Soutenez

Enfants artistes, pour le meilleur… et pour le pire

Photo: Yves Provencher/Métro

En janvier dernier, Jessica Barker et Olivier Loubry se sont présentés devant les membres du conseil d’administration de l’Union des artistes (UDA) pour leur parler de la réalité des enfants acteurs.

Décrochage scolaire, difficultés financières, dépression, manque d’encadrement, toxicomanie et problème d’estime de soi; tout y est passé. Ils ont ensuite lu la liste des noms des enfants acteurs – qui est confidentielle – dont la vie a tourné au calvaire.

«Ils ont eu un véritable choc de recevoir toute cette information de deux jeunes qui savent de quoi ils parlent. Il y a eu une réelle prise de conscience pour qu’on en fasse une priorité», a confié celui qui a été découvert dans la série Jamais deux sans toi de Guy Fournier.

Depuis, les deux acteurs multiplient les rencontres et réfléchissent aux mesures d’encadrement à instaurer pour assurer l’équilibre moral, physique et émotionnel des enfants qui commencent une carrière artistique. Au sein de l’UDA, ils sont pas moins de 980 jeunes âgés de moins de 18 ans à chanter et à jouer la comédie. En tout, l’UDA compte environ 11 800 membres.

Jessica Barker et Olivier Loubry avouent qu’ils font partie des chanceux pour qui l’expérience du milieu artistique a été positive, ce qui explique d’ailleurs pourquoi ils y travaillent toujours.

«Notre but n’est pas d’empêcher les enfants de travailler, mais de leur donner un encadrement», a expliqué celle qui est entre autres connue pour avoir joué dans Les intrépides et Les filles de Caleb.

Ils ne savent pas encore s’ils demanderont qu’une loi soit adoptée ou que l’Union des artistes exerce un certain contrôle sur les enfants artistes. Au cours de leur réflexion, ils se sont toutefois rendu compte qu’il était nécessaire de transmettre de l’information de qualité aux parents d’enfants artistes qui ignorent, par exemple, qu’il ne faut pas payer pour passer des auditions et que celles-ci ne doivent pas nécessairement avoir lieu pendant les heures de classe.

Jusqu’à présent, Jessica Barker et Olivier Loubry n’ont rencontré aucune résistance du milieu artistique à leur projet. Les seuls qui pourraient être embarrassés sont ceux qui seraient tentés de profiter des enfants artistes, ont-ils précisé.

L’école à tout prix
Pour aider les enfants artistes à garder les pieds sur terre, Jessica Barker et Olivier Loubry croient qu’il est indispensable qu’ils continuent à fréquenter l’école.

«Dans la majorité des cas, les enfants artistes décrochent ou accusent un retard important, a rapporté Jessica Barker. C’est une sorte de décrochage scolaire volontaire cautionné par tout le monde, et même valorisé.»

Des parents et même des directions d’école encouragent ces enfants à quitter la classe pour aller sur les plateaux de tournage. Les petits accèdent ainsi à un monde où ils sont considérés comme des adultes. Si les affaires roulent bien, les responsabilités s’accumulent et l’entourage prend de l’ampleur, avec l’arrivée d’un agent, d’un comptable, d’un coiffeur, etc. «Il y a beaucoup d’éducation à faire auprès des parents. C’est un milieu où ce qui se passe devant la caméra est du rêve. Le bon parent qui est conscient qu’il y a peut-être un danger et qui est à l’écoute de son enfant va avoir besoin d’un certain temps pour sentir l’énergie du plateau et l’effet sur la famille de cet enfant, qui devient tout d’un coup la vedette d’un party de Noël», dit Olivier Loubry.

«Ce n’est pas ça, la vie d’un enfant, a insisté Olivier Loubry. Il y a beaucoup d’enfants de la télé qui ont sauté l’étape de kick-la-cacane-dans-la-ruelle. L’école leur permet de garder ce lien avec des jeunes de leur âge.J’ai trop souvent vu des enfants dont les parents réalisaient un rêve à travers eux. C’est trop fréquent. Sur le plateau, le parent a un plus gros sourire que l’enfant. Le parent est énervé. Il veut prendre des photos avec toutes les vedettes. Quand l’enfant entend «Coupez!», c’est là qu’il sourit. Quand je vois ça, j’ai l’impression que l’enfant est utilisé.»

Bien des enfants artistes se sont retrouvés devant rien une fois à l’âge adulte, car ils avaient décroché de l’école et que leur carrière artistique avait ralenti.

L’argent doit rester à la banque
Jessica Barker et Olivier Loubry veulent s’assurer que les cachets des enfants soient mieux investis.
«Il y a des parents qui ne savent pas qu’un enfant de quatre ans doit payer de l’impôt s’il gagne de l’argent, a mentionné Olivier Loubry. Beaucoup trop d’enfants de la télé se sont retrouvés à 18 ans avec un appel du gouvernement qui leur disait qu’ils n’avaient pas payé d’impôt depuis 10 ans et qu’ils devaient 80 000 ou 100 000$.»

Des parents se permettent de piger dans le compte de banque de leur enfant puisqu’ils les accompagnent sur les plateaux de tournage et qu’ils assurent leur transport. «C’est difficile d’y voir clair, a admis Jessica Barker. Ton enfant fait le double, voire le triple de ton salaire!»

[pullquote]

Les deux acteurs aimeraient, un peu comme aux États-Unis, que les cachets des enfants soient confiés à une fiducie et que personne ne puisse y toucher avant que les petits atteignent 18 ans. En Californie, une telle loi existe depuis 1939. C’est l’acteur Jackie Coogan, qui joua entre autres dans le film The Kid aux côtés de Charlie Chaplin, qui est à l’origine de cette loi. M. Coogan a été floué par sa mère et son beau-père, qui ont dilapidé sa fortune évaluée à 4 M$ dans les années 1920.

Articles récents du même sujet

Mon
Métro

Découvrez nos infolettres !

Le meilleur moyen de rester brancher sur les nouvelles de Montréal et votre quartier.