Soutenez

Triptyque: l’insoutenable légèreté de l’être

Sélection validée par Samuel, Anne et Marie Photo: Alexandre Galliez/collaboration spéciale

Le metteur en scène Samuel Tétreault, des 7 doigts de la main, s’est associé à trois chorégraphes – Marie Chouinard, Victor Quijada et Marcos Morau – pour créer Triptyque qui, dès mercredi, ouvre en première mondiale la nouvelle saison de la Tohu. Un spectacle sur le thème de la gravité et de la légèreté, qui mêle danse contemporaine et cirque.

Des artistes aux corps qui se meuvent de façon improbable, comme si la loi de la gravité ne s’appliquait pas à eux: c’est vrai pour les danseurs comme pour les acrobates. La danse et le cirque contemporains ont plusieurs affinités naturelles, et Samuel Tétreault, un des directeurs artistiques de la compagnie Les 7 doigts de la main, a toujours nourri une passion pour l’une et l’autre de ces formes d’art. «À l’époque où j’étudiais à l’École nationale de cirque, j’avais découvert les spectacles de danse comme ceux de La La La Human Steps, et ça m’a beaucoup marqué et influencé, se souvient-il. J’ai même envisagé de quitter l’école de cirque pour faire une formation de danseur, mais en y réfléchissant, j’ai eu l’impression qu’il y avait un territoire plus vierge en arts contemporains qu’en danse. Je sentais que j’aurais plus à réaliser en tant qu’artiste de cirque qui aime le mouvement qu’en tant que danseur qui sait faire deux ou trois culbutes.»

C’est donc la formation en cirque qui l’a emporté, mais le désir de danser et de bouger, lui, ne s’est jamais éteint. «J’ai toujours cherché à intégrer une espèce de recherche chorégraphique dans tout mon travail d’artiste, comme soliste, même dans mon numéro de graduation à l’École nationale de cirque, fait remarquer celui à qui on doit notamment Intersection, mis en scène avec sa collègue Gypsy Snider. Depuis le début de ma carrière, j’ai toujours cherché à fusionner les deux formes d’art.»

C’est la rencontre de Samuel Tétreault avec Daniel Soulières, fondateur de Danse-Cité, qui aura été à l’origine de la réalisation concrète de ce rêve de fusion. Chaque année, Danse-Cité propose une programmation en trois volets: Traces-Chorégraphes, qui donne la chance à une compagnie émergente de monter une œuvre originale; Traces-Hors-Sentiers, qui donne carte blanche à des artistes œuvrant en périphérie de la danse; et enfin, Traces-Interprètes, qui rend possible pour un danseur de monter son spectacle de rêve en compagnie du chorégraphe et des interprètes avec qui il souhaite partager la scène. C’est ce dernier volet que Samuel Tétreault, bien qu’il soit artiste de cirque plus que danseur, s’est vu offrir. «D’emblée, j’ai eu envie d’en profiter pour provoquer une rencontre inusitée entre cirque et danse, lance-t-il. Et je me suis dit que plutôt que de travailler avec un seul chorégraphe, j’imaginerais un triptyque.»

Le choix des chorégraphes s’est imposé assez rapidement puisque, en désirant travailler avec une icône de la danse contemporaine, le nom de Marie Chouinard est apparu tout désigné. De la même manière, travailler avec Victor Quijada, de la troupe RUBBERBANDance, qui fusionne breakdance et danse contemporaine, était un rêve de longue date de Samuel Tétreault. Les 7 doigts de la main et RUBBERBANDance, qui ont toutes deux été des pionnières dans leur domaine respectif, se connaissent depuis leurs débuts et Triptyque était «l’occasion rêvée de travailler avec lui». Avec Marcos Morau, qu’il ne connaissait pas avant le spectacle, le déclic s’est fait très rapidement, assure le metteur en scène: «C’est un jeune chorégraphe espagnol de 32 ans qui est la nouvelle coqueluche du monde de la danse. Dans son travail chorégraphique, il y a quelque chose qui s’apparente à la virtuosité que demande un numéro de cirque. Il y a une complexité et une rapidité qui se mêlent à une richesse chorégraphique. Il a un grand sens de la mise en scène.»

