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Les 5 prochains – faire jouer ses espoirs sur le banc

Les 5 prochains Photo: ARTV

Mardi, la nouvelle mouture de l’excellente série Les 5 prochains débutait sur ARTV avec un nouveau groupe d’humoristes de la relève : Katherine Levac (découverte de l’année 2015), Virginie Fortin et Phil Roy de SNL Québec en plus de Fred Dubé et Pierre-Bruno Rivard.

La série est intéressante, car elle offre, pour une fois, le crachoir à une relève trop souvent poussée sous le tapis médiatique. Comme je le soulignais dans ma critique du gala des Olivier, il y a un clivage palpable entre la nouvelle vague et la vieille garde en humour au Québec et, de plus en plus, l’audacieuse jeunesse chauffe l’arrière-train des têtes grisonnantes qui occupent présentement les positions avantageuses de la profession.

Ceci étant dit, Les 5 prochains n’est pas une critique de ce système. Il s’agit ici de ma lecture que j’aimerais partager avec vous à l’aide d’une petite analogie sportive, si vous le permettez.

En humour comme dans le sport, les jeunes espoirs font jaser. On analyse les repêchages et les performances chez les juniors d’une poignée d’individus jusqu’à ce qu’ils deviennent les vedettes espérées. Avant de soulever la Coupe Stanley à Pittsburgh, Sidney Crosby devait composer avec la pression médiatique à Rimouski. On parle autant, sinon plus, des espoirs que des vétérans établis parce que le potentiel et les suppositions font de bonnes manchettes. La relève en humour, d’une certaine façon, souffre de cette attention parce que malgré toute la presse et les bons commentaires, elle ne reçoit pas de « temps de glace ».

Les 5 prochains, c’est Sidney Crosby sur le banc qui observe un Mario Lemieux avec le dos en compote sur le premier trio de son équipe.

Personne n’ose remettre en question le talent et la contribution indéniable du Grand 66 dans l’organisation, mais tout le monde sait qu’il n’est plus l’ombre de lui-même et que la meilleure option reste sur le banc à siroter du Gatorade.

Il est là le problème avec la relève en humour. Ces aspirants comiques ont souvent le regard le plus lucide et le plus intéressant sur le monde qui les entoure, sauf que les micros que l’on place devant eux n’ont qu’une portée timide, au mieux. Le choix d’avoir Les 5 prochains sur ARTV, par exemple, n’est pas anodin. Il s’agit ici d’une station satellite de Radio-Canada, plus nichée, moins regardée. On investit dans la relève sans trop se mouiller. Un risque calculé.

Pour poursuivre dans l’analogie sportive, nous risquons de perdre les meilleures années de ces humoristes à force de les faire jouer sur le banc. En musique, au cinéma et en littérature, on parle souvent de l’importance du premier triptyque d’un artiste, comportant dans la majorité des cas l’essence même du créateur et l’état le plus brut de son œuvre. Sans forcément dire que les trois premières propositions sont les meilleures, elles sont souvent les plus intimes, les plus représentatives du monde que l’artiste souhaite dévoiler à son public. Et si, en humour, un humoriste ne possédait que trois « bonnes » heures de matériel en lui, qu’advient-il de sa carrière si ces « bonnes » heures sont utilisées devant une salle vide ou le micro d’une radio peu écoutée?

C’est l’effet pervers de la popularité : nous offrons les meilleures opportunités aux humoristes établis qui eux, inversement, ont souvent le moins de temps afin de peaufiner leur proposition. Sans pointer personne du doigt, il y a un laisser-aller apparent chez plusieurs lorsqu’ils atteignent une certaine notoriété. Ils ont tous connus de bonnes années ou un solide « one-man show », mais le pilote automatique embarque quand les gros contrats se pointent le bout du nez, trop souvent.

Comme les sportifs d’ailleurs.

Les 5 prochains, en ce sens, c’est le premier véritable contact du public avec l’élite de demain. Dans quelques cas, ils sont déjà prêts à sauter sur la glace et faire une différence avec les autres vieux routiers du métier. Mais ils doivent attendre leur tour, sur le banc, substituant le Gatorade par une bière tiède dans un bar de région.

Il ne faut pas craindre l’audace de la relève. N’oubliez jamais qu’avant d’être le chouchou des baby-boomers en Floride, Elvis était un jeune baveux aux hanches dérangeantes.

Nous méritons un humour à l’image de notre époque et non des blagues reflétant la gloire d’hier. Moins de « jokes de mononcles », plus de place à cette polyphonie offerte par la relève et Les 5 prochains.

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