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Shad: des nouvelles du front

Photo: Justin Broadbent/Collaboration spéciale

«Tout a commencé avec une histoire qui se déroule dans un monde désertique. Un monde en guerre. C’est là que tout a commencé. Je voulais recréer ce monde avec la musique.» Le rappeur canadien Shad a bâti de toutes pièces un univers dystopique qui est devenu le troublant album-concept A Short Story About War.

«Pour moi, la guerre, c’est une métaphore de ce qu’on ressent à l’heure actuelle. Parce qu’on vit beaucoup de peur et d’anxiété, un peu comme si on était en temps de guerre, explique dans un très bon français Shadrach Kabango, né au Kenya de parents rwandais. Ce n’est pas tant la violence militaire et la violence physique qui m’intéressent, mais plutôt la violence économique, la violence verbale, les tensions politiques qu’on subit.»

En mettant en scène un vaste affrontement entre puissants et révolutionnaires, l’artiste de 36 ans nous tend un miroir qui nous renvoie une image peu flatteuse de notre époque: inégalités sociales, destruction de l’environnement, injustice, intolérance et racisme.

Le cinquième album de celui que CBC a qualifié de «deuxième meilleur rappeur canadien de tous les temps» (il n’y a pas de honte à finir derrière Drake) renferme en effet son lot d’angoisses.

«Beaucoup de chansons de l’album portent sur la peur qu’on ressent à cause de notre situation économique et politique. Mais je crois que c’est même plus profond que ça. La peur a des sources émotionnelles et spirituelles.»

«Ce n’est pas la première fois, que je vais dans le social ou le politique, mais c’est certainement mon album le plus intense, le plus dark.» –Shad, artiste hip-hop, à propos des thématiques abordées dans A Short Story About War. Le rappeur affirme toutefois que son spectacle sera plus «léger». «Je vais jouer toutes sortes de chansons. J’aime que les gens se sentent bien, alors je ne vais pas être aussi intense en concert!»

Le fait de camper l’histoire dans un désert sablonneux n’est pas anodin.

«Ça représente l’environnement, nos problèmes écologiques, mais ça dit aussi quelque chose de notre condition spirituelle, soutient Shad, qui a nommé à trois reprises sur la courte liste du prix Polaris. On a une soif de justice, de communauté, mais aussi de spiritualité.»

Cet espoir est représenté sur disque par le personnage de The Fool (littéralement «l’idiot»), sorte d’antidote à la logique implacable des belligérants.

«C’est lui qui incarne l’espoir, soutient celui qui a remporté le prix Juno du Meilleur album rap (devant Drake!) pour TSOL. Il ne croit pas dans le pouvoir des armes. On ne sait pas s’il est fou ou s’il a raison, mais il nous rappelle que ce que nous craignons n’est souvent qu’une illusion, pas une menace réelle.»

Musicalement, A Short Story About War oscille également entre fureur et délicatesse.

Les rythmes trap (The Revolution/The Establishment, The Stone Throwers (Gone In a Blink) ), sur lesquels rappeur mitraille ses mots à la vitesse d’un AK-47, précèdent des morceaux teintés de jazz, voire de trip-hop (Magic Intro, Another Year).

«J’aime la musique qui amorce un certain dialogue avec l’histoire, et faire se côtoyer un peu de jazz avec des chansons qui ont des éléments très électroniques, précise Shad, qui a élaboré l’album avec plusieurs producteurs, dont Kaytranada et 2oolman, du groupe A Tribe Called Red. J’aime pouvoir faire toutes sortes de choses, mais il doit y avoir un certain lien avec l’histoire et les racines de la musique, pour pouvoir avancer de la bonne façon.»

Shad est en spectacle vendredi le 23 novembre au Ministère (4521, boulevard Saint-Laurent).

L’album A Short Story About War est en vente depuis le 26 octobre.

Shad, l’animateur

En plus de la musique, Shad mène une carrière d’animateur. Il a notamment animé Hip-Hop Evolution, série documentaire dont la deuxième saison vient tout juste d’atterrir sur Netflix.

«J’ai appris beaucoup de choses, explique-t-il à propos du tournage de la série, qui est consacrée aux origines de la musique et de la culture hip-hop. C’était très formateur, particulièrement de pouvoir passer du temps dans les lieux qui ont vu naître le hip-hop, dans le Bronx ou à Miami. C’était la plus grande révélation pour moi. J’ai toujours écouté cette musique, mais pouvoir être sur place et rencontrer les personnages et la culture de ces endroits, c’était vraiment une leçon pour moi.»

En 2015, Shad a également eu la lourde tâche de succéder au tristement célèbre Jian Ghomeshi à la barre de Q, une émission de radio mythique au Canada anglais. Critiqué pour son manque d’expérience au micro, l’artiste a finalement cédé sa place un an plus tard. Il conserve tout de même un bon souvenir de son passage sur les ondes de CBC Radio One.

«C’était une bonne expérience pour moi. J’adore rencontrer des personnes intéressantes, et là je pouvais en rencontrer quatre ou cinq par jour. C’était un défi, mais c’est ce que je recherchais à ce moment-là.»

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