«La danse, c’est la forme de mouvement par laquelle tu te révèles de la façon la plus vulnérable, sans aucune autre stimulation pour le public que ce que ton corps décide de faire comme mouvement.» – Samuel Tétreault

En faisant appel à ces trois chorégraphes, Samuel Tétreault souhaitait que les œuvres, dans leurs univers musicaux, visuels et chorégraphiques, soient bien distinctes. «Il y en a pour tous les goûts, explique-t-il. Il pourra y avoir dans la salle des gens qui ne seraient pas forcément allés voir le spectacle de Marie Chouinard à la Place des Arts ou, à l’inverse, des amateurs de danse contemporaine qui n’ont jamais été attirés par le cirque, mais tous vont peut-être découvrir quelque chose de nouveau. Ça va être comme un repas gastronomique, avec des contrastes de saveurs.»

Néanmoins, le metteur en scène tenait à ce qu’un fil conducteur lie les trois œuvres. Et celui-ci est tout simplement… la gravité. «Au sens littéral et métaphorique, précise-t-il. La gravité comme contrainte physique, cette loi physique universelle, et son antithèse, la légèreté, le flottement, l’apesanteur. Tous les êtres humains y sont soumis, mais les artistes de cirque plus que n’importe qui. Ce qu’on fait ne peut exister qu’en relation avec la gravité. Mais on a aussi voulu explorer la gravité et la légèreté au niveau plus métaphorique: la mort, la maladie, le changement, même l’amour… Tous ces sujets graves pour lesquels le seul antidote est la légèreté – le rire, les moments de joie. C’était aussi une bonne façon d’explorer l’état entre le rêve et la réalité, qui est souvent présent dans les spectacles des 7 doigts de la main, puisque c’est là que vont s’exprimer les éléments graves et légers de nos vies, et c’est un état nécessaire pour ne pas sombrer dans la lourdeur.»

Trois petits tours

Samuel Tétreault décrit les trois tableaux qui composent Triptyque.

Anne et Samuel
Chorégraphié par Marie Chouinard «Le spectacle s’ouvre sur ce duo d’une vingtaine de minutes que j’interprète avec Anne Plamondon, danseuse principale de RUBBERBANDance, qui a une formation de ballet classique. C’est le tableau qui se rapproche le plus de la danse contemporaine et qui s’éloigne le plus du cirque.»

Variations 9.81
Chorégraphié par Victor Quijada «Ce segment d’une trentaine de minutes [dont le titre évoque la vitesse d’accélération d’un corps en chute libre] est celui qui est davantage un hybride entre la danse et les arts du cirque. Il met en scène cinq équilibristes. C’est un rêve que j’avais depuis quelques années, j’avais envie de créer une œuvre qui soit une espèce de forme longue de ce genre de numéro de cirque [l’équilibre sur leurs mains, sur des tiges de métal], mais avec plusieurs équilibristes en même temps. C’est quelque chose qui ne se fait pas souvent, car ils travaillent généralement en solo puisqu’ils ne dépendent pas des autres. Les réunir, ça permettait d’explorer le rapport entre leurs vocabulaires acrobatiques tout en les fusionnant avec un langage chorégraphique, alors qu’ils réagissent les uns aux autres en canon ou de manière synchronisée.»

Nocturnes
Chorégraphié par Marcos Morau «Ce dernier segment, qui dure 50 minutes, met en scène les huit artistes au total: il y a cinq acrobates, deux danseurs qui n’avaient jamais fait de cirque avant et un ancien artiste de cirque devenu depuis trois ans danseur à temps plein avec la compagnie RUBBERBANDance. C’est la pièce qui se rapproche davantage de l’univers des arts du cirque: il y a de la jonglerie, du monocycle… Ça se rapproche donc davantage du côté théâtral auquel Les 7 doigts ont habitué leur public depuis la formation de la compagnie. Il y a un côté très onirique, surréaliste.»

 

Infos
Triptyque : à la Tohu Du 14 au 25 octobre http://tohu.ca/fr/programmation/spectacle/2015-2016/triptyque

Articles récents du même sujet

Mon
Métro

Découvrez nos infolettres !

Le meilleur moyen de rester brancher sur les nouvelles de Montréal et votre quartier.