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As is (tel quel): Le retour du roi du Rachat

Photo: Valerie Remise

Après avoir ravi le public du Théâtre d’Aujourd’hui à l’hiver 2014, As is (tel quel), pièce à méga succès du dramaturge Simon Boudreault, déménage son Armée du Rachat et son Tas de Cossins dans l’antre de la salle Jean-Duceppe. Pour l’occasion, Denis Bernard renfile le costume du patron dont le système de valeurs est organisé comme le tas de cossins en question. À savoir, de façon aléatoire, mais solide.

Saturnin Lebel, 20 ans, étudiant intello en philosophie politique et joueur aguerri de flûte traversière, obtient une job d’été à l’Armée du Sa… Rachat. Mené par de nobles idéaux, et l’envie de changer tout «pour le mieux!», le naïf rêveur se heurtera, à son boulot estival, à un système rodé qu’il ne comprend guère, et qui roule très bien sans son coup de pouce et ses bonnes intentions, merci bien. «Je veux vous aider!» Oui, mais si personne n’en a besoin, de ton aide?

Sous les ordres de Tony, de son vrai nom Antoine Champoux, imposant boss à la coiffe majestueuse, amoureux de jewels, de mille-feuilles à la costarde et de mots croisés, le jeune et éternel étudiant deviendra «trieur de cossins» et s’occupera de quelques «catégories» importantes. A savoir «l’électrique, les “bejoux”, les toutous, la vaisselle, les bébelles».

Dans le rôle dudit Tony, ex-danseur du 281 devenu patron de cet empire du seconde main, on trouve le toujours excellent Denis Bernard qui, dès ce soir, répétera à nouveau, tel un mantra, «Good job, mon Sat, good job» à son jeune protégé et chantera, avec verve, le Disco à Tony. Prêts pour un hit?

À quel point avez-vous hâte, M. Bernard, de remettre le mullet de Tony Champoux?
C’est sûr que, retrouver la couleur de maquillage orangé, je ne suis pas sûr que j’ai le goût tant que ça! (Rires) Mais en même temps, c’est sûr que ça va être le fun! La perruque, le teint carotène, les costumes hideux… J’ai hâte. J’ai très hâte.

La pièce commence par l’immense question à laquelle réfléchit le jeune Saturnin, soit : «Qu’est-ce que ça veut dire, réellement, être une bonne personne?» Est-ce une question que vous vous êtes déjà posée? Et est-ce que As is a réactivé une réflexion sur ce sujet?
Très franchement, c’est une question avec laquelle je vis depuis toujours. Je crois honnêtement que, si on veut créer une société plus forte, plus unie, il faut se demander : comment puis-je être meilleur? Cette question que Saturnin pose, je la trouve importante. Je me la pose tous les jours. Et je pense que nous sommes nombreux à le faire. Là où ça… chie, passez-moi l’expression, c’est à partir du moment où on arrête de se la poser. Où on est juste centré sur ses désirs, sur ses besoins, sur ses p’tites jouissances personnelles.

Est-ce qu’être une bonne personne est intimement lié, pour vous, au fait d’être un bon artiste, un bon acteur, un bon metteur en scène?
Hmm. J’ai envie de répondre «oui»… mais en même temps, de façon strictement objective, je vous répondrai que «non, ce n’est pas obligé». Je pense qu’il y a des enfants de chienne qui ont énormément de talent! (Rires) Ce sont des gens imbuvables, à fuir ou à proscrire, mais leur talent les rachète et exerce une fascination! Cela dit, pour moi, dans mon expérience personnelle d’artiste, être un bon créateur, ça passe aussi par le fait d’être une bonne personne, oui.

«Moi, je marche vers un personnage. C’est quelqu’un que je découvre et qui se précise de jour en jour au fur et à mesure que je m’approche de l’objectif. Il y a un petit point noir à l’horizon, et je me dis : “Mon Dieu, c’est quoi ça?” et tout à coup, ça se profile, ça se profile, jusqu’à ce que quelqu’un me tende la main et que je fasse : “Oh! C’est toi!”» – Denis Bernard, sur sa rencontre avec un rôle

Simon Boudreault disait vouloir explorer avec cette pièce les questions «C’est quoi aider?» et «Pourquoi aider?» Surtout dans un organisme à l’écosystème aussi fragile que L’Armée du Rachat, régi par des codes et des lois non écrites. Le théâtre, est-ce une façon, pour vous, d’aider? Est-ce qu’il y a une notion d’aide dans votre art?
Définitivement! Ce n’est pas que je n’y croyais pas, mais longtemps, trop préoccupé par mon nombril, je ne m’en faisais pas avec ça. L’incidence sociale du théâtre, son impact, savoir s’il peut changer le monde… Avec cynisme, je me disais ben non! Le théâtre ne change pas le monde! Peut-être parce que j’étais trop préoccupé par le fait qu’il me transforme, moi. Mais avec les années, mon ego étant plutôt rassasié, je m’aperçois que le théâtre, Dieu merci, a la capacité de nous regrouper dans un lieu pour qu’on puisse réfléchir à un problème, avoir une opinion et, éventuellement, poser des actions pour changer.

As is relate l’histoire d’une «première job». Votre premier emploi était-il aussi… mémorable?
J’ai eu des premières jobs étudiantes qui étaient, je dois dire… oui, extrêmement mémorables. À 15 ans, je travaillais dans des bars où il y avait des effeuilleuses. Ensuite, j’ai été préposé aux bénéficiaires dans une institution psychiatrique, à l’étage des gens en phase terminale. J’enveloppais souvent des morts dans des linceuls pour les descendre à la morgue. À 17, 18, 19 ans, être tout seul dans un ascenseur avec un mort… j’ai connu ça. Et je ne remercierai jamais assez la vie de m’avoir autant rapproché de l’humanité. Quand on travaille avec des gens qui sont dans le besoin, dans des détresses physiques et psychologiques terribles, ou dans un bar où on retrouve, parfois, la même détresse, ça donne un fonds de commerce à ce que sera notre existence. J’ai des valeurs… et elles ne viennent pas de nulle part.

As is (tel quel)
Au Théâtre Jean-Duceppe
Du 9 septembre au 17 octobre

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