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Suzanne Binet-Audet, ondiste

Photo: Daphné Caron

Délaissées par les institutions, les ondes Martenot ont fasciné une flopée d’artistes avant l’arrivée du synthétiseur. La pionnière en la matière qu’est Suzanne Binet-Audet nous explique pourquoi les ondes méritent encore d’être en ondes.

Comment avez-vous découvert cet instrument?
En 1963, j’étudiais l’orgue à Paris quand je suis tombée sur un concert qui mettait les ondes Martenot en valeur. C’était la Turangalîla, de Messiaen, une symphonie pour piano et ondes. Je suis tombée en amour. J’ai suivi des cours avec Jeanne Loriod, une ondiste réputée, Jean Laurendeau, qui était lui aussi à Paris à l’époque, et même avec Maurice Martenot, l’inventeur des ondes Martenot.

Comment a-t-il inventé ça?
Martenot était violoncelliste et ingénieur, et pendant la Première Guerre mondiale, la grande découverte, c’était les ondes. C’était un nouveau son, et comme Martenot était musicien, il a compris que ça pouvait devenir un instrument. D’autres avant lui ont fait de la musique avec les ondes, mais lui a trouvé un moyen de contrôler l’intensité et la hauteur du son grâce à un clavier, une touche et un ruban.

Comment décririez-vous cet instrument?
Martenot le voyait comme l’instrument du XXe siècle, parce que c’est l’instrument de l’électricité. Tu joues avec quelque chose d’immatériel, et tu donnes corps à ça. On peut partir de zéro son et obtenir très rapidement une grande intensité, avec toutes les nuances entre les deux. Aucun instrument n’arrive à faire ça. Moi, ça me permettait d’exprimer quelque chose que j’avais en moi et que je ne savais même pas qui existait. L’instrument était très populaire dans les années 1970. Des musiciens comme Jean-Pierre Ferland, Marie Bernard, André Gagnon et François Dompierre l’ont beaucoup utilisé. C’était un nouveau son qui fascinait tout le monde.

C’est le synthétiseur qui a causé son déclin?
Si vous saviez le nombre de musiciens qui ont perdu leur emploi avec l’arrivée des synthétiseurs! Mais après 40 ans de synthétiseur, on réalise que les ondes sont un véritable instrument. C’est quand ils ont voulu faire un son «ondes Martenot» au synthétiseur qu’ils ont réalisé que leur tentative sonnait comme… du synthétiseur! C’est un peu comme la voix, ça ne se reproduit pas. Des musiciens comme Jonny Greenwood, de Radiohead, se le réapproprient aujourd’hui.

Est-ce que vous avez espoir qu’il y ait une relève pour les ondes Martenot?
Pour ça, il faudrait qu’il y ait un programme dans une institution comme le Conservatoire, qui a cessé d’offrir des cours d’ondes depuis 20 ans. La plus jeune ondiste au Québec a 50 ans! C’est important pour le patrimoine québécois, parce que plusieurs de nos compositeurs, par exemple Claude Champagne, ont composé pour les ondes. Si personne ne peut en jouer, ça sera perdu.

La Turangalîla sera présentée à la Maison symphonique le 27 février, dans le cadre de Montréal en lumière. Une belle occasion de découvrir les ondes Martenot!

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