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Tiga, une valeur sûre dans la tornade techno

Photo: Collaboration spéciale

Cumulant plus de 20 ans de carrière, la plaque tournante de l’électro montréalaise Tiga Sontag, de poursuit son cheminement, bien à l’abri des courants éphémères. Il sera à l’Igloofest dimanche. Métro en a profité pour lui parler.

Dans sa ville natale, la renommée de ce producteur, DJ et homme d’affaires chevronné s’étend bien au-delà des frontières assez hermétiques de la techno. Si vous ne connaissez pas Tiga Sontag pour ses constantes décharges de techno abrasive, vous avez peut-être fait la fête dans son défunt club Sona, premier afterhours montréalais ayant opéré en toute légalité? Ou visité DNA Records, emblématique magasin de disques qui avait pignon sur rue sur la Main? Ou suivi avec intérêt les annonces du promoteur Neon, qu’il a cofondé en 1999? Ou même aimé un artiste qu’il endisque sur son label Turbo Recordings?

Même le gouvernement canadien a reconnu son apport à la culture musicale, lui qui a organisé notre premier rave «officiel» (Solstice, 1993) et la toute première émission radio consacrée à la techno (The Tiga and Gnat Show sur CKUT, 1992). Bref, Tiga est indissociable de sa métropole depuis déjà deux décennies. Nous avons joint cet éternel «p’tit gars» de l’irrévérence rythmique dans les bureaux de Turbo Recordings, alors qu’il s’affairait à l’élaboration d’un éventuel troisième album.

Faisant suite à Sexor (2006) et à Ciao! (2009), ce nouveau disque dévoilera le fruit de sa récente collaboration avec le tout aussi énigmatique producteur techno Matthew Dear, le duo ayant d’ailleurs déjà fait paraître les singles Plush et Fever. Tiga affirme que la galette témoignera de son penchant pour les sonorités plus costaudes et épurées. «Le minimum requis pour obtenir le résultat souhaité, précise-t-il. C’est comme ça que je voyais Bugatti (voir le clip à la fin de l’article) – le minimum d’ingrédients nécessaires pour accoucher d’un single pop-dance. Il y a toujours un soupçon de mélodie, et il s’agit bien d’une chanson, même s’il n’y a qu’une seule phrase martelée sans arrêt avec mon humour pince-sans-rire.»

«Tous mes amis ont quitté Montréal à un certain moment, alors que je n’ai jamais pu partir. C’est difficile de mettre le doigt sur le pourquoi de la chose, mais j’aime l’idée d’être un outsider. Psychologiquement, c’est réconfortant d’opérer en marge, et j’ai toujours trouvé que Montréal était un endroit tout désigné pour les exclus et autres marginaux. C’est facile de rentrer à Montréal et de replonger dans son petit monde étrange.»

Mais ne vous attendez pas à retrouver les morceaux déjà parus sur cette éventuelle offrande. Tiga se questionne d’ailleurs sur la pertinence du format LP pour les producteurs électroniques, en cette époque du fast-food, fast-fashion, fast-music… «Quand j’étais plus jeune, la notion d’album était indispensable, se souvient-il. Aujourd’hui, tu peux très bien t’en tenir à des singles qui ne requièrent pas un investissement financier ou psychologique aussi significatif. Nos capacités d’attention étant en chute libre, les exigences des mélomanes ont changé. Récemment, j’ai fait paraître Bugatti et Let’s Go Dancing, et personne ne s’est indigné du fait que je ne les avais pas regroupés sous forme d’album.»

Bien qu’il ait grandi avec cette idée qu’un album permet à un artiste d’accéder à un palier de reconnaissance supérieur, Tiga constate que sa propre perception de la chose évolue. «Prenons un artiste que j’admire, comme Aphex Twin. Même si je suis un fan invétéré, son nouvel album ne monopolisera mon attention que pendant un jour ou deux. C’est la nature du monde dans lequel on vit.» Lorsque je lui demande si ses deux albums sont les premiers souvenirs qui lui viennent en tête lorsqu’il fait un survol des moments forts de sa carrière, il se surprend lui-même. «À vrai dire, non! Je pense plutôt aux singles qui ont beaucoup voyagé, comme Sunglasses at Night, Pleasure from the Bass et You Gonna Want Me. C’est très révélateur.»

«Il y a certains producteurs qui créent une signature ryth-mique et qui passent ensuite leur carrière entière à développer des variations sur ce même thème. Cette approche ne m’a jamais intéressé.»

Dernièrement, cet artiste qui n’a pas l’habitude de faire dans la nostalgie a publié plusieurs photos d’archives sur son fil Facebook, dont celle d’un Tiga âgé de 13 ans, cheveux teints en blond platine et arborant des fringues de raver compromettantes de la tête aux pieds! Un message lancé aux plus vieux, signifiant qu’ils ne devraient pas juger les nouveaux initiés de la scène électronique. «Je ne me considère aucunement comme un ardent défenseur de la culture EDM (rires), mais je constate une certaine condescendance chez mes pairs à l’égard de la plus jeune génération.»

Tiga évoque des trous de mémoire considérables chez certains vieux de la vieille, qui oublient que leurs goûts n’ont pas toujours été aussi exigeants ou avertis. «Ce qui m’a attiré très jeune fut la musique hardcore, des trucs comme The Prodigy. C’était très nouveau, même révolutionnaire, mais n’allez pas penser que c’était très sophistiqué! Ce n’est pas comme si j’écoutais uniquement du techno de Détroit, mettons. Ces photos, c’était ma façon de dire qu’il ne faut pas oublier de mettre les choses en perspective.»

Tout un florilège d’influences

Bien plus qu’un simple musicien ou homme d’affaires, Tiga a toujours su puiser dans une vaste gamme de courants artistiques et d’écoles de pensée pour nourrir son œuvre. En voici quelques exemples.

Vladimir Nabokov
Quand j’ai commencé à lire Nabokov (Lolita, Ada ou l’ardeur), j’ai été complètement abasourdi par son intelligence, tant celle de sa plume que celle de son esprit, et par sa mémoire. C’est un vrai génie.

Le Japon
Tokyo est une source inépuisable d’inspiration pour moi. On y accorde un soin fou à la beauté des objets: des autos, du papier, même des choses banales comme l’emballage. J’y vais au moins une fois par année.

Gerhard Richter
Il y a 20 ans, lorsque mon meilleur ami Benno Russell et moi avons conçu le design pour l’afterhours Sona et pour nos vieux flyers, on s’inspirait énormément de l’œuvre de Richter. On adorait sa vision du Pop Art.

Tiga
À l’Igloofest
Dimanche à 21 h 45

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