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Listen Up Philip: détestable lui

Photo: Sailor Bear/collaboration spéciale

Dans Listen Up Philip, le réalisateur et scénariste Alex Ross Perry met en scène un personnage qui dit tout haut ce qu’il pense, détruisant sciemment sa vie et sabotant sa carrière. Listen, écoutez, on ne peut qu’aimer.

Le Philip du titre est auteur. Trentenaire brusque, direct (et incarné par un Jason Schwartzman parfait), il s’apprête à faire paraître son second roman, chose qui lui vaut, dans le Brooklyn hautement compétitif où il vit, une certaine notoriété. Mais il refuse de jouer au gentil, de sourire pour les caméras et de répondre aux questions des journalistes qu’il juge complètement nuls. En un temps éclair, Philip envoie promener son ex-copine et son meilleur ami, et déclare à son éditeur qu’il ne fera aucune entrevue. Et ce n’est pas la peine d’insister. Même son amoureuse du moment, avec qui ça commence à se gâter, trouve ce soudain excès de méchanceté vraiment séduisant. Pendant un petit moment.

Avec ce film indie, son troisième, le réalisateur et scénariste new-yorkais Alex Ross Perry propose une comédie noire qui sort de l’ordinaire, portée par une narration aux accents d’Arrested Development, qui explore, remarque son créateur, comment «chaque être a un effet sur tous ceux qui l’entourent».

Plusieurs critiques et spectateurs ont souligné que votre protagoniste était très antipathique. Pourtant, malgré tout, on sympathise vite avec lui, on le trouve touchant dans sa vilenie. Personnellement, il nous a semblé être un sensible romantique qui a été déçu tant de fois qu’il en est devenu cynique et froid. Qu’en pensez-vous?
Eh bien… pour moi, sympathique, antipathique, là n’est pas la question. La question, c’est plutôt: avez-vous envie de passer 100 minutes en compagnie de ce gars-là? Est-il assez captivant pour alimenter un récit avec du drame et des enjeux? Et avez-vous envie de voir ce qui lui arrive? S’il est charmant, gentil et bien ajusté, qu’y a-t-il à regarder?! La seule chose qu’un personnage aussi parfait peut faire, c’est aller vers le bas. Moi, je préfère voir un film avec un gars qui, au départ, semble vraiment déprimé, méprisable et abject, et observer jusqu’où il pourra aller une fois qu’il se sera relevé. S’il réussit à le faire.

Il y a une sincérité et une honnêteté frontales chez Philip qui ne sont pas très bien vues socialement… On pense à cette scène où son ex-blonde lui dit: «On dirait que t’es en train de te vanter» et qu’il lui répond: «Eh bien, je SUIS en train de me vanter!»
Bien franchement, ce sont des choses qui arrivent dans mon monde, dans le milieu du cinéma. La fausse modestie, c’est un très grand trou dans lequel tout le monde risque de tomber. Personne ne veut entendre un réalisateur qui a atteint ne serait-ce qu’un minimum de succès enviable dire: «Oh! Pauvre de moi!» C’est juste agaçant. Laisser Philip embrasser ces instincts que la plupart des gens tentent de réprimer et lui permettre de dire: «Oui, je me vante, parce que je suis fier de m’être rendu là où je suis», je crois que ça permet aux spectateurs de vivre une expérience cathartique et excitante.

«Tous mes personnages ont fait de New York leur maison, comme moi. Ça fait sept ans que j’habite à Brooklyn, dont six dans le même appartement. La dernière fois que j’ai vécu autant de temps au même endroit, c’était dans la chambre de mon enfance.» – Alex Ross Perry, scénariste et réalisateur

Vous critiquez aussi le milieu littéraire et artistique, comme dans cette scène où, pendant une séance photo pour un magazine, une assistante s’intéresse soudain follement à Philip, alors qu’à la sortie de son premier livre – et durant la première séance photo qui s’en était suivie, au même endroit – elle l’avait complètement ignoré. Inspiré de faits vécus?
Je n’ai jamais expérimenté une telle chose: personne ne m’aime plus ou moins qu’il y a cinq ans. En fait, les gens qui avaient de l’aversion pour moi en ont encore davantage aujourd’hui! Mais je vois ce genre d’événement arriver autour de moi; j’en capte des parcelles.

Le film se déroule en grande partie à New York, mais la ville n’est véritablement nommée qu’une fois, lorsque la sœur d’un des personnages dit: «Tu sonnes comme une sale gosse qui habite à New York.» Outre cette intervention, l’endroit est seulement désigné par les mots «The City». Était-ce pour vraiment faire une rupture entre LA ville et tout le reste?
Hmm, je ne voulais pas dire «New York», parce que lorsqu’on dit ça, tout le monde pense à Times Square, à l’Empire State Building et à Manhattan. Tandis que quand on dit «The City», tout de suite on voit tout le reste. On voit le métro, le gars qui marche dans la rue, les conducteurs qui klaxonnent, les petits édifices qui n’ont pas été rénovés… Des choses comme ça. C’est là que je voulais que le film se déroule. Pas à New York City, mais juste dans «The City».

L’idée de «la maison», du «chez-soi» revient à plusieurs reprises dans le film: il est question de se sentir à la maison, de la quitter ou d’y revenir alors qu’on n’y est plus le bienvenu. Vous qui n’êtes pas originairement de New York, est-ce une chose à laquelle vous réfléchissez beaucoup? Un thème qui vous taraude?
L’idée de faire d’un endroit son chez-soi est une chose que je trouve incroyablement intéressante à explorer dans les films que je réalise et dans les œuvres que j’aime regarder ou lire. C’est une des principales raisons pour lesquelles j’ai fait un film sur un type qui n’est pas new-yorkais, mais qui a fait de cette ville sa maison. Car à quel moment un gars comme Philip arrête-t-il de dire: «Je rentre à la maison pour le week-end» et commence-t-il à dire: «Je vais visiter l’endroit où j’ai grandi»?

[youtube https://www.youtube.com/watch?v=lyErKmF6xdo&w=640&h=360]
Listen Up Philip
Au Centre Phi
Dès vendredi soir à lundi à 19 h 30

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