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En cas de pluie, aucun remboursement: le pouvoir en montagnes russes

Photo: François Larivière

Fatigués d’aller au zoo, aux glissades d’eau, au parc d’attractions? Avec En cas de pluie, aucun remboursement, Simon Boudreault vous offre le meilleur de chacune de ces activités, réuni en une seule et même pièce. Weeeee! Super Fun!

Au Royaume du Super Fun, tout le monde a sa place. Ses responsabilités. Et personne ne doit aller au-delà des limites imposées par sa caste. Le sauveteur en chef de la section aquatique, avec son trait de crème solaire sur le nez et ses sifflets dans le cou, peut se permettre d’avoir l’air relax, il tient le rôle le plus cool. La chef des manèges doit faire preuve d’autorité et de fermeté. Ce n’est pas de la tarte, les manèges. La fille du boss, ben, c’est la fille du boss. On ferme les yeux sur son incompétence. C’est comme ça que ça fonctionne, et que ça a toujours fonctionné.

Mais il suffit parfois qu’un nouveau venu rentre dans la game pour que celle-ci change du tout au tout. C’est ce qui arrive quand se pointe dans ce royaume qui sent le popcorn et la barbe à papa un mystérieux personnage, surnommé «le Bossu». En moins de deux, il chamboule la hiérarchie établie. Les pions se déplacent. Et les gentils soldats qui marchaient sagement dans les rangs laissent libre cours à leur soif de domination, se révélant soudain prêts à tout pour arriver au sommet.

Avec cette pièce colorée, le dramaturge et metteur en scène Simon Boudreault explore les thèmes de la loyauté, de la mesquinerie, du pouvoir. Royal.

Pour En cas de pluie, Simon, vous avez confié avoir été inspiré par Richard III, par Game of Thrones, par House of Cards… Ce n’est pas la première fois que vous abordez la question du pouvoir dans une de vos pièces, mais est-ce la première fois que vous vous inspirez de tant d’œuvres différentes?
Hmm, non. Mais je pense que c’est peut-être la fois où je suis le plus conscient de mon inspiration. J’ai toujours adoré ces univers-là, Maurice Druon, Les rois maudits… L’idée, c’était vraiment de placer des jeux de pouvoir, d’une grande intensité, dans quelque chose de plus quotidien. De mélanger les éléments.

Tandis que, dans votre précédente pièce, As Is (Tel quel), présentée au Théâtre d’Aujourd’hui l’hiver dernier, le patron était plus dur et l’employé plus candide, cette fois-ci, le patron est plus naïf, et l’employé, plus démoniaque. C’était plaisant, d’inverser les rôles?
Oui… En même temps, ici, le patron est-il naïf ou a-t-il une vieille façon de voir les choses? Je pense que c’est plus la deuxième option. Il s’agit davantage de deux générations qui s’affrontent. Par contre, c’est vrai que les employés de As Is et En cas de pluie sont complètement opposés l’un à l’autre.

Le soir où nous avons vu la pièce, nos voisins se sont soudain mis à chuchoter: «Heille, je l’aime pas, le Bossu! – T’as raison, le Bossu, c’t’un trou d’cul!» Espériez-vous que ce personnage vil à l’air innocent déclenche des réactions aussi épidermiques?
(Rires) En fait, je trouvais ça plaisant que, comme dans Richard III ou House of Cards, le personnage le moins sympathique soit celui qui s’adresse au public. Et puis, même s’il n’est pas «gentil», il fonctionne quand même selon son propre système de valeurs! Et au sommet de ce système, on trouve l’ambition. Moi, ce ne serait pas mon ami, mais j’aime toujours mes personnages. Même les «méchants»!

«Je trouvais ça amusant qu’il y ait tout le temps des références à la chevalerie, à la royauté.» – Simon Boudreault, auteur et metteur en scène

Au fil du récit, on assiste à une séance de feux d’artifice, à un dialogue dans un manège, à une scène romantique dans une piscine… Des moments éclatés et inventifs. Quand vous écriviez ces passages, imaginiez-vous déjà comment les mettre en scène?
En fait, comme auteur, je me suis amusé à lancer des défis au metteur en scène… sans savoir encore, au moment où j’écrivais, que ce serait moi. (Rires) Donc, j’ai écrit une scène dans une grande roue, une autre dans une piscine… Je me disais: ça va être drôle! Je voulais qu’on sente le lieu. Qu’on sente le parc d’amusement. Le théâtre permet de suggérer plein de choses. Comme les feux d’artifice : on a juste à mettre des bruits de feux et comme on en a tous vu, ça nous rappelle des images, des odeurs.

Vos personnages s’adonnent à des parties de «Tape-la-marmotte», le célèbre jeu d’adresse quasiment impossible à remporter. Aviez-vous quelques défaites de Tape-la-marmotte sur le cœur que vous souhaitiez exorciser?
Non! Pas tant! (Rires) C’est un jeu que j’ai toujours trouvé très difficile, mais c’est surtout parce que c’est le premier qui me venait en tête. Ça, et l’histoire du gun qui fait tomber des canettes. À mes yeux, c’est le jeu le plus populaire! Ou peut-être juste le plus vieux? (Rires)

Au Royaume du Super Fun, on boit du Pepsi. Ce n’est pas, on imagine, un choix innocent?
Eh bien, ça m’amusait parce qu’on a toujours dit que le Pepsi, c’est la boisson du Québec, et je trouvais que ça faisait très «Québec»! Ce n’était pas tant un choix éditorial qu’un choix d’accessoire.

Chez vous, comme chez beaucoup d’autres, les noms sont toujours d’une importance capitale. On retrouve ici Louis Le Juste, Charlotte La Hardie, Marie-Jeanne La Bien Aimée et, dans un autre registre, Carl-Étienne Fréchette-Morisseau. Pensez-vous que, lorsqu’on a trouvé un nom, on a trouvé une grande partie du personnage?
Oui, je trouve ça important! Là, c’est sûr que je voulais faire un clin d’œil aux rois français. Ça me fascine, les noms qu’ils ont eus! Des fois, ils se les donnaient eux-mêmes. Comme Henri le Juste. C’était (ironiquement) un des plus cruels! Je trouvais ça amusant que mes personnages portent ces noms dans un cadre très québécois et très réaliste, qu’ils n’en fassent pas de cas. Ça créait une musicalité particulière aussi. S’ils s’étaient juste appelés Marie-Jeanne, François, Charlotte, ça n’aurait pas été pareil.

Il y a une grande énergie qui se dégage de cette pièce. Souhaitiez-vous créer un sentiment de colonie de vacances?
On dirait que, quand j’ai commencé à écrire cette pièce pour la période estivale, j’ai voulu m’inspirer de l’été. Il y a des références à l’eau, aux manèges, à la nourriture trop sucrée… Je voulais que ce soit une pièce qui SENTE l’été.

En cas de pluie, aucun remboursement
Au Petit Théâtre du Nord
À Blainville
Jusqu’au 21 août

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