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Noir: Un silence assourdissant

Noir nous plonge dans un huis clos multisensoriel au Théâtre de Quat’Sous.

Perdus dans une forêt en 1926, des randonneurs tentent de se débarrasser d’un cadavre. Christian Bégin, Évelyne de la Chenelière et Jérémie Niel se sont amusés avec les codes du polar pour écrire cette intrigue d’apparence toute simple.

C’est plutôt la scénographie qui rend la création unique. En noir et blanc, elle enveloppe le spectateur comme un film du début de l’ère du cinéma.

«On essaie d’élargir un propos ancré dans une banalité, et ce sujet est prétexte à explorer quelque chose de plus grand que nous», explique Jérémie Niel. «Le spectacle transcende l’anecdote pour parler entre autres de l’errance et du mensonge», complète Christian Bégin.

À la manière des cinéastes, Jérémie Niel et sa compagnie de création Pétrus accordent en effet une place importance au son.

Les visages des comédiens s’effacent dans un éclairage clair-obscur, au profit du bruissement des branches, de la respiration saccadée et du bruit des pas sur la terre qui recouvre la scène.

Ces zones d’ombres évoquent l’expressionnisme allemand, le film Nosferatu, ou encore le décor de fin du monde du livre The Road, de Cormac McCarthy.

C’est pourquoi le metteur en scène s’est entouré des comédiens Christian Bégin et Évelyne de la Chenelière, qui jouent aussi au cinéma. 

Un autre artisan du septième art, Sylvain Bellemare, est derrière l’immersion acoustique, lui qui a reçu l’Oscar du meilleur montage sonore pour le film Arrival, de Denis Villeneuve.

«Le jeu d’acteurs est très proche du cinéma. Le spectateur est enveloppé dans un monde sonore qui l’avale tout entier.» – Jérémie Niel, metteur en scène de Noir

«Déjà, on est tous munis de microphones. Contrairement à l’expérience du théâtre courant, l’expérience cinématographique permet une plus grande intériorité, une intimité de l’ordre du marmonnage, de la voix intérieure qui se traduit par des choses à peine perceptibles ou intelligibles pour le spectateur», décrit Christian Bégin.

Les dialogues se font rares dans le texte de Noir, «mais c’est très bruyant», assure Jérémie Niel.

«Même dans le silence vocal des comédiens, il y a une forêt en mouvement, des corps qui vivent, des corps qui marchent dans un décor, qui froissent des feuilles, qui cassent des branches.»

Dans ce contexte, Christian Bégin dit adopter une hypervigilance dans son jeu. «La ligne est ténue entre trop faire parler son corps ou ne pas le faire assez. Ça demande une attention absolument nouvelle.»

Quand, enfin, on brise le silence, la parole résonne d’autant plus fort, selon l’approche scénique de Jérémie Niel.

«La parole doit arriver quand on n’a plus le choix, dans l’urgence de ne plus pouvoir rien exprimer par le corps et le regard», affirme-t-il. Noir résiste ainsi au bourdonnement incessant de la vie moderne.

«Cette absence de parole crée le désir chez le spectateur d’entendre cette voix. Elle arrive comme un exutoire, et c’est oppressant, parce qu’on n’est pas habitués à cet espace du silence, on ne sait pas parler autrement qu’avec les mots, car on vit dans un bruit ambiant où tout est “sur-nommé”. C’est une pièce de résistance», soutient le comédien.

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