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Philippe B, l’oiseau rare

Photo: Yves Provencher/Métro

Trois ans après son acclamé Variations fantômes, Philippe B est de retour avec Ornithologie, la nuit, un album à l’ambiance nocturne et résolument montréalaise.

Les choses ont bien changé pour Philippe B depuis Variations fantômes, l’album qui l’a fait connaître au grand public («au moyen public», précise-t-il avec modestie). Après avoir été encensé de toutes parts, le musicien n’a pas eu à se battre pour réussir à produire son quatrième album, Ornithologie, la nuit. «Le succès de Variations fantômes m’a apporté un certain confort logistique, souligne-t-il. Ça m’a permis de savoir que je pouvais faire mon prochain album quand je le voudrais, quand je serais prêt. Les fois d’avant, je faisais mes disques d’abord pour moi-même, j’avais besoin de trouver un moteur. Cette fois, j’ai plus l’impression de l’avoir fait pour les gens. Il est un peu plus attendu, et j’aurais à répondre de mes actes si j’arrêtais de faire de la musique, ce qui n’était pas le cas avant.»

Sans vouloir répéter le processus d’échantillonnage de musique classique qui était la contrainte de son précédent opus, Philippe B n’a pas non plus écrit Ornithologie, la nuit en réaction aux Variations fantômes, l’inscrivant plutôt dans la continuité en «bâtissant sur les acquis» de celui-ci. «L’incarnation sur scène de l’intégrale des Variations fantômes, par exemple [durant laquelle les échantillonnages des pièces étaient joués par un véritable orchestre] a fait en sorte que je me suis retrouvé sur scène avec un hautbois, un trombone, une clarinette… Ça devient très concret quand ce sont des gens précis dont j’ai l’adresse courriel qui les jouent. C’était donc plus facile d’aller dans cette direction-là: je peux me servir de tel instrument, j’ai juste à appeler telle musicienne.»

La première chanson composée, L’année du serpent – une commande de Radio-Canada, à l’origine – a aussi enligné le chanteur vers les cuivres et les instruments à vent. «Il fallait que je fasse un emprunt au Sacre du printemps, explique-t-il. J’ai emprunté une ligne de clarinette basse et j’ai découvert l’instrument. J’aimais bien l’effet sonore, ç’a ouvert une autre fenêtre. J’avais surtout utilisé des cordes sur l’album d’avant, et ça m’apparaissait comme un spin intéressant d’utiliser des cuivres et des instruments à vent pour remplacer les samplings.»

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Alors que les échantillonnages étaient le défi que s’était imposé le musicien la dernière fois, pour ce nouvel opus, c’est plutôt du côté des textes qu’on retrouve une ligne directrice: celle d’un homme qui remonte progressivement vers la lumière après des moments difficiles. «La musique n’est pas si légère que ça, fait remarquer Philippe B. Si on n’écoute pas les paroles – ou si on ne parle pas français –, ça peut avoir l’air d’un album assez dramatique. Mais quand on écoute les textes, on se rend compte que ça ne va pas si mal que ça. Ça, c’était un choix conscient dès le départ, une volonté de légèreté, de lumière. J’avais envie que ce soit un peu plus ludique, un peu plus niaiseux. Que ça soit des saynètes, des anecdotes. Je voulais désamorcer les chansons quand elles devenaient trop intenses. Et je n’avais pas besoin de devenir quelqu’un d’autre, je pouvais le faire en restant moi-même. Ce n’est pas absent de ma personnalité, cet humour-là.»

Au fil de l’écriture, le chanteur s’est aussi rendu compte que plusieurs de ses chansons nommaient des saisons, indiquaient une période précise de l’année: «À la fête des Morts, la nuit déguise les corps» (Ornithologie I) «Y’a des arbres de Noël dans poubelle» (Calorifère) «Jésus de Nazareth passe à Radio-Canada; j’écoute chanter les hirondelles en attendant la résurrection du dimanche après-midi» (Alice)… «C’est comme si c’était les moments clés d’une année, chronologiquement… mais paradoxalement, j’ai fait un effort conscient pour qu’on ne puisse pas savoir de quelle année, lance Philippe B. Il n’y a pas de marqueur d’époque dans le son, ni dans les mots. Et l’autre constante, c’est la ville. C’est un disque très ancré dans Montréal, dans le réel. Ce ne sont pas des chansons de voyage ou de campagne. C’est vraiment Montréal, la nuit, dans un cheminement vers le mieux.»

Enfin seul

Dans un monde idéal, Philippe B sortirait un album tous les ans, «comme ça se faisait dans le bon vieux temps». Mais il a une bonne excuse pour avoir mis trois ans à accoucher d’Ornithologie, la nuit: il a multiplié les projets parallèles, ayant, entre autres, composé la trame sonore de La chasse au Godard d’Abbittibbi et réalisé les albums des sœurs Boulay et de Carl-Éric Hudon. Des collaborations fécondes pour l’artiste, notamment parce qu’elles lui permettent de garder ses albums solos… le plus en solo possible. «J’ai la possibilité de travailler avec d’autres gens dans d’autres projets, donc je ne stagne pas quand je me retrouve dans mes affaires, explique-t-il. Quand je travaille avec d’autres, je suis en mode commande, je fais les affaires qu’ils veulent, j’essaie de comprendre leur univers… Et à un moment donné, je me remets à avoir le goût de tout décider, de tout faire. Si je ne travaillais jamais avec personne d’autre, mes albums solos seraient très différents. J’aurais tendance à monter un band, à aller en studio avec cinq personnes, j’aurais probablement besoin de ça pour ne pas me répéter, pour ne pas prendre de mauvais plis et pour “crinquer” ma créativité. On a besoin du miroir des autres pour forcer l’humilité, comprendre ses forces et ses faiblesses.»

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Ornithologie, la nuit
En magasin dès mardi
Lancement au Cabaret du Lion d’or
Mardi à 18 h

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