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Simon Boulerice: Les mots musclés

Photo: Photo : Chantal Lévesque / Montage : Steve côté/métro

Le Petit Bob en guise d’haltère, la poésie pour carburant, les recettes de shake protéiné comme haïkus, la série de redressements assis comme renforcement positif. Le nouveau roman jeunesse de Simon Boulerice, Paysage aux néons, fait du gym un lieu où l’amour des mots éclate entre les machines, les vélos stationnaires et les poids et haltères. Où le contact avec autrui se fait doucement et où, au-delà de la façade, on perçoit le cœur qui bat sous les muscles qui saillent.

Simon a toujours aimé danser. Ça, il l’a dit dans un solo. Qui portait ce titre. Mais Simon a toujours aimé beaucoup d’autres choses. Comme les néons. Simon ADORE les néons.

C’est, rappelle l’auteur-acteur-danseur, sa maman qui, très tôt, lui a insufflé cette passion, le «traînant» dans les grandes surfaces illuminées, où des racks remplis de produits se dressent dans toute leur splendeur («rassurante», souligne-t-il). Tadam! Bien des années plus tard, Simon Boulerice n’a pas oublié. «Je me sens en sécurité dans un Tigre Géant. Pour moi, l’intimité se révèle dans ces éclairages crus. Et le gym a un peu de ça.»

C’est d’ailleurs dans cette lumière anti-tamisée et «dans-ton-visage» (in your face) que baigne l’écrivain montréalais quand on le rencontre à la Place Dupuis, où il boit un smoothie en nous parlant avec un entrain postentraînement. «J’aime les éclairages pleins feux! C’est comme du HD ambulant! Ça révèle la vérité.»

Cette vérité, elle caractérise tous ses protagonistes. En l’occurrence, dans son Paysage aux néons, Léon, gentil jeune homme récemment converti aux bienfaits de l’exercice. Puis le bien-surnommé Marky Mark, colosse du culturisme qui camoufle un paquet de tendresse sous ses tonnes de pectoraux. Et Félindra (tête de tigre), son amoureuse, «une fée Adidas», comme l’appelle l’auteur, qui descend des cannettes de Coke Diète en faisant des squats. L’image nous fait penser à cette dame qui, dans un établissement que nous fréquentions autrefois, sortait ses minibouteilles de tequila de sous son step et en distribuait à la ronde entre deux séries de genou, genou, kick, kick, basic, basic. «Vous en voulez?»

Car chaque gym a ses personnalités. Ses héros. Et dans cette «faune hétéroclite», Simon Boulerice se reconnaît. Comme dans tous ses personnages du reste. «Il y a des traces de moi partout! s’exclame-t-il. Je me dissémine!» Que ce soit dans sa série jeunesse M’as-tu vu?, son roman graphique Martine à la plage, son récit pour adultes Le premier qui rira. Et désormais, dans ce Paysage. Où il dit être à la fois l’ado de 17 ans, le massif Marky, et même Félindra, cette femme dotée de «bagout, de nonchalance, d’arrogance. D’humanité.»

L’humanité et l’attention aux détails, le trentenaire en a fait sa signature. Son cahier de notes, il le traîne partout. Ce jour-là, ledit cahier s’ouvre sur deux titres de films du cinéaste sud-coréen Park Chan-wook griffonnés au stylo («Quelqu’un m’a suggéré de voir Old Boy»). Mais ce n’est pas tout. «Regarde! Tantôt, j’ai écrit “danser autour des meubles”. Je trouvais l’image belle.» Même en parlant, Simon trouve des tournures spéciales. Dit «répondre de façon couleuvre». Et il raconte que sa fascination a toujours été dirigée vers la «façon dont on entre dans la vie».

«Je crois à la féerie, la fantaisie. Je pense qu’on doit les conserver le plus longtemps possible. Je ne dis pas qu’il faut être dans la guimauve. Mais dans la guimauve brûlée, ça oui!»

Cette entrée dans l’âge adulte, il continue de l’explorer ici, utilisant des accessoires-clés de la poly, comme le cadenas et sa combinaison impossible à mémoriser. L’école, l’auteur y serait-il attaché? Il l’est à ses bulletins en tout cas. Il les a «tous conservés. De 5 à 25 ans.» Mais l’école comme telle, il s’y replonge juste quand il «écrit pour les ados». Lecteurs pour lesquels ce lieu est le cœur d’un quotidien rythmé par les cours, la camaraderie.

D’ailleurs, ce Paysage, il le dédie à son meilleur pote – et complice de push-ups – Jocelyn Lebeau. Avec lequel il pousse de la fonte dans son Nautilus du centre-ville non pas pour éloigner la honte, mais pour souder leur amitié. Et comme ces coïncidences n’arrivent que sous les néons, en plein milieu de notre discussion, le cell de Simon vibre. Il explose de rire. «C’est Jocelyn! Il vient s’entraîner!»

Le charismatique auteur éclate de rire à nouveau (c’est récurrent) quand on lui mentionne cette maxime qu’il traite de façon littérale dans son récit. «Un esprit sain dans un corps sain.» Tsé, Simon… cet adage nous a toujours légèrement agacée, qu’on lui dit. «C’est vrai que c’est… flou!» rigole-t-il.

Et sûrement qu’il sourit de nouveau en voyant qu’après 500 et quelques mots sur lui, l’adjectif «prolifique» n’a pas encore été utilisé (désolée de le faire là, maintenant). Car on le décrit souvent comme un créateur «hyperactif». Pourquoi? Il soupire… en souriant. «Je commence à avoir sur-entendu ça, “Simon-Boulerice-le-Prolifique”. Pendant un temps, j’ai été agacé. Puis touché. Aujourd’hui, je dis: mettez-le, votre adjectif! Mon rythme n’est peut-être pas celui de tout le monde. Mais c’est le mien. Et ce n’est pas dit que je ne vais pas ralentir. Présentement, ma vie est organisée autour de l’écriture. Mais je serais heureux que quelqu’un vienne chambouler ça un jour.»

Simon Boulerice Paysage aux néonsPaysage aux néons
Aux éd. Leméac

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