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Jean-Philippe Baril Guérard: Si loin, si proche

Edited with Afterlight Photo: Cindy Boyce/Collaboration spéciale

Dans sa nouvelle pièce, La singularité est proche, Jean-Philippe Baril Guérard explore l’intelligence artificielle, la victoire sur la mort et toutes les dérives que cela peut supposer.

Présenté dans le cadre du OFFTA en formule laboratoire, le plus récent texte du dramaturge, acteur et metteur en scène montréalais étonne par ses accents futuristes. En effet, après nous avoir plongé dans un univers nettement plus réaliste avec son solide premier roman, Sports et divertissements, et son excellente pièce, Tranche-cul, Jean-Philippe Baril Guérard opte ici pour un monde, toujours le nôtre, où les machines ont atteint les mêmes capacités que les êtres humains (et où l’on chante, au détour d’une scène, Wonderwall, d’Oasis). N.B. : La production sera à l’affiche en 2017 à l’Espace libre.

Un de vos personnages remarque que «la chose la plus angoissante dans la vie, c’est de mourir». Est-ce que vous partagez cette angoisse? Est-ce que c’est elle, le moteur de votre pièce?
Oui! En fait, c’est drôle, autrefois, je ne m’intéressais vraiment pas à ça. Mais depuis Tranche-cul [pièce présentée à l’Espace libre en 2014 dans laquelle il y avait, entre autres, un personnage qui se mettait à angoisser sur la fin de l’univers], c’est devenu un thème récurrent dans tout ce que j’écris! Je ne sais pas pourquoi… Peut-être parce que je vieillis? (Rires)

Cela dit, une des choses intéressantes avec le mouvement du transhumanisme que j’aborde [et qui prône l’usage des sciences et techniques afin d’améliorer les caractéristiques physiques et mentales des êtres humains], c’est qu’il souhaite régler le problème de la mort, tout en sachant que ça risque d’ouvrir la porte à d’autres problèmes, qu’on ne pourrait même pas soupçonner!

Dans votre pièce, on «règle» la mort non pas en revenant à la vie, mais en faisant «un transfert» sur un support artificiel. D’où vous est venue cette idée?
La singularité est proche, c’est le titre d’un essai du futuriste Ray Kurzweil. (C’est lui qui, dans les années 1980, avait prédit qu’un champion d’échecs serait battu par un ordinateur.) Dans cet essai, il écrit que, d’ici 2045, une machine pourra reproduire les caractéristiques d’un cerveau humain. Chose qui, selon lui, permettra de se transférer sur un support artificiel et, donc, de vaincre la mort. Mais la question qui n’est pas réglée, c’est : une fois que tu te transfères sur un support synthétique, on fait quoi avec ton corps? Et est-ce que ce sont seulement les riches qui auront le privilège de l’immortalité? Avec ma pièce, pour l’instant, j’égratigne la pointe de l’iceberg…

«Possiblement qu’une intelligence artificielle dotée d’une conscience humaine n’aurait pas la même notion du temps que nous. Et qu’elle pourrait faire plus de choses en une seconde que n’importe quel être humain.» –Jean-Philippe Baril Guérard, qui sonde, notamment, dans La singularité est proche, le temps, et sa relativité

Une voix synthétique se fait souvent entendre, s’adressant principalement à l’impératif aux autres personnages, leur enjoignant par exemple : «Prends conscience de l’air qui circule, de la température, du sang qui pulse sous ta peau. Prends conscience de ton cou, de tes épaules, de tes bras.» Souhaitiez-vous que le public prenne conscience, lui aussi, de toutes ces choses?
Oui. Je joue beaucoup avec ça dans la mise en scène pour donner l’impression au public qu’il est lui-même en train de subir la procédure de transfert. J’utilise le son, des éclairages aveuglants… Il y a plusieurs jeux de suppression et d’augmentation sensorielle.
Comme il est aussi beaucoup question de souvenirs, et que ceux-ci passent énormément par l’odorat, j’aimerais vraiment ça, pouvoir un jour utiliser des odeurs; faire un genre d’odorama, si on veut! (Rires) Je n’ai pas encore trouvé une façon efficace de le faire!

Justement, ces souvenirs que les personnages mentionnent souvent, de quelle façon les traduisez-vous sur scène?
J’ai essayé plusieurs formes de langage. Dans la version que je présente actuellement, dans chaque scène, c’est une façon différente. Ça passe beaucoup par l’éclairage (la conceptrice Leticia Hamaoui a vraiment fait une super job!). Et par la chorégraphie de Natacha Filiatrault. Souvent, quand je vais dans les souvenirs, on rend tout moins clair, plus flou. C’est drôle parce que, d’habitude, mon travail est assez désincarné. Là, au contraire, ça bouge!

Qualifieriez-vous La singularité est proche de science-fiction?
C’est définitivement de la science-fiction… mais je me méfie de l’étiquette, car on se fait souvent cataloguer quand on fait du genre. Ma principale référence, c’est Eternal Sunshine of the Spotless Mind [réalisé par Michel Gondry]. C’est un film extrêmement intelligent, qui utilise le procédé technologique pour faire avancer l’histoire, et qui a réussi à faire de la science-fiction, sans jamais se vendre comme tel.

La singularité est proche
Aux Écuries mardi et mercredi à 19h
Dans le cadre du OFFTA

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