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Quand Venise débarque à Montréal

Photo: Shellac

Pour une deuxième année consécutive, le Centre Phi, en partenariat avec Venice Days, reçoit son vice-directeur Sylvain Auzou pour offrir au public montréalais la crème du cinéma indépendant.

Il n’est malheureusement pas donné à tous de parcourir les plus grands festivals de la planète en quête des dernières perles du septième art. C’est pourquoi on salue ce partenariat fort intéressant que le Centre Phi conclut pour une deuxième année consécutive avec la Mostra de Venise – rien de moins que le plus vieux festival de cinéma au monde. Pendant cinq jours à compter de mardi, les programmateurs Sylvain Auzou (Venice Days) et Danny Lennon (Centre Phi) proposeront aux cinéphiles montréalais une sélection de 10 films indépendants ayant particulièrement marqué les esprits lors de la dernière édition du Giornate degli Autori (Venice Days), sélection en marge de la Mostra dans laquelle on présente des œuvres hors normes. Entre autres, un thriller espagnol haletant (El Desconocido), la dernière comédie romantique déjantée de Julie Delpy (Lolo) et une allégorie dansante sans parole (Ma). En prévision du lancement de la série, nous avons discuté avec Auzou – qui sera sur place pour présenter les œuvres – de ses coups de cœur, des responsabilités qui incombent à tout programmateur et du rayonnement du cinéma québécois à l’étranger.

Vous décrivez souvent les films que vous sélectionnez à Venise comme étant rigoureux, sans pour autant être hermétiques. Qu’entendez-vous par là?
Moi, les œuvres contemplatives et «les films de festival», je trouve qu’ils envahissent trop le paysage. Le cinéma indépendant est de plus en plus en crise, les films ont de plus en plus de mal à sortir, les blockbusters envahissent tout, et le dernier endroit où on peut encore présenter du cinéma indépendant et attirer un public, ce sont les festivals. Donc, j’estime que les festivals ont pour devoir de ne pas montrer uniquement des films contemplatifs, mais aussi de s’ouvrir à des films plus populaires, y compris les comédies.

Vous tenez ce discours depuis plus d’une décennie. Si je comprends bien, lorsque vous avez sélectionné C.R.A.Z.Y., de Jean-Marc Vallée, à Venise en 2005, c’était un choix audacieux.
Effectivement. Aujourd’hui, ça paraît normal, mais il y a 10 ans, c’était un tour de force, parce que ce n’était pas du tout le genre de film auquel on s’attendait à Venise. Mais le public avait envie de ça. Il y a eu l’avant et l’après C.R.A.Z.Y., et pas seulement à Venise, mais dans plusieurs festivals du monde. Une fois que C.R.A.Z.Y. a été présenté dans un gros festival comme Venise, le milieu s’est un peu décomplexé et on a commencé à montrer des films plus populaires, voire carrément commerciaux.

«À peine j’ouvre les yeux risque de plaire énormément au public montréalais. Ça parle de la Tunisie dans un milieu bourgeois juste avant le Printemps arabe. Ça dépeint la société tunisienne juste avant que ça éclate, mais aussi dans un milieu musical, parce que la protagoniste est chanteuse dans un groupe rock.» -Sylvain Auzou, à propos d’À peine j’ouvre les yeux, premier film de la réalisatrice tunisienne Leyla Bouzid, qui a d’ailleurs remporté le Label Europa Cinemas du Meilleur film européen à Venice Days en 2015

Art Venice Days Sylvain AuzouCela dit, vous programmez tout de même des films au rythme plus lent, moins narratifs et plus exigeants.
Oui. Il y a des films qui demandent des efforts, mais qui en valent la peine. Ce sont d’excellents films que je prends un grand plaisir à aller voir, mais justement, pour les mettre en valeur, ça prend des films plus faciles. Il faut savoir faire un mélange. Parce que si on se contente de ne présenter que des films durs, au bout d’un moment, les spectateurs en ont ras le bol!

Les Québécois peuvent se réjouir du fait que nos films semblent susciter un intérêt grandissant sur le circuit international – et particulièrement à Venise. Cela nous met un peu de baume au cœur après la fermeture de nombreuses salles dédiées au cinéma indépendant.
Eh oui. Malheureusement, il n’y a pas qu’au Québec que les salles ferment et que les aides sont coupées… En Hongrie, c’est terrible. En Pologne, c’est de pire en pire. En Espagne, une centaine de salles ont fermé depuis qu’ils ont augmenté la taxe sur le prix des billets. Et en Argentine, c’est le désastre, avec des salles de cinéma indépendant qui sont revendues aux églises évangéliques brésiliennes…

Terminons sur une note plus positive. Vous avez notamment sélectionné Incendies, Café de Flore, Continental, un film sans fusil, Gerontophilia et Premières neiges, qui a remporté le Venice Days Award l’an dernier. Qu’avez-vous constaté à l’égard de notre cinématographie depuis votre arrivée à Venice Days?
Aujourd’hui, on peut réellement parler d’un cinéma québécois à l’international. À une certaine époque, ça se limitait aux Invasions barbares et aux Boys. Maintenant, depuis C.R.A.Z.Y., Incendies, et grâce à Xavier Dolan, évidemment, le cinéma québécois est présent dans les trois gros festivals de l’année : Berlin, Cannes et Venise. Ce n’est pas rien!

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Venice Days
Au Centre Phi
De mardi à samedi

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