Soutenez

Féminin/Féminin: Amour/Amitié

Photo: Denis Beaumont/Métro

Avec Féminin/Féminin, Chloé Robichaud explore les relations d’amour et d’amitié dans un groupe de femmes gaies. «Ce sont des filles qui sont amies, qui sont solidaires, qui vivent ces moments-là ensemble», dit-elle. Au fil des huit épisodes, parfois avec un sourire en coin, la cinéaste défait certains mythes, dont celui de la jeune femme lesbienne qui tombe obligatoirement amoureuse de sa meilleure copine. Fine, raffinée, cette websérie traite d’une réalité encore trop peu abordée dans le paysage télévisuel. «Si ça peut faire une différence, tant mieux!» remarque la réalisatrice.

Une jeune femme qui quitte son village. Pour «embrasser des filles», disent ses amies. Une autre qui assure ne pas avoir de sentiments homosexuels, mais… Une autre encore qui craque pour une inconnue, faisant exploser le ménage stable qu’elle formait avec son amoureuse. Un couple qui se défait, un qui se forme, un autre qui doit composer avec une différence d’âge. La websérie Féminin/Féminin est faite de petits instants. «Je voulais proposer un côté hyper réaliste, très près du quotidien des lesbiennes. Mais en même temps, on se rend compte en l’écoutant que c’est près du quotidien de n’importe qui», souligne Chloé Robichaud.

Avec cette série qui porte sa griffe, la cinéaste de Sarah préfère la course joue avec les perceptions et la réalité. Dans le premier épisode, on la voit passer devant ses actrices, réunies sur une terrasse, en pleine discussion. Parmi elles, Ève Duranceau, Noémie Yelle et Eliane Gagnon. Avec vivacité, cette dernière lance à la réalisatrice: «Hey, Robichaud! Si tu fais un film sur nous autres, pourrais-tu caster Suzanne Clément? Pis Hélène Florent?» «Je vais voir ce que je peux faire», répond-elle. Elle fera beaucoup.

Pour ajouter à la facture «faux documentaire», Chloé Robichaud soumet ses protagonistes à des séries de questions. Des plus sérieuses, sur l’amour, sur l’engagement. D’autres plus drôles, comme sur cette «étude» qui dit «que les lesbiennes boivent plus». «Ce sont des questions qu’on m’a posées; des choses que j’entends souvent. Des clichés aussi, avec lesquels je joue», confie-t-elle. Pour la réalisatrice, le résultat est une voix. «Celle de toutes ces filles de la communauté que je connais, que je fréquente, qui sont autour de moi.»

Dans un moment évocateur de l’épisode final, qui possède «une vraie partie documentaire» et auquel participent «des vraies personnes», la réalisatrice braque sa caméra sur un groupe de femmes et leur demande: «Est-ce que vous vous sentez bien aujourd’hui en tant que lesbiennes? Est-ce que vous vous sentez affirmées?» Et toutes, sans exception, répondent spontanément et simultanément «Oui!» avant d’éclater de rire. «Elles n’ont même pas envie de continuer à répondre parce que, pour elles, c’est une évidence. Elles ne se posent plus cette question-là. Un coup qu’elles ont avoué qui elles étaient, elles sont elles-mêmes. Et personne ne leur donne l’impression qu’elles sont différentes.»

Évidemment, en entendant parler de Féminin/Féminin, plusieurs ont pensé à The L Word. Ou à Lip Service. Certes, ces séries, la première surtout, ont été marquantes, mais ne serait-ce pas aussi un signe de la relative rareté des personnages homosexuels au petit écran? «C’est vrai qu’on revient souvent aux mêmes. Même moi, j’ai de la misère à en nommer d’autres, concède Chloé. Mais ça tend à changer. Au cinéma, il y a beaucoup plus de personnages gais. Même dans les téléséries au Québec. Dans Trauma, Mémoires vives…»

Les fidèles desdites Mémoires souriront d’ailleurs en voyant Catherine Renaud dans un rigolo caméo. Autre apparition marquante? Celle d’Ariane Moffatt qui à la caméra revient notamment sur l’aspect médiatique de son coming out. La cinéaste, elle, a-t-elle vécu un cheminement similaire? «Moi, c’est toujours quelque chose qui a été su, dès le début, dit-elle. Je n’ai pas senti que c’était un problème. Je suis qui je suis et je n’ai jamais eu envie de me cacher.»

Dans Féminin/Féminin, c’est aussi Montréal qui se révèle. On reconnaît le Mile-End, le St-Viateur Bagel. La trame sonore mêle des groupes internationaux, dont Icona Pop, à des artistes de la scène locale, comme Human Human ou Philémon Cimon. Mais il y a aussi beaucoup de silences. Un peu comme dans Sarah préfère la course, même si «les personnages sont un petit peu plus extravertis» que ne l’était l’athlète incarnée par Sophie Desmarais. «J’ai toujours l’impression que les silences en disent plus que les mots, remarque la cinéaste-scénariste. Je trouve ça beau, ces moments où les mots arrêtent d’être dits et où l’information passe autrement.»

Et l’émotion qu’elle souhaite passer, elle, c’est quoi? «Dire aux filles que ça peut être facile». «On a la chance de vivre dans une province où c’est quand même accepté. Tu peux avoir ton cercle d’amies. Tu peux être en couple. Tu peux être bien en couple. Tout ça se peut.»

La beauté du cadre

WEEKEND_Noemie et Sarah(Catherine et Julianne)_c100Féminin/Féminin se démarque pour plusieurs raisons. Par sa signature. Par son propos. Par son casting.

Au générique, on retrouve notamment la toujours excellente Macha Limonchik. On voit l’actrice une première fois lors d’un souper entre amies, où, vêtue d’un gilet d’Iron Maiden, elle annonce: «Ce soir, je sors!» On la suit ensuite dans un bar, où débute un flirt avec une barmaid, incarnée par Sarah-Jeanne Labrosse. «Il y a beaucoup de webséries qui se font, mais qui n’ont pas cette facture visuelle, observe Macha Limonchik. C’est vraiment très sophistiqué. La bande sonore, le générique. Il y a beaucoup de goût dans tout ça. C’est très raffiné.»

Chloé Robichaud précise d’ailleurs que l’aspect cinématographique était d’une importance capitale. «J’ai traité la série comme on traite un film. J’adore travailler le cadrage. C’est quelque chose qui est resté.»

Féminin / Féminin
À visionner en ligne, gratuitement au femininfeminin.com

Articles récents du même sujet

Mon
Métro

Découvrez nos infolettres !

Le meilleur moyen de rester brancher sur les nouvelles de Montréal et votre quartier.