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Los Punks: punks au grand cœur

Photo: Collaboration spéciale

Hymne à la différence, ode à l’amitié et hommage à la famille que l’on se crée hors des liens du sang, Los Punks dresse une mosaïque de la scène punk d’arrière-cour de Los Angeles et de plusieurs des attachants personnages qui la composent.

Ils habitent L.A. La plupart sont issus de familles pauvres, de la communauté latino-américaine. Ils se sentent exclus de partout. Incompris, tout seuls. Dans ces concerts à deux piasses l’entrée, quatre piasses la bière, donnés dans des cours arrière où il n’y a «pas de règles, pas de limites, seulement de l’excitation et du chaos à l’état brut», ils trouvent des copains, une raison de continuer. Là-bas, «tout passe».

Certains de ces spectacles, mélanges de camaraderie et de batailles occasionnelles, sont donnés pour ramasser des sous pour des proches malades dans ce coin où l’on manque de tout, et surtout d’argent, pour les faire soigner.

Los Punks, documentaire que consacre la réalisatrice et photographe américaine Angela Boatwright à cet univers meublé de sporadiques descentes de police, est fait d’images esthétiquement délavées, d’extraits de ces concerts sans cadre, où les gens frenchent, descendent des quilles et se déchaînent dans le mosh pit. Les protagonistes qui traversent le long métrage reflètent la diversité de leur monde. Comme April, ado de 15 ans, promotrice de spectacles, qui trouve les jeunes de sa génération vraiment nuls et qui donne tous les sous qu’elle gagne en organisant des shows à sa mère pour payer le loyer et les factures de téléphone. Ou Nacho, costaud et charismatique gaillard, leader du groupe Corrupted Youth, qui a commencé à coordonner des soirées quand il n’y avait ni Facebook ni MySpace. Toujours assisté par sa sœur, il se souvient de son enfance trop rude d’immigrant mexicain. Et puis Jennie, jeune femme handicapée, fan de punk, qui assiste tout sourire aux concerts avec son veston en jean couvert de patchs des Misfits.

Les histoires qu’ils racontent à la caméra sont émouvantes, aucunement larmoyantes. «Sans la scène punk rock, je n’aurais jamais su que d’autres gens se sentent exactement comme moi. Que je ne suis pas tout seul», avoue Alex, chanteur de Psyk Ward. Le nom de son groupe est inspiré par l’endroit où il a découvert ce genre musical qui a changé sa vie : l’hôpital où il a été interné pour des soins psychiatriques, mal diagnostiqué, mal médicamenté. C’est là-bas aussi qu’il a composé les textes de plein de chansons. Privilégiant une approche intimiste, la réalisatrice nous entraîne dans la demeure chic des parents d’Alex et dans son appartement des plus modestes, où son père déclare : «Je suis un fan de Ronald Reagan. Mon fils, c’est un fan de Black Flag. Vous voyez le portrait.»

«J’adore que le punk rock insiste sur l’importance de persévérer plutôt que sur celle de tout lâcher, de se lamenter et de se complaire dans la douleur.» – Alex Pedorro, chanteur de Psyk Ward

Présenté en janvier dernier au festival de Slamdance, le documentaire, produit par Vans Off the Wall, permet de voir un autre côté de Los Angeles que celui mille fois visité : le lustré, le fortuné. Ici, on traverse les quartiers de Boyle Heights, de East L.A., de South Central ou, comme le note un vétéran de la scène, «tous ces endroits sales, crades, misérables où les balles revolent, remplis de gangsters, que la plupart des gens ne font que longer en roulant sur l’autoroute». Ces endroits où, «on trouve les kids qui ont vraiment du cœur». «Beaucoup de ces groupes sont vraiment bons. Mais ils ne jouissent pas de la reconnaissance qu’ils méritent puisqu’ils n’ont pas la couverture médiatique appropriée…»

Rythmé par le «One! Two! Three! Four!» du punk, le film offre également un commentaire sur l’éducation et le laisser-aller avec lequel elle est traitée par le gouvernement américain. Les observations émanent principalement de Gary, chanteur de Rhythmic Asylum, garçon doux et poli, étudiant en droit qui, en spectacle, gueule ses tripes. «J’ai une mineure en histoire et une majeure en sciences politiques. Donc, je hais le système!» s’amuse-t-il. À moitié. Pour ce fils d’une mère salvadorienne et d’un père guatémaltèque, venus aux États-Unis en tant que réfugiés, faire partie de cette scène radicalement indépendante est une façon d’aider ses semblables. Une façon, aussi, de leur donner une raison d’échapper aux gangs et au crime dans un monde où les écoles sont sous-financées, où les jeunes sont abandonnés à eux-mêmes, jetés dans un système où les profs, même les plus passionnés, n’ont pas le soutien nécessaire pour soutenir à leur tour les élèves en perte de repères.

Touchante et bien réalisée, cette incursion dans un milieu underground méconnu véhicule au final un message d’unité, de fraternité. «Pour être une famille, on ne doit pas être liés par le sang. Seulement par le cœur.» Vrai.

À l’affiche au Centre Phi
De mardi à jeudi à 19 h 30
Première montréalaise lundi soir