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Jay-Z: De l’art de lancer un album

Photo: Getty

Jay-Z lance aujourd’hui son nouvel opus, Magna Carta Holy Grail : une sortie dont on n’est au courant que depuis peu de temps. Regard sur cette nouvelle façon de publiciser les sorties de disques à l’ère du web.

Quand Jay-Z a sorti The Blueprint 3, en septembre 2009, la plupart de ses fans étaient au courant de la date de sortie depuis quelque temps. Et au fil des mois qui ont précédé le lancement du disque, le rappeur a graduellement dévoilé le titre, la liste des chansons, la pochette de l’album et les noms des artistes invités, histoire d’augmenter la frénésie autour de la sortie du disque.

Quatre ans plus tard, Jay-Z y est allé d’une stratégie complètement différente. En juin, à l’occasion de la cinquième partie des éliminatoires de la NBA, l’artiste est apparu dans une publicité pour faire la promotion de Magna Carta Holy Grail, un album flambant neuf dont les fans entendaient parler pour la première fois et qui devait être lancé le 4 juillet, soit moins d’un mois après l’annonce.

Jay-Z fait partie des artistes importants qui se sont affairés à écrire ces nouvelles règles cette année. En janvier, David Bowie a mis fin à une décennie de silence musical avec une vidéo cryptique apparaissant sur YouTube à minuit, le jour même de ses 66 ans. Puis, en mars, il a lancé The Next Day, un album studio complet dont l’existence n’était même pas connue par tous les bonzes de sa compagnie de publicité quelques jours avant la sortie. Et ce n’est qu’au début du mois de mai que Kanye West a appris à ses fans qu’il lancerait sous peu Yeezus. L’élément commun entre ces albums : le dur labeur secret, avec une sortie précipitée et une pochette qui semble avoir été conçue la nuit précédant le lancement. Le disque de Bowie n’est qu’un carré blanc couvrant la couverture de son opus de 1977, Heroes. Celui de Kanye West, l’image d’un CD avec un morceau de papier collant rouge dessus.

«C’est comme si une partie du marketing musical, de nos jours, était sur le crack ou la cocaïne, illustre Loren Weisman, vétérane de l’industrie musicale et auteure du livre The Artist’s Guide to Success in the Music Business, qui sortira bientôt. Parce que si vous m’annoncez quelque chose qui arrive dans six mois, je ne veux pas l’entendre.»

Mike King, un ancien directeur de marque chez Rykodisc, qui enseigne le marketing musical au Berklee College of Music, dit que l’approche de «l’attaque sournoise» n’est pas seulement privilégiée en raison de la gratification instantanée proposée par Internet. Mais aussi en raison de la nature personnelle des médias sociaux.

«Si on regarde ce à quoi les maisons de disques avaient recours auparavant pour mettre en marché la musique, comme la radio commerciale ou MTV, on voit que ce n’est plus aussi en demande qu’auparavant; ce qui existe toujours, toutefois, ce sont les communautés de fans finis, dit-il. Si vous leur annoncez quelque chose, ils seront vos meilleurs ambassadeurs, sans aucun doute.»

Steve Knopper, un collaborateur du magazine Rolling Stone et auteur de Appetite for Self-Destruction: The Spectacular Crash of the Record Industry in the Digital Age, croit que l’industrie de la musique est peut-être arrivée à accepter la culture de la consommation d’aujourd’hui.

«Dans l’industrie du disque, ce n’était pas vraiment possible de procéder de la sorte, dit-il. Il y a 10 ou 15 ans, ce n’était pas possible du tout d’un point de vue technologique, parce qu’ils ne pouvaient pas sortir un album aussi rapidement. Et puis, jusqu’à il y a quelques années, personne ne voulait le faire, même s’ils le pouvaient, simplement parce qu’ils avaient trop peur du web. Ils se disaient : “Si on sort quelque chose trop rapidement et qu’on ne contrôle pas tout, les gens vont pirater l’album!”Mais maintenant, personne ne semble plus s’en soucier. C’est plutôt : “Bon, j’ai un album! Sortons-le au plus vite!”»

Dans la publicité pour Magna Carta Holy Grail, Jay-Z partage sa stratégie de marketing, et ça ne semble pas plus compliqué que cette dernière déclaration de Knopper.

«L’idée, c’est de vraiment finir l’album et de le lâcher, disait-il. De le donner au monde d’un coup et de laisser les gens le partager.»

Déjà vu
L’approche dite de «l’attaque sournoise», privilégiée par Jay-Z et les autres, n’est pas tout à fait nouvelle. L’artiste Gregg Gillis avait créé le buzz grâce au bouche à oreille après l’album de Girl Talk Night Ripper, en 2006. Pour les deux opus suivants de Girl Talk – Feed the Animals en 2008 et All Day en 2010 –, il les a simplement diffusés discrètement en ligne et a regardé les réactions se propager sur le web comme une traînée de poudre.

«De cette façon, tout le monde peut l’entendre en même temps, avant de lire des critiques ou de se faire une opinion, dit Gillis. Je pense que ç’a bien fonctionné pour moi par le passé, mais pour mes projets, je songe à prévenir les gens un peu à l’avance. Le faire stratégiquement peut aider à mettre la sortie en contexte.»

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