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Dans les univers d’Ingrid St-Pierre

Photo: Chantal Levesque

Un spectacle d’Ingrid St-Pierre, c’est comme partir en voyage dans les multiples univers qu’elle crée dans nos imaginaires en quelques mots choisis avec doigté, et en nous enveloppant dans son univers musical délicat et empli d’émotions. Elle est capable de nous faire sentir le froid d’un hiver sur le Mile-End, humer l’odeur d’un Chinatown, autant que de nous faire comprendre l’excitation contenue d’une fille qui entrevoit la possibilité de reconquérir son ancien amoureux. Jeudi soir, c’était carrément à Tokyo, son troisième album dont l’aérienne chanson-titre a ouvert la soirée, qu’elle nous conviait afin de nous en «raconter» les chansons sur la scène du Cabaret La Tulipe.

«J’ai souvent dit aux gens, aux journalistes, que mes chansons étaient peut-être vaguement inspirées de faits vécus, a-t-elle lancé après La Ballerine, morceau où elle se glisse dans la peau de la maîtresse d’un homme marié. J’ai menti. C’est très, très, très autobiographique.» La jeune maman, qui a écrit son album pendant sa grossesse (et qui, d’ailleurs, a avoué avoir inclus une entracte à son spectacle «pour pouvoir aller allaiter» son petit Polo), a effectivement «raconté» ses chansons, expliquant par exemple qu’elle avait imaginé la bouleversante 63 Rue Leman, l’histoire d’une vieille dame qui se remémore ses souvenirs de jeunesse avant de quitter sa demeure pour toujours, alors qu’elle était à la recherche d’une maison «avec du vécu» pour elle et sa famille.

Avant Place Royale, la charmante petite blonde a aussi révélé comment elle avait appris le vietnamien toute seule, en secret, pour impressionner son amoureux dont c’est la langue maternelle (le percussionniste Liu-Kong Ha, qui faisait partie des cinq talentueux artistes accompagnant Ingrid – Benoît Rocheleau, Mathieu Désy à la contrebasse, Camille Paquette-Roy au violoncelle et Éveline Grégoire-Rousseau à la harpe). Elle a offert un long préambule rigolo pour expliquer Les loups pastel, expliquant qu’elle a troqué les cartes d’anniversaire pour des «cartes postales laides» qu’elle «libère» du dépanneur.  Des entrées en matière ciselées de manière aussi savoureuse que ses chansons elles-mêmes, qui nous faisaient découvrir une dimension d’écoute nouvelle de ces chansons toutes neuves.

La mélancolie (qui n’a jamais rien de pesant) fait autant partie de l’œuvre d’Ingrid que les pièces qui donnent envie d’être amoureux ou les récits espiègles qu’elle est capable d’imaginer, et la jeune femme a rendu hommage à deux disparus. D’abord, elle a partagé la très belle Monoplace, «un mini-requiem pour son mini-pluriel», l’enfant qu’elle a perdu avant sa naissance. Puis elle a interprété une pièce instrumentale composée pour son grand-père, parti récemment, intitulée Lucie en hommage au nom de l’héroïne de toutes les histoires de celui-ci. «C’était un conteur hors-pair», a-t-elle notamment révélé avec affection. Et la pomme n’est pas tombée loin de l’arbre.

Ce segment épuré où elle était seule au piano s’est bien entendu conclu sur Ficelles, sa poignante ode à sa grand-mère souffrant d’Alzheimer, qui lui a valu une ovation dès que le public l’a reconnue. Encore une fois, aucune lourdeur, parce qu’Ingrid St-Pierre a le don de faire états des choses tristes de la vie avec un sourire dans la voix, d’en parler sans les minimiser, mais avec des mots qui savent toujours faire ressortir le beau.

Et c’est avec des chansons qui font du bien – La chocolaterie et La planque à libellules – qu’elle a terminé la soirée, avant d’offrir au rappel Deltaplane et la fort à propos Éloge des dernières fois. Et ce n’était certainement pas la dernière fois qu’on ira la voir.

Ingrid St-Pierre sera en concert samedi à la salle Pierre Legault de Rosemère, puis le 13 mai à La Petite Église de Saint-Eustache.

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