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Frédérick Gravel: Genèse d’un langage

Photo: Francis Ducharme

Ainsi parlait… c’est la rencontre entre le chorégraphe musicien Frédérick Gravel et le dramaturge Étienne Lepage. Une rencontre tellement logique qu’elle semblait presque inévitable. Après Gravel Works, Gravel works maintenant avec Lepage.

«C’est un show ouvert, vivant. On est ici, maintenant. On ne se transporte pas ailleurs. Le but, c’est de jouer avec la conscience des spectateurs», annonce Frédérick Gravel.

Sur scène, quatre interprètes : Daniel Parent, Marilyn Perreault, Éric Robidoux et Anne Thériault. «Trois acteurs et une danseuse»», précise Gravel. Tous les quatre incarnent des personnages qui n’ont pas de filtre et qui se permettent de dire… non, plutôt, qui disent tout ce qu’ils pensent. «Ce qu’ils pensent est parfois vain, ce qu’ils disent baigne parfois dans la fatuité. C’est un peu violent, c’est un peu agressif et les textes [signés Étienne Lepage] ont une charge sociale.»

Ainsi parlait… est un spectacle «basé sur des monologues, sur des gens qui viennent jaser». Mais attention, prévient le chorégraphe, qui agit également à titre d’éclairagiste de ce spectacle : «Il n’y a pas de charge politique du genre : voici notre message!»

C’est grâce à Claude Poissant, «entremetteur ni volontaire ni involontaire», que Fred Gravel a rencontré Lepage (Rouge gueule) et qu’ils ont décidé de bosser ensemble. «Son travail m’a toujours intéressé, dit-il, et j’ai trouvé qu’il y avait de la place pour moi là-dedans.» À l’inverse, «quand Étienne a vu Gravel Works, il a dit : ‘‘Hé! Il y a de la place pour du texte dans ce que tu fais!’’»

Ainsi parlait… est né d’une recherche que les deux collaborateurs ont démarrée ensemble et dont ils ont présenté des résultats au OFFTA, en 2011. Mais de cette première présentation, il est resté peu de choses. «On a peut-être gardé deux ou trois textes originaux sur une douzaine. Le reste a disparu. On a fait du neuf.»

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En entendant parler de cette liaison artistique, beaucoup se sont dit, ben oui, ça semblait évident, presque destiné. Étienne Lepage et Fred Gravel, deux artistes qui bousculent les normes, qui repoussent les limites. Le chorégraphe, lui, a-t-il eu le même sentiment? «Peut-être, mais… je ne saurais dire pourquoi. Cela dit, j’aime beaucoup le travail d’Étienne. Il est allumé et il a une façon très sexy d’écrire. Il présente une époque, la nôtre, qui est beaucoup dans le front, dans l’image. Et ça, ça me parle. Et ça, ça me plaît.»

Il affirme aussi partager une vision semblable sur moult sujets avec le dramaturge. «On a des discussions super intéressantes sur l’art, la scène, le théâtre…» Reste que leur rencontre artistique scénique, ils ne la voulaient surtout pas clivée «là ça danse, là ça parle; là il y a du Gravel, là il y a du Lepage». Le plus gros piège à éviter, dit-il, c’était de ne pas coller leurs deux signatures, juste comme ça. «Comme on ne voulait pas faire un pastiche, il a fallu se créer un langage commun.»

Ce langage, il fallait qu’il parle aux autres autant qu’à eux deux. Qu’il soit accessible, tout en étant propre à leur univers. «Finalement, ça se prend bien! Ça fait sens assez rapidement! se réjouit Gravel. Ce n’est pas un langage extraterrestre. Ce n’est pas une fête du théâtre et de la danse réunis. C’est simplement deux artistes qui font un truc, une recherche commune, et qui voient ce qui en sort.»

Pour l’amour de Hendrix
«Je ne peux pas faire autrement que créer avec de la musique», rappelle Gravel. Avec Ainsi parlait…, il ne déroge pas à la règle. On entendra donc la musique originale de Stéphane Boucher – «comme d’habitude», dit-il – sans pour autant qu’il soit présent sur scène – «ça, ce n’est pas comme d’habitude!» complète-t-il.

Et on entendra aussi beaucoup de Hendrix. Sur six pièces, trois sont de Jimi. «Il m’a toujours fasciné. C’est la musique de mon adolescence. Comme je suis guitariste, il m’inspire complètement. Et puis, ça donne une belle ambiance. C’est chaleureux.»

Il souligne aussi que ces morceaux de «gros blues» viennent «donner une stabilité aux personnages qui n’en ont pas». Car autant ils sont affirmés dans leurs paroles, autant ils sont maladroits dans leurs gestes. «Leur corps les trahit toujours, dit le danseur. Comme s’ils n’étaient pas en contrôle.»

Ce qu’on pourra aussi entendre? «Une pièce de Cliff Carlisle, chanteur folk des années 1930.» Ce qu’on n’entendra pas? «Du Bach. C’est rare qu’il n’y ait pas de Bach dans mes affaires!»

***
Ce que j’ai appris de mes créations…

Gravel Works
«Avec Gravel Works, j’ai appris à me donner des permissions sur le plan de la forme.»

Tout se pète la gueule, chérie
«Avec Tout se pète la gueule, j’ai appris à comprendre c’est quoi l’intention du personnage. Et j’ai réalisé qu’à partir de là, le danseur pouvait bouger de la bonne façon sans que j’aie besoin de tout écrire.»

Ainsi parlait …
«J’ai réalisé à quel point on est souvent pris dans des conventions. En danse comme en théâtre. Avec Ainsi parlait…, Étienne et moi avons essayé tous les deux de les fuir, ces conventions. Ç’a l’air super évident, mais ça ne l’est vraiment pas!»

«La musique, c’est mon décor»

Fred Gravel n’est pas seulement danseur, il est également rockeur dans l’âme et dans les faits. Voici quatre artistes qu’il fait souvent jouer durant ses répétitions.

James Blake
«Pendant ma dernière création, Usually Beauty Fails, on a beaucoup écouté James Blake. Beaucoup trop même pour ne pas être marqués! Et ça paraît, je trouve. Mais c’est une belle référence. C’est super bien foutu, super simple, pas trop prise de tête… C’est assez créatif et unique pour moi.»

Thom Yorke
«Tout ce que Thom Yorke a fait et tous les remixes que les gens ont fait des chansons de Thom Yorke, ça m’a suivi dans presque toutes mes créations. Que ce soit seul ou avec Radiohead, il joue très souvent dans mes répètes.»

Timber Timbre
«Je trouve ce groupe super créatif! Et simple. D’une simplicité exemplaire. En plus, il se dégage une vraie chaleur de cette musique. Quand je veux improviser, je sors souvent mes disques de Timber Timbre. De Bon Iver aussi, mais de Timber Timbre d’abord.»

Fred Fortin
«La musique de Fred Fortin et tout ce qui vient avec, Galaxie, Gros Mené, ça me suit partout depuis toujours. Ses chansons m’ont fait réaliser ben des affaires sur le plan créatif. Je suis vraiment un fan. Il m’a beaucoup inspiré l’ambiance de Tout se pète la gueule, chérie. Cette plainte, cette complainte, désorientée, masculine…»

Ainsi parlait…
Du 5 au 8 juin
Au FTA
N. B. : Toujours dans le cadre du FTA, Frédérick Gravel et son groupe, le GAG, offriront un premier spectacle musical «dans un mode dancy» le 6 juin à 22 h 30, au quartier général du festival. L’entrée est libre.

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