Soutenez

Maman? Non merci! : sans enfant envers et contre tous

Photo: Collaboration spéciale

La documentariste Magenta Baribeau tenait à réaliser un film sur le non-désir de devenir mère. Elle a consacré plus de six ans de sa vie et toutes ses économies à son long métrage, qui s’intitule Maman? Non merci!, et dont la prémisse provient de son expérience personnelle.

«Carriéristes» «égoïstes» et «traumatisées»: les femmes qui ne veulent pas avoir d’enfant sont ainsi dépeintes par la société, d’après celles qui ont affirmé ouvertement devant la caméra de Magenta Baribeau leur désir de demeurer nullipare. «Tu vas changer d’idée, leur répond-on avec insistance. Avoir des enfants, ça donne un sens à ta vie. Tu vas le regretter. Qui va s’occuper de toi à ta retraite?»

Si des raisons environnementales ou existentielles peuvent motiver le choix de ne pas avoir de progéniture, la simple absence de désir de vivre l’expérience parentale peut aussi l’expliquer. Sans plus, souligne la documentariste, qui souhaite permettre aux parents et aux non-parents de mieux se comprendre. Discussion autour de la non-parentalité.

Maman non merci Magenta2015Pourquoi y a-t-il cette résistance devant ces femmes et ces hommes qui ne veulent pas de descendance?
C’est une pression de la société. La société n’aime pas ce qui est hors norme. La société veut qu’on soit des bons capitalistes, des producteurs qui contribuent de manière financière au système, et qu’on se reproduise. Et c’est en se reproduisant qu’on fournit d’autres contribuables. Dès qu’on va à l’encontre de ce système bien établi depuis une bonne centaine d’années, on est vu comme un paria.

Pourquoi la société associe-t-elle les non-parents à des enfants ou même à des citoyens de seconde zone?
On m’infantilise beaucoup quand on me dit: «Tu vas changer d’idée.» Comme si j’étais une femme de 37 ans incapable de décider par elle-même. Les gens font des pressions pour qu’on entre dans le moule. Bien des gens font des enfants parce qu’ils ont 30 ans, parce qu’ils sont en couple et parce qu’ils ont une job. Ça s’inscrit dans une suite logique. C’est un passage obligé vers l’âge adulte. Mais en réalité, c’est un mythe.

Dans votre documentaire, on mentionne qu’il n’y a pas de modèles de gens qui affirment ne pas vouloir d’enfant. Est-ce encore tabou d’affirmer ouvertement ce choix?
Ç’a été tabou longtemps. Depuis 2008, on a commencé à en parler de plus en plus. Les médias commencent à nous interviewer, et le tabou commence à tomber. À Montréal, je suis chanceuse. Je suis entourée de gens ouverts d’esprit, je peux le dire sans me faire lancer de pierres. Par contre, en campagne et dans les villes plus petites, c’est plus difficile. Déjà, rencontrer quelqu’un quand on est une femme qui ne veut pas avoir d’enfant, c’est plus compliqué. C’est hors norme. En région et en campagne, il y a bien des chances de finir vieille fille.

«Des femmes m’ont dit que dans les années 1970 et 1980, c’était moins pire que maintenant. À l’époque, c’était notre choix. C’était notre droit. On disait qu’on aurait des enfants quand on en aurait envie et si on en avait envie. Depuis les années 2000, les femmes subissent une plus grande pression pour avoir des enfants.» – Magenta Baribeau, documentariste

Il y a des préjugés envers les femmes qui ne veulent pas d’enfants, mais aussi envers celles qui n’en veulent qu’un seul, comme en témoigne une jeune mère dans votre documentaire…
Il y a toujours une pression pour en avoir plus. Dans notre société, il y a tout un mythe autour des enfants uniques qui seraient malheureux. Je ne le comprends pas du tout. Je suis enfant unique et j’ai eu une très belle enfance. En tant que femme, on n’a pas le droit de dire «Des enfants, je n’en veux pas», et en tant que mère, on ne peut pas dire non plus «je l’ai vécu une fois et ce n’est pas génial». Ça fait de nous des parias.

Même si certaines femmes ne veulent pas avoir d’enfants, leur questionnement sur le sujet semble sans fin. Elles se demandent si elles ne passent pas à côté de quelque chose. Pourquoi?
Je ne crois pas que le questionnement soit sans fin. Mon questionnement est très arrêté. J’ai fait le choix de ne pas avoir d’enfant et je ne changerai pas d’avis quand j’aurai 40 ans. Mais c’est important de se poser la question souvent, parce que nos raisons peuvent changer. En tant qu’être humain, on évolue continuellement. C’est une grande décision d’avoir des enfants, et une fois qu’on en a, on ne peut plus changer d’idée. Les témoignages de mères qui regrettent d’avoir eu des enfants sur mon blogue, ça fait mal. Ça me rend super triste. Elles ne peuvent pas revenir en arrière.

Maman? Non merci!
Dans le cadre des RIDM
Au Cinéma Excentris dimanche à 21h et mardi à 17h30

Articles récents du même sujet

Mon
Métro

Découvrez nos infolettres !

Le meilleur moyen de rester brancher sur les nouvelles de Montréal et votre quartier.