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Philippe B: Symphonie nocturne avec un drôle d’oiseau

Photo: Denis Beaumont

Philippe B

C’est un Philippe B fébrile qui est entré en scène dans l’intime salle comble du Gesù. L’Abitibien présentait pour la première fois à Montréal son tout nouveau spectacle après le lancement en avril dernier de son quatrième album, Ornithologie la nuit. Le public n’a pas tardé à apprivoiser ce drôle de moineau nocturne.

Il était accompagné de son nouveau groupe, composé d’un trio de cuivres (trombone, trompette et clarinette) et de deux choristes, une nouvelle formule, moins orchestrale qu’avec le quatuor Molinari, qui servait bien le côté intimiste de ses plus récentes chansons. Un espèce de jeu de chaises musicales s’est opéré tout au long de la soirée, alors que l’un des six musiciens allait s’installer à tour de rôle au piano.

Philippe B a d’abord brisé la glace avec La complainte du scaphandrier, comme s’il avouait au public son stress et sa «peur de remonter trop vite des profondeurs» et de s’exposer à l’auditoire. Il a ensuite enchaîné avec Hypnagogie de Variations fantômes. Pluie d’applaudissements. Voilà qu’il était un peu plus rassuré.

Puis, il a rapidement apprivoisé le public avec un premier de ses monologues analytiques tout en autodérision sur ses propres chansons, déblatérant sur la femme, les femmes, ses femmes. «Statistiquement, il y en a quand même quelques-unes!», a-t-il lancé à la blague. Il a continué sur cette lancée avec l’anecdotique Archipels, tirée de son répertoire plus lointain et évoquant des souvenirs amoureux d’adolescence. Mais la soirée était autrement plus dirigée vers des morceaux intimistes sur le questionnement de l’autre et les drames sentimentaux du quotidien. Plus le concert avançait et plus Philippe B nous entraînait dans la nuit, tantôt teintée de folies, tantôt de mauvais présages.

Soit, les envolées métaphoriques de Philippe B sont plus contemplatives que dramatiques. «La principale différence entre Variations Fantômes et Ornithologie, la nuit, c’est que j’ai voulu que le second soit moins lourd», a-t-il dit entre deux tounes, avouant être plus ou moins convaincu d’avoir réussi. Et pour cause, a-t-il lui-même fait remarqué, l’enivrante Calorifère, qu’il a entonnée après l’avoir qualifiée de chanson joyeuse, commence par «Tu pleures». Moins lourd ou pas, Philippe B a séduit le public ce soir-là. Par ses maladresses verbomotrices et sa tendance à se justifier constamment, personnage qui cadre tout à fait avec l’oiseau de nuit, cette créature étrange dont il est tant question dans Ornithologie la nuit.

Qu’importe son autocritique, sans doute aussi une déformation professionnelle de son travail de réalisateur (pour Groenland et pour Les Sœurs Boulay, notamment), la foule était complètement absorbée, voire assommée par la richesse des arrangements: un mélange essentiellement de folk et de classique rehaussé par les chœurs un peu rétros. Soulignons la cohésion orchestrale percutante sur Lucioles et Jusqu’au soleil.

Peut-être l’oiseau de nuit était-il moins à l’aise au piano qu’à la guitare, mais reste qu’on lui pardonne après l’interprétation de la douce-amère Nocturne #632 tout droit sortie d’une de ses multiples nuits d’élans crépusculaires de création.

Et quoi de mieux, pour clore ce concert où la femme aura été chantée sous toutes ses formes, qu’une reprise de La Chanson de Prévert.

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