme dans une œuvre future.

À ses côtés, Françoise vivra une série de prises de conscience qui lui permettront de mieux se définir.

«La vie adulte lui rentre dedans, résume l’auteur. C’est un roman sur l’adolescence. C’est important pour moi qu’il parle aux ados, mais aussi à l’ado qui reste en nous lorsqu’on grandit. C’est une période charnière et tellement marquante pour la plupart d’entre nous.»

À l’échelle d’un continent

Comme dans L’année la plus longue, premier roman de Daniel Grenier, Françoise en dernier a pour théâtre le continent nord-américain, de Chattanooga à Whitehorse.

«Quand j’ai commencé à écrire, j’avais un désir très conscient de saisir mon américanité, un peu en opposition à la francité qu’on a dans une certaine frange de la littérature québécoise, précise l’auteur de 38 ans. C’est un peu un réflexe pour moi de décrire cette américanité, qui m’a tellement marqué par mes lectures, et de la reproduire dans mon écriture de fiction.»

Françoise en dernier, Aux Éditions Le Quartanier

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