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Guillaume Lambert: Sans filtre

Photo: Chantal Levesque/Métro

Avec Satyriasis (mes années romantiques), Guillaume Lambert explore le désir et sa consommation en mode excessif, l’obsession née de l’impossibilité d’oublier, le grand amour échoué. Au je. Donc tout est «vrai»? Non. «C’est une fiction parce qu’il y a un traitement. Point.»

«Un exorcisme, un exutoire, un cri, une prière, un silence.» Pour Guillaume Lambert, la fiction peut devenir tout cela. Et c’est par son intermédiaire qu’il a choisi de sonder le deuil amoureux, dans un premier roman qui agit «comme une métaphore».

C’est dans l’antre de la boutique Kim Matelas, sur Papineau, que le scénariste et acteur – connu notamment pour son rôle dans Nouvelle adresse – pose. Un décor qu’il a choisi et qui s’accorde avec celui de son narrateur qui multiplie les coucheries après un choc relationnel. Un «animal blessé» qui trouvera peu à peu le chemin vers un semblant de lumière.

Utilisant «une forme littéraire no-filter, sans filtre», Guillaume signe un déferlement de mots, un monologue «comme un jet», livré par un homme qui parle à celui qu’il a passionnément adoré. Et il propose au lecteur de se poser en témoin extérieur, «presque en voyeur», au risque de se faire parfois apostropher et d’être brutalement ramené à la réalité.

Dans le prologue, le narrateur répète par deux fois : «Je ne me rappelle plus, je me rappelle plus». Tout au long du récit, il se remémorera certaines choses, en oubliera d’autres. Écrire, pour vous, est-ce une façon de rattraper les souvenirs?
Je voulais commencer avec «Je ne me rappelle plus», parce que c’est du déni, en fait. On s’en rappelle très bien, de nos cicatrices, mais on les cache. Ce livre est une réflexion sur l’obsession. Et l’obsession du souvenir en fait partie.

Votre personnage mentionne cet amant qu’il se remet à croiser partout dès qu’il commence à écrire à son sujet. Est-ce un phénomène que vous avez observé? Penser à quelqu’un auquel on n’a pas pensé depuis des lunes… et direct, tomber dessus?
Oui. Les gens réapparaissent. Comme des zombies. On ne sait jamais pourquoi. Et on ne sait jamais quoi dire. C’est à la fois comique et tragique. Tu fais : «Oh. Pis toi?» «Ben… ça va.» «OK. Ben. Écoute.» Ce n’est jamais des phrases! C’est des bruits! Pour ce qui est du narrateur, s’il y a des gens qui reviennent dans sa vie, c’est parce qu’on ne peut pas y échapper aujourd’hui; tous les gens qu’on croise font partie de notre existence éternellement, ou presque. C’est impossible de trouver la paix avec les réseaux sociaux. C’est très fâchant. (Rires)

«Je voulais exploiter la dualité entre ma féminité et ma masculinité dans ce personnage. Parce que oui, des fois, j’agis comme une conne. Et des fois, j’agis comme un macho.» – Guillaume Lambert

Parlant de réseaux sociaux, vous parsemez votre roman de mots-clics, de notes de bas de page que vous agrémentez de la mention «Source : web.» Sans toutefois que ça sonne trop «techno». Exprès, on imagine?
En fait, je voulais faire comme des commentaires sous des photos Facebook, mais dans une pensée littéraire, oui. Car le commentaire Facebook, c’est une note en bas de page! Ces notes se sont ajoutées au cours de ma réécriture du livre, cette année. Donc, c’est comme… un regard sur moi. On pourrait dire ça.

Votre narrateur estime que le point de non-retour, pour un couple, c’est de s’acheter un chien. Ça, c’est la catastrophe?
C’est la catastrophe, oui! C’est assez naïf… Et c’est comme un masque. C’est comme dire : tout va bien. On est rendus à cette étape-là. Moi, j’ai le goût d’inverser toutes les étapes. Je vais l’acheter à 75 ans, mon chien. Je n’ai pas le goût d’être conditionné à être un bon garçon. Souvent, on précipite les choses parce qu’il faut être en couple pour une raison.

Vous explorez l’idée de deux inconnus qui, dès qu’ils se voient, ont l’impression de se connaître depuis toujours, même si ce n’est pas le cas. Une théorie qui vous habite?
Je n’avais pas le goût d’utiliser le terme «coup de foudre». Et j’en ris, même, de ce concept de se connaître, que tout est un tout, que ce n’est pas pour rien, qu’il n’y a pas de hasard. Et finalement, c’était une illusion, c’était un hasard, c’est une anecdote, ce n’est pas si grave que ça. Je voulais avoir plusieurs points de vue sur une rencontre fortuite.

Vous y croyez, au coup de foudre? Ou plutôt, à cette impression de connaître quelqu’un?
Hmm… Je crois que ça vient avec une certaine naïveté. Est-ce que j’y crois? Je ne peux pas dire que je n’y crois pas. Je suis un artiste, évidemment que je crois au hasard, tout ça, mais en même temps, je suis aussi très rationnel, analytique. Donc est-ce du déterminisme? Je dirais oui… et non! (Rires)

Votre protagoniste mentionne dès les premières pages, du reste, que c’est une fiction teintée de vérité. Vous préfériez l’affirmer d’emblée, par sa bouche?
Oui parce que ça me permet de dire : tout est dans le livre. Ce n’est pas intéressant de savoir ce qui est vrai, ce qui est faux. J’aime créer le flou dans ce que je fais. Est-ce que c’est drôle? Dramatique? Est-ce un film? Un documentaire? Une biographie? Un roman? Je laisse les gens décider. Mais ce n’est pas un règlement de comptes.

Satyriasis : mes années romantiques
En librairie
Aux éditions Leméac

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