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Diego Star: mon pays, c’est l’hiver

Photo: Métropole films

Après avoir parcouru les festivals pendant un an, le premier long métrage de Frédérick Pelletier, Diego Star, prend l’affiche au Québec, province dont le réalisateur a souhaité montrer la beauté à l’écran.

Le Québec hivernal. Le fleuve glacé. C’est entre autres par envie de filmer ces paysages «incroyablement beaux, cinématographiques» de son coin de pays, Lévis, que Frédérick Pelletier y a situé Diego Star, tout comme plusieurs des courts métrages acclamés qu’il a tournés auparavant. «Je suis très enraciné dans le Québec, et – sans entrer dans l’aspect politique – c’est important pour moi de le nommer, de le filmer, lance-t-il. Ce qui me plaît, c’est que les personnages soient profondément là, maintenant. Et il y a beaucoup de cinéastes qui sont dans cette mouvance-là, comme Sébastien Pilote, avec son Démantèlement, et Denis Côté, qui filme des ours, la forêt. Il y a quelque chose de très québécois là-dedans. Je trouve ça plus intéressant que quand on était pris dans une espèce d’esthétique d’aéroport, universelle et ennuyante, dans les années 1990. C’est comme si on se trouvait tellement laids qu’on se maquillait au point de ne plus être nous-mêmes.»

Au cœur de cet hiver que filme Pelletier, on assiste à la rencontre entre Traoré (Issaka Sawadogo), mécanicien sur un cargo qui fait escale à Lévis, et Fanny (Chloé Bourgeois), une jeune mère monoparentale qui acceptera de l’héberger afin de faire un peu d’argent. Méfiants l’un envers l’autre au début, les deux en viendront à développer une relation de confiance et de solidarité.

«Le personnage de Fanny est une poignée, une prise pour les spectateurs d’ici, pour qu’ils puissent s’identifier à la situation, expose le cinéaste. Et la question que je trouvais intéressante, aussi, c’est : est-ce qu’un “pauvre” d’un autre pays et une “pauvre” du Québec qui se rencontrent seront portés à être ensemble ou l’un contre l’autre?»

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La fascination de Frédérick Pelletier pour les marins, par ailleurs, lui est venue de son grand-père, qui travaillait lui-même au chantier naval. «Ç’a longtemps été très romantique à mes yeux, les marins qui partent au loin à l’aventure, explique-t-il. Jusqu’à ce que je découvre que c’est vraiment une job sale et dangereuse au possible, et que je me mette à m’y intéresser.»

Penchant d’abord vers l’idée d’un documentaire, le cinéaste a passé beaucoup de temps à la Maison des Marins, un centre de ressources à Montréal. «J’ai rencontré beaucoup de marins avec qui j’ai échangé, et tout ce qui se passe autour des marins dans le film, ça vient de discussions que j’ai eues avec eux, révèle-t-il. Il y a des trucs que j’ai gardés textuellement.»

Le cinéaste considère d’ailleurs que le film de fiction était un «très beau véhicule» pour parler de la réalité révoltante de ces marins venus d’ailleurs qu’il met en scène. «Il y a quelques années, on parlait de mondialisation comme de délocalisation; on envoyait des jobs au Mexique, par exemple, dit-il. Là, on est rendus dans une logique tellement pervertie qu’on fait venir le cheap labor ici, en excluant ces gens-là des contrats de travail et des assurances qu’on s’est donnés à nous pour avoir un minimum de qualité de vie. Je trouve ça scandaleux.»

Le retour de Chloé
Art Diego Star Chloé Bourgeois crédit Métropole_C100«Je crois que le fait d’être moi-même mère a influencé mon jeu, dit Chloé Bourgeois. Les seules fois où on voit Fanny sourire, c’est quand elle a son enfant. Le lien n’aurait pas été le même. Ce sont les moments du tournage où j’ai pu me laisser aller et vivre le moment.» / Métropole films

La Chloé Bourgeois rayonnante qui s’asseoit devant nous est à des années-lumière des personnages taciturnes qu’on l’a vue jouer dans Tout est parfait (l’ex-copine de l’un des suicidés) et dans Diego Star, son second long métrage, où elle interprète une mère monoparentale. «Je suis pourtant quelqu’un d’hyper souriant, mais j’ai toujours des rôles intenses! souligne-t-elle. Mais j’aime ça, parce que ce n’est pas trop proche de moi.»

Si on exclut quelques apparitions (dans les séries Les Jaunes, La galère et Toute la vérité, et dans le court métrage Baby Blues), Chloé Bourgeois n’avait plus été vue au grand écran depuis le film d’Yves-Christian Fournier en 2008, Tout est parfait. C’est entre autres parce qu’elle a eu un enfant, explique la jeune femme, mais aussi parce que sa soudaine célébrité lui a «fait peur».

«Je m’en allais faire mon cours en carrosserie, et on m’a plus ou moins lancée dans la grande ville où, du jour au lendemain, les gens me reconnaissaient dans la rue… c’est spécial, se souvient-elle. Je me suis dit que je ne serais pas capable. Mais en refaisant quelques projets depuis, j’y ai repris goût… Et maintenant, j’ai vraiment envie de me lancer!»

Comme le sujet relativement tabou du suicide chez les jeunes abordé dans Tout est parfait qui l’avait séduite à l’époque, et ce sont les thématiques de Diego Star qui ont plu à la jeune actrice. «J’aimais l’idée du mélange des cultures – même si ce n’était pas l’intention de Frédérick – et aussi le sujet des immigrants qui arrivent ici sans être payés et des mères monoparentales qui en arrachent et sont prêtes à tout pour arrondir leurs fins de mois… C’est hyper d’actualité, croit-elle. J’aime faire des films qui touchent les gens et provoquent la discussion.»

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Diego Star
En salle dès le 6 décembre

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