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Jim Corcoran: Les chemins de la sagesse

Photo: Josie Desmarais

«Ça m’a pris 40 ans à faire ce disque.» Jim Corcoran, le plus francophile des chanteurs anglophones, revient sur une carrière en constante évolution avec Complètement Corcoran, un disque qui réunit certains de ses plus grands succès. Et qui, bonne nouvelle, lui a redonné le goût d’écrire.

Fan de compilations, Jim Corcoran? Pas tellement. «J’ai mes scrupules, laisse-t-il entendre d’un ton posé mais ferme. Je comprends l’idée qu’un entrepreneur pose, un geste mercantile comme ça. C’est tout à fait logique dans une industrie. Mais je me réserve le droit d’être un artiste un peu scrupuleux.»

Il aura donc fallu l’intervention de son ami Michel Bélanger pour que le chanteur aux célèbres lunettes rondes accepte de se prêter au jeu. En fait, c’est Bélanger, fondateur et président de la maison de disque Audiogram, qui s’est chargé du gros du travail.

«Je n’ai pas participé, il ne m’a pas consulté, admet l’artiste, toujours aussi allumé à 69 ans. J’ai su quelles chansons allaient être sur le disque deux jours avant que ça parte à la presse. J’étais étonné par ses choix, mais aussi touché par son effort.»

«Lorsque je l’ai finalement écouté, ça m’a bouleversé. Parce que ça m’a ramené à toutes ses périodes de ma vie, où j’ai évolué, changé et rencontré tellement de musiciens et de musiciennes extraordinaires.»

Ainsi, 19 chansons tirées de ses 8 albums solos, de Têtu (1980) jusqu’à Pages blanches (2005), en passant par les très pop Miss Kalabash (1986) et Corcoran (1990), se côtoient en suivant ce que le natif de Sherbrooke appelle «un fil narratif».

«L’ordre des chansons, c’est quelque chose de très, très important, et Michel a fait quelque chose de magistral. C’est un regard poétique sur ma poésie. Une chanson talonne une autre et crée un effet nouveau. C’est comme s’il avait fait le spectacle idéal, ça bouge bien. Quand c’est un peu trop sérieux, ça devient léger. Bravo et merci, c’est un cadeau qu’il me fait.»

Ainsi, le folk, qui est l’essence de Corcoran, est juxtaposé à des pièces plus pop rock qui ont connu de grands succès à la radio comme Ton amour est trop lourd ou C’est pour ça que je t’aime (pour les plus jeunes, on recommande vraiment d’aller sur YouTube se taper le clip en stop-motion de cette dernière chanson. Effets psychotroniques garantis).

«Dans les années 1980-1990, j’ai expérimenté avec des sons qui n’ont peut-être pas bien vieilli, qui sont cloisonnés dans le temps, mais j’avais du plaisir! insiste l’auteur-compositeur-interprète à propos de cette période où il a délaissé la guitare sèche au profit des claviers et des effets synthétiques. C’était excitant, il y avait de l’énergie.»

«Aujourd’hui, je regarde ça et je me dis : Jim a tripé. Mais quand même, ça fait partie de moi. J’ai continué ma carrière, j’ai appris plein de choses de cette période-là, notamment qu’il fallait faire attention aux bébelles auxquelles on s’attache. [Rires] Mais je ne regrette absolument pas. J’écoute ça et j’ai le sourire aux lèvres parce que je me dis : je l’ai fait, j’ai eu du plaisir, j’ai fait des rencontres avec des musiciens extraordinaires. Ce n’était pas facile à faire.»

«Quand j’étais jeune, c’étaient les artistes plus vieux qui m’inspiraient. Maintenant, ce sont les artistes plus jeunes qui me tiennent en vie, qui me surprennent, qui m’impressionnent.» – Jim Corcoran

En effet, il a fallu qu’il se rende à Memphis. Là, il a enregistré plusieurs albums en compagnie du réalisateur américain Carl Marsh, pour s’éloigner du son folk dans lequel ses années au sein du duo Jim et Bertrand l’avaient cantonné.

«J’ai eu beaucoup de plaisir avec Bertrand Gosselin pendant six ans et demi, mais j’étais curieux de savoir ce que j’allais faire avec d’autres musiciens. Je voulais voler de mes propres ailes. Mais au Québec, on ne voulait pas que je m’éloigne de Jim et Bertand. Mais moi, je voulais expérimenter, je voulais faire du folk rock, du rock, du jazz expérimental, du prog’ même. Je voulais bouger, mais je ne pouvais pas le faire ici, parce qu’il y avait des notions préconçues à mon égard».

Un besoin de se réinventer qui se manifeste toujours aujourd’hui.

«J’ai toujours évolué. En faisant ce disque, j’ai vu le trajet que j’ai parcouru, les options, les choix, l’expérimentation et les rencontres que j’ai faites. Ça m’a pris 40 ans à faire ce disque-là. Chaque chanson me rappelle la personne que j’étais à ce moment-là. Je suis content d’avoir traversé toutes ces étapes pour devenir la personne que je suis aujourd’hui. Je ne me considère pas vieux. Je me considère riche, nourri par le privilège de la carrière que j’ai eue et que j’ai encore devant moi.»

Car oui, Jim Corcoran n’a pas encore fermé les livres. Au contraire. La fin d’À propos, émission dédiée à la chanson francophone qu’il a animée pendant presque 30 ans sur les ondes de CBC, lui permet de renouer pleinement avec la création.

«Je me suis tout simplement éloigné de l’exercice d’écriture parce que j’étais très occupé à la radio. J’ai écouté de la musique comme ça se peut pas. J’ai tellement écouté de musique pour pouvoir présenter chaque semaine ce que je croyais être le meilleur de la chanson québécoise – meilleure plume, meilleure bouille, meilleure attitude et tout ça – que je n’écrivais plus. Mais là, je n’ai plus d’excuses, là je vais avoir le temps.»

«Cette proposition de Michel Bélanger me bouscule et me stimule. J’ai hâte de retrouver des musiciens, assure-t-il avec une étincelle dans les yeux. Sans promettre quoi que ce soit à qui que soit. Je ne parle pas d’une tournée, d’un nouveau disque, d’un spectacle. J’ai juste le goût d’écrire.»

Complètement Corcoran
Disponible en copie physique et numérique

 

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