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Gérard Depardieu: «Je n’ai jamais vraiment été acteur»

Photo: Axia films
Jérôme Vermelin - Metronews France

Gérard Depardieu est à l’affiche de Valley of Love, drame à la lisière du fantastique de Guillaume Nicloux dans lequel il a Isabelle Huppert pour partenaire.

Oubliés son désamour pour la classe politique française, son amitié avec Poutine et les polémiques faciles. Dans le cadre de Cinemania, c’est le Depardieu acteur qu’on retrouve, épatant en père hanté par le souvenir de son fils disparu dans Valley of Love, le drame de Guillaume Nicloux présenté en mai dernier au Festival de Cannes.

À Cannes, vous disiez être un «acteur en retraite». C’est un peu exagéré, non?
Je n’ai jamais vraiment été acteur. Enfin si, je l’étais au début. Quand j’étais jeune. Lorsque j’étais prétentieux. On croit connaître des choses parce qu’on a lu des textes. Sauf qu’on ne les a pas écrits. On se laisse emporter par les mots comme Christian dans Cyrano. Mais à l’arrivée, on reste tout seul avec son long nez. Acteur, je suis tombé là-dedans un peu par hasard. Si j’ai fait ce métier, c’est uniquement pour «parler». Avoir un vocabulaire plus riche que celui que j’avais. Ce vocabulaire, je l’ai trouvé dans la lecture, dans les pièces que j’ai jouées. Les mots, les phrases, la ponctuation deviennent une littérature. La respiration surtout. Écoutez Duras lorsqu’elle parle. Il y a autre chose que les livres. Le mystère de ses silences nous amène vers une autre poésie!

C’est donc un métier qui vous a «élevé». Intellectuellement, socialement…
Socialement bien sûr, puisque c’est un métier où on gagne pas mal d’argent. Du moins avant. L’une des conséquences de ce métier, aussi, c’est que les gens nous regardent un peu comme si on était les personnages. Et moi, j’en ai fait beaucoup! C’est lourd parfois à porter, un peu comme un paquet de casseroles qu’on traîne. On se fait une image de vous… mais souvent ce n’est pas la bonne… Mais ça m’est égal, je suis dans l’instant. Entre le tournage de Valley of Love et maintenant, j’ai changé. Plein de choses ont changé.

Votre filmographie est telle qu’on a l’impression de vous connaître depuis toujours…
(Il soupire.) Hier, j’étais dans les montagnes, dans un coin où personne ou presque ne me connaissait. Et là, je reviens à Paris et on se jette sur moi… Parfois, ça me fatigue un peu. Après ça fait plaisir, je peux comprendre que les gens m’associent à tel ou tel film. Sauf que je les oublie pour la plupart. D’abord parce que je les revoie très peu. Ils passent parfois à la télé, mais je ne les regarde pas trop. Je préfère les beaux nanars américains avec Bruce Willis, vous voyez? Les films avec moi, ça me fait chier…

Pourtant, vous n’appartenez pas à un genre de cinéma particulier. Vous faites des films d’auteur comme Valley of Love autant que des comédies populaires…
Oui, c’est vrai. Et c’est ça qui est bien. Non, quand je revois des films c’est parce qu’ils m’évoquent des gens que j’aime et qui ne sont plus là. Comme Marco Ferreri, Maurice Pialat, François Truffaut, Marguerite Duras… Sophia Loren, Marcelo Mastroianni, Jean Carmet… Ce sont ceux qui m’habitent. Il n’y a pas un jour où ils ne sont pas avec moi. D’ailleurs, ça m’aide beaucoup. Je pense à eux, aux choses que je n’ai pas pu leur dire sur le moment. Mais je ne suis pas bloqué là-dessus, hein? Je roule en scooter, je vois un truc, et je me dis: «C’est lui ou elle qui le voit à travers moi.»

«C’est difficile de s’arranger avec ses défauts. Il faut essayer de les arrondir. Mais ils seront toujours là. Et moi j’en ai un tas!» – Gérard Depardieu

Aujourd’hui, comment un jeune réalisateur comme Guillaume Nicloux doit-il s’y prendre pour vous séduire?
Ce qui me séduit en premier, c’est l’histoire. Et celle de Nicloux, elle est extrêmement séduisante ! Il y a une part de fantastique, une part d’humain aussi, avec ces gens qui se rendent compte qu’ils n’ont pas fait ce qu’ils auraient dû faire avec leur fils. Ils sont acculés dans cette vallée de la mort, ils sont confrontés à eux-mêmes…

Vous parliez de la voix un peu plus tôt. Mais dans Valley of Love, la confrontation avec Isabelle Huppert est aussi physique. Vous êtes «massif», elle est toute frêle…
C’est une gisante! (Rires) Lorsqu’elle est allongée, on ne sait pas si elle vivante! Maintenant, vous savez, je n’en joue pas plus que ça. On me dit de mettre un costume, je mets le costume. On ne peut pas échapper à ce qu’on est. Je ne suis pas un politique pour essayer de faire croire ce que je ne suis pas. Je ne suis pas très fier de ce corps, mais je vis avec.

Valley of Love
En salle dès vendredi
À Cinémania samedi à 14 h

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