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Au commencement était le clown Arletti

Photo: Christophe Raynaud de Lage

Le clown Arletti, qui roule sa bosse depuis plus de 25 ans, s’arrête pour la première fois à Montréal complètement cirque avec Le 6e jour… pour prononcer une conférence sur le thème de la Genèse. Discussion avec Catherine Germain, la comédienne française derrière le nez rouge.

Il faut bien l’avouer, quand on évoque le clown, la plupart d’entre nous ont un frisson d’angoisse en se souvenant de celui de It de Stephen King, ou tout simplement d’ennui en pensant à ceux qui servent à meubler le temps entre les acrobaties dans un spectacle de cirque. Mais pour Catherine Germain et son partenaire, l’auteur et metteur en scène François Cervantes, le clown, créature qu’ils ont découverte un peu au hasard il y a plus de 25 ans, c’est beaucoup plus que cela.

«Les clowns sont un peu des êtres en demande de devenir des humains, à peine incarnés, décrit celle qui a pris les traits du clown Arletti dans six spectacles au fil des ans. Cette extravagance dans laquelle on les voit apparaître, c’est comme s’ils étaient un corps à nu qui ne sait pas encore qui il est, qui il pourrait être, quelle place il pourrait avoir dans le monde. Et donc, quand on est clown, il faut trouver un prétexte pour aller sur scène – sinon, comme dans les cirques, on nous met dehors, on n’a pas le droit d’être là.»

En guise de prétexte, dans Le 6e jour, le clown Arletti dérobe, on le suppose, le cartable d’un conférencier qui s’apprêtait à discourir sur la Genèse. «Il y a d’abord toute une demi-heure assez silencieuse parce qu’elle ne sait pas comment on fait une conférence et où elle a donc tout intérêt à se tenir à carreau pour ne pas se faire mettre dehors, raconte Catherine Germain. Mais ce qu’elle ne sait pas – et c’est là que François Cervantes est intervenu sur l’écriture de façon assez pertinente –, c’est que le sujet même dans ce cartable, la Genèse, c’est quelque chose que le clown porte en lui naturellement, dans la mesure où il est lui-même un être informe, un être qui va peut-être devenir quelqu’un, mais qui n’en a pour l’instant que le désir.»

Comme le clown est là pour prononcer une conférence – et que le spectacle est né notamment de la main d’un écrivain – le verbe (qui, on peut s’en souvenir, est d’ailleurs «au commencement» de certaines genèses…) est au centre du spectacle, même si la première partie est totalement silencieuse, souligne la comédienne.

«Les élèves des écoles de cirque avec qui on a travaillé au fil des ans ont souvent tendance à mettre le théâtre à l’endroit de la parole et le cirque à l’endroit du corps, fait-elle remarquer. Mais nous, on mélange tout ça parce qu’on n’est pas trop d’accord, on trouve qu’il n’y a pas de hiérarchie. On considère que le corps parle tout autant qu’un texte. Il peut s’en dire autant dans un mouvement de pied ou dans un silence que dans une phrase; on ne peut pas placer l’un avant l’autre ou se dire que la tête est plus importante que le corps. Le physique dit tant de choses sur ce qu’on est.»

À l’aveuglette
Quand François Cervantes et Catherine Germain ont commencé à travailler sur le clown il y a 25 ans environ, c’était parce que l’auteur «s’intéressait à des personnages hors de toute histoire, hors de toute fiction», raconte la comédienne. «On a trouvé Arletti comme des gens qui ne connaissaient pas le clown, et ça nous a peut-être permis de prendre des libertés qu’on n’aurait peut-être pas prises si on avait su qu’il y avait une technique», suppose-t-elle.

Pour Catherine Germain, Arletti n’est pas qu’un personnage, mais «une essence de l’acteur, un condensé, un parfum, une manière poétique d’être en scène». «Et en tant qu’actrice, ajoute-t-elle, le clown m’aide à comprendre dans le présent du théâtre ce
que je viens faire là.»

Le 6e jour
À Espace Libre
De vendredi à dimanche à 19 h

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