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Foals, du côté sombre des choses

Photo: Steve Gullick

Après trois albums, le quintette britannique Foals est toujours debout. Même s’il n’est pas connu pour ses débordements de joie, le chanteur dynamite Yannis Philippakis s’en réjouit.

On a découvert Foals en 2008 grâce à Antidotes, un disque de rock mathématique entraînant, dans la lignée des Franz Ferdinand, Klaxons et consorts. Mais les garçons ont vieilli, et leur son s’est rapidement complexifié. Après Total Life Forever, une offrande étonnante, aux ambiances tropicales, marines, ils nous sont revenus cette année avec Holy Fire. Un album sur lequel le quintette d’Oxford a ouvert encore plus les horizons de son rock, se laissant même aller à des riffs plus lourds, à des ambiances plus oppressantes. Tout ça sans pour autant renier ses origines : des guitares saccadées, une basse rythmée, des airs éclectiques, parfois dansants. Une vraie signature.

Connu pour ses performances live torturées, sa folie sur scène, le chanteur et parolier Yannis Philippakis s’est quant à lui nettement plus dévoilé sur Holy Fire. Ses textes ont pris une tournure personnelle, se sont teintés d’une plus grande vulnérabilité.

Il s’est aussi mis à… gueuler un peu plus. Une caractéristique qu’il attribue au fait de se sentir «vraiment mieux dans son rôle». «Lorsqu’on a fondé le groupe, je n’étais pas un vrai chanteur. Je n’étais pas du tout à l’aise, avoue-t-il. Pour moi, être vocaliste, c’est arrivé par accident. Avec le temps, j’ai appris. Et aujourd’hui, j’aime utiliser ma voix en tant qu’instrument. Mettre l’émotion dans les morceaux grâce aux mots.» Car sans eux, dit-il, sans les mots, «tout n’est que collection de notes». «C’est vraiment les paroles qui donnent le pouvoir émotionnel à une pièce», avance-t-il.

La confiance qu’il ressent aujourd’hui, il la met sur le compte non pas des centaines de prestations live que Foals a données, mais bien sur le temps qui passe. «Je deviens plus vieux, dit le frontman de 27 ans. Je me sens mieux dans ce groupe. Je sais maintenant que ce que nous faisons est bon.»

Parce qu’il n’en a pas toujours été ainsi. Au départ, les insécurités ont souvent miné le moral des troupes. «On doutait beaucoup de nos capacités. Ce n’est pas complètement disparu, mais je trouve qu’on a fait preuve de nettement plus de courage sur ce disque.»

Une partie de ce courage provient des réalisateurs avec lesquels les garçons ont choisi de travailler. À savoir, les renommés Mark Ellis, alias Flood, et Alan Moulder, qui ont notamment travaillé sur Mellon Collie and the Infinite Sadness des Smashing Pumpkins. Entre moult autres choses. «On est tellement fan de leur boulot, s’exclame Yannis, soudain extatique. Le seul fait qu’ils aient voulu collaborer avec nous nous a donné une dose incroyable de confiance en nos moyens. Ça nous a permis de tenir la névrose à distance.»

Avec Holy Fire, le groupe s’est également tenu à distance des sentiers qu’il avait autrefois foulés. «On n’aime pas se répéter. C’est ennuyeux. Ma hantise, c’est de faire deux fois le même disque. D’être le gars qui répète la même blague dans toutes les soirées», dit le leader.

Donc ses copains et lui se lassent facilement? «Oui, mais je pense que c’est le propre des gens de ma génération». Ce qui les désennuie? «Faire de la musique. Ça nous permet de sentir que les choses bougent, qu’on ne reste pas toujours coincés au même endroit.»

Nul n’est prophète en son pays, dit-on. Pourtant, c’est chez eux, en Grande-Bretagne, que les cinq rockeurs obtiennent la plus grande reconnaissance. En France, ils sont reçus aussi à bras ouverts. Ils se sont produits plus d’une fois à Coachella. À Montréal, leurs passages sont marqués par des salles combles. Sauf peut-être cette fois, en 2008, où ils avaient joué devant un parterre éclairci. Mais c’était un soir de hockey. Plus le temps passe, plus la reconnaissance se fait grande. «Le seul fait de faire encore de la musique aujourd’hui me donne de l’espoir, avoue Yannis. Il y a tant de groupes qui n’arrivent jamais à la reconnaissance. Ça fait trois disques qu’on sort. Les choses vont bien.»

C’est bien connu : les rythmes de Foals sont entraînants et font en sorte que leurs concerts se terminent souvent en grosse fête démente. Mais l’univers de Yannis, lui, n’est pas réconfortant. Ses mots sont plus troublants. «J’aime l’opposition qui existe entre notre musique, très amusante à jouer, et notre propos, beaucoup plus dark. J’ai l’impression qu’avec la plupart de nos chansons, on nage en pleine ambiguïté. C’est doux-amer. Mais la vie est douce-amère aussi, non?» Et puis, dit-il, les groupes qui font de la pop saccharinée ne le renversent pas de bonheur. «La musique joyeuse, qui met le sourire aux lèvres, ça ne me parle pas du tout. J’aime mieux être du côté sombre des choses.»

Dans un de ces textes plus oppressants, celui de la pièce Late Night, il chante douloureusement qu’il se sent comme «le dernier cow-boy en ville». «J’aime cette image, remarque-t-il, heureux. Cette idée d’être le seul survivant. D’avoir réussi à s’en sortir, à surmonter les épreuves. D’être là, épuisé, éreinté, vidé, mais debout.»

Il y a cinq ans, le groupe se faisait un nom avec cet album dansant, dans la mouvance du moment. «Composer de la musique m’est toujours venu facilement, dit Yannis Philippakis. Écrire des textes, par contre, c’est autre chose…»

  • De l’antidote au feu sacré

Trois albums, trois univers, une signature.

Antidotes (2008)
Il y a cinq ans, le groupe se faisait un nom avec cet album dansant, dans la mouvance du moment. «Composer de la musique m’est toujours venu facilement, dit Yannis Philippakis. Écrire des textes, par contre, c’est autre chose…»

Total Life Forever (2010)
Ici, les musiciens sont apparus là où personne ne les attendait. Et ce virage leur a valu une nomination au Mercury Prize. «Après Antidotes, on sentait le besoin de prouver qu’on pouvait faire autre chose. Et on l’a fait.»

Holy Fire (2013)
Le dernier-né, Holy Fire, feu sacré, semble avoir eu une action purificatrice sur le band. «Tous les albums sont cathartiques, et celui-ci n’a pas fait exception à la règle. Mais c’est vraiment le disque qu’on a pris le plus de plaisir à enregistrer.»

Foals
Au Club Soda le 10 mai

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