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Amour, un film d’ombres et de poésie

Amour de Michael Haneke Photo: Métropole

Palme d’or à Cannes, en nomination dans cinq catégories aux Oscars, dont celle du Meilleur film et du Meilleur film en langue étrangère, Amour de Michael Haneke récolte les honneurs partout sur son passage. Et pour cause. Fasciné par cette œuvre à laquelle il a participé après mûre réflexion, le superbement humble et émouvant Jean-Louis Trintignant nous raconte son expérience devant la caméra du cinéaste et scénariste autrichien.

Lorsque Jean-Louis Trintignant a reçu le scénario d’Amour, il l’a parcouru. Puis il a remercié Haneke.  «Je lui ai dit que j’étais très content d’avoir lu ce scénario parce que c’était un film que je n’irais jamais voir!» se souvient en riant le grand acteur. Mais après réflexion, il a fini par accepter de participer au projet, malgré son sujet dur, triste et douloureux. À cause d’Haneke, bien sûr. Un cinéaste que Jean-Louis Trintignant considère comme un des meilleurs du monde.

D’ailleurs, lorsqu’on le joint au téléphone, il nous confie qu’il a déjà vu le film six fois. «C’est une œuvre tellement subtile que même la sixième fois, j’ai découvert des choses. Elle possède tant de zones d’ombre!»

Une qualité qui a énormément attiré ce fou de poésie qu’est Jean-Louis Trintignant. «Dans la poésie aussi il y a beaucoup, beaucoup de zones d’ombre. Par exemple, dans Le bateau ivre de Rimbaud, quand on entend ‘‘des cieux ultramarins aux ardents entonnoirs’’. Je n’ai jamais vu ça, moi, des cieux ultramarins aux ardents entonnoirs. Mais ça évoque une chose qui est mystérieuse et magnifique, même si elle est inexplicable…»

À travers des films comme l’incroyable Pianiste, Caché ou Le ruban blanc, on a appris à connaître la signature de Haneke, sobre, dénuée de sentimentalisme, froide, perçante, intelligente. Dans Amour, on renoue avec le cinéaste autrichien qui suit ici un couple d’octogénaires, incarné avec grande justesse par les magnifiques Emmanuelle Riva et Jean-Louis Trintignant. Ils vont au spectacle. Ils reviennent à la maison. En rentrant, il lui dit qu’elle est belle. Le matin au déjeuner, elle a une attaque cérébrale. De retour de l’hôpital, coincés dans leur appartement, ils doivent apprendre à vivre avec l’état de la femme, qui se détériore aussi rapidement que désespérément.

Metteur en scène qui adore le jeu très dépouillé et qui n’a jamais peur de la lenteur, Haneke montre avec attention le quotidien brisé des deux époux, leurs gestes en apparence banals, mais si importants. Comme l’homme aidant sa femme à faire sa physiothérapie. Ainsi, on voit Trintignant lever la jambe de sa compagne et la plier, pour lui permettre de l’exercer, une fois, deux fois, trois fois… «Je crois qu’il le montre 15 fois de suite! s’exclame l’acteur. D’ailleurs, on peut se demander pourquoi et penser que, quand on l’a montré trois fois, ça va. Mais Haneke, c’est un musicien. Son film, il l’a fait comme une symphonie. Et ça, ça fait partie du rythme.»

L’interprète affirme également que, malgré ses questions, bien des éléments flous étaient volontairement laissés en suspens par le réalisateur. «Très souvent, il me disait : ‘‘C’est ambigu, mais c’est à vous de décider.’’ Par exemple, quand je lui demandais : ‘‘À la fin, que devient mon personnage?’’ Il me répondait : ‘‘Ce que vous voulez.’’ Ou pour le pigeon qu’on voit à l’écran. Je lui demandais : ‘‘Pourquoi il est là, cet oiseau?’’ Il me répondait : ‘‘C’est vous qui décidez.’’»

Incroyablement humble, humain, Jean-Louis Trintignant qui a joué dans plus de 130 films, n’avait pas participé à un tournage depuis Janis et John, le dernier long métrage mettant en vedette sa fille adorée, Marie, morte tragiquement en 2003. Après toutes ces années sans cinéma, l’acteur immense est enfin revenu dans Amour. Et il confie que c’est vraiment le rôle dans lequel il «se préfère». D’ailleurs, il nous dit sans fausse modestie qu’il «s’aime mieux» dans ses projets plus récents. Chez Kieslowski, par exemple, dans Rouge. Ou chez Audiard, dans Regarde les hommes tomber.

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«Finalement, c’est assez amusant de jouer quand on est un peu âgé, observe-t-il. Vous savez, quand j’avais 20 ans, j’étais assez joli! Alors, je jouais des rôles de jeune premier et ça ne me plaisait pas du tout. Surtout les jeunes premiers à cette époque. C’étaient les années 1950, une période où les jeunes premiers étaient tous un peu gentils, bien élevés. Enfin, ils ne se comportaient pas de manière ambiguë! Mais dans Amour, je suis bien, je trouve. J’ai une façon de ne pas jouer qui me plaît beaucoup!»

Classé X
Vous voulez entendre une drôle d’histoire? La voici! Au départ, le titre provisoire d’Amour, c’était Ces deux-là. Une idée qui ne plaisait pas trop à Jean-Louis Trintignant. Ni à Haneke, d’ailleurs. Puis, quelqu’un, la productrice Margaret Ménégoz, croit se rappeler l’acteur, a suggéré Amour. «Ça m’a beaucoup touché quand on m’a parlé de ça. J’ai dit : ‘‘Ah! Oui! Voilà! Il faut absolument que ce soit ça!’’ Haneke aussi, ça lui a plu. Mais d’abord, il fallait vérifier que le titre n’avait pas été utilisé pour une autre œuvre. Haneke s’est renseigné et, en effet, il y avait déjà un film qui s’appelait Amour. On a cherché un peu plus loin et on a découvert que ce film, c’était… un film pornographique!»

Amour
En salle dès vendredi

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