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Série documentaire «À deux pas de la liberté»: repartir à zéro

Ils s’appellent Gilles, Eduardo, Martin, Félix, Yan et Ézeckiel. Elles s’appellent Josée, Nancy, Valérie, Zoé et Dominique. 
Ils sont d’ex-détenus qui tentent de reprendre leur vie en main à la Maison de transition Saint-Laurent. Elles sont les intervenantes qui les guident au fil de ce processus difficile. Ensemble, ils sont les protagonistes de la série documentaire À deux pas de la liberté.

En 13 épisodes de 30 minutes, la série produite par Urbania et réalisée par Martin Paquette et Érika Reyburn prend le temps d’aborder les nombreux défis auxquels font face les ex-détenus – dont la recherche d’emploi, la cohabitation, la famille et la gestion des émotions – et le travail d’accompagnement essentiel qu’accomplissent leurs intervenantes.

Fondée en 1967, la Maison de transition Saint-Laurent est le plus ancien établissement du genre au Québec. Contrairement à ce que laisse croire son nom, elle se situe plutôt dans l’arrondissement de Montréal-Nord. C’est là que séjournent une trentaine d’hommes qui ont choisi d’y terminer leur sentence.

De prime abord, on pourrait croire que les ex-détenus qui se partagent cinq logements sont en liberté : la plupart d’entre eux occupent un emploi le jour. Le soir, ils cuisinent et discutent autour d’un repas. Une journée normale pour bien des gens. Sauf que…

«T’es pas chez vous, t’es pas en liberté. Il y en a qui ont tendance à l’oublier icitte», rappelle sans détour à l’écran Gilles, un résidant de la Maison de transition, dont le parcours a suivi celui de sa mère, Monica la Mitraille.

Les règles de séjour sont ainsi très strictes, et le moindre faux pas peut renvoyer les ex-détenus ­derrière les barreaux. C’est ce qui attend ceux qui font l’erreur de sortir sans permission ou encore qui rechutent et recommencent à consommer, par exemple.

«J’explique toujours à la clientèle qu’il y a trois volets à une maison de transition : hébergement, aide et encadrement. C’est un package deal», explique dès le premier épisode Josée Meilleur, coordonnatrice clinique qui œuvre à la Maison depuis près de 30 ans.

Ainsi, les allées et venues des hommes sont étroitement surveillées. Idem pour leurs dépenses, qui doivent toujours être accompagnées d’une facture, même s’il s’agit d’un simple paquet de gomme, illustre une intervenante en accueillant un nouveau résident, Félix. «Faut que tu marches drette», résume Gilles.

Le nouveau départ d’Eduardo
Parmi les défis que doivent surmonter les ex-détenus, il y a celui de la consommation. Dans le quatrième épisode, qui aborde cet enjeu, on fait la connaissance d’Eduardo, 28 ans, qui suit un programme de traitement à la méthadone pour s’affranchir de sa dépendance à l’héroïne.

Le jeune homme est déterminé à repartir à zéro. C’est pourquoi il a choisi de terminer sa sentence à la Maison de transition Saint-Laurent. «J’ai préféré venir ici, surtout parce que d’où je viens, me pitcher à la rue après la prison, ce serait me pitcher dans la gueule du loup», soutient-il en entrevue avec Métro.

Il le dit franchement dans la série documentaire : «L’année que j’étais en prison, j’étais plus heureux que les quatre années d’avant.»

Ces années de consommation, il les décrit comme une «descente aux enfers.» «Être sobre en prison, c’est mieux que d’être gelé dehors», affirme-t-il, catégorique.

Sorti de détention depuis le 6 juin dernier, il quittera dans un mois et demi la Maison de transition. Qu’y a-t-il appris? «C’est beaucoup plus productif de faire les choses étape par étape. Il ne faut pas tout précipiter et tout vouloir faire en même temps, c’était ma mentalité avant.»

Eduardo espère que la série documentaire permettra de changer la perception que la population peut avoir des ex-détenus, mais aussi qu’elle pourra inspirer des personnes toxicomanes à vouloir se reprendre en main. «Les gens restent attachés à la dépendance et ne voient pas la lumière au bout du tunnel. J’espère que des personnes dans la même situation que j’étais verront que c’est possible.»

Il dit avoir apprécié l’expérience du tournage, qui s’est échelonné de l’hiver à l’été 2018. N’ayant encore rien vu du résultat final, il a hâte de visionner les épisodes pour évaluer le chemin qu’il a parcouru depuis son arrivée à la Maison de transition.

Son intervenante attitrée, Zoé Jeannin, avait pour sa part quelques réticences au début du tournage. «Mes collègues et moi, on était un peu méfiantes à l’idée de faire entrer des personnes issues des médias dans notre environnement de travail, parce que souvent, on n’a pas une belle image de ce milieu», explique-t-elle.

Après avoir visionné quelques extraits, elle a été impressionnée par le réalisme des séquences. «Ça montre les efforts énormes que font les gars, et ça transmet aussi le travail que nous faisons comme intervenantes.»

Filmé à échelle humaine et misant sur les témoignages, À deux pas de la liberté fait une place égale aux ex-détenus et aux employées de la Maison, presque toutes des femmes.

À ce sujet, Zoé précise que le fait d’être une femme dans un milieu d’hommes n’est en aucun cas une difficulté pour elle. «On a l’impression que la femme est à risque ou plus vulnérable, mais au contraire, si un gars essayait de m’attaquer, il y en a 34 autres qui me protégeraient ici.»

Tout comme Eduardo, elle souhaite que la série fasse tomber certains des préjugés qui collent à la peau des ex-détenus. «Ces gars ont une chance de vivre une étape supplémentaire pour choisir le bon chemin dans la vie. Ce n’est pas tout le monde qui est prêt à le faire, mais quand ils veulent changer, ça vaut la peine de faire ce travail.»

«C’est possible non seulement de s’en sortir, mais de vivre bien. On peut être heureux sans être dépendant à quelque chose.»
 – Eduardo, résidant de la Maison de transition

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À deux pas de la liberté
Le jeudi à 21 h sur Unis
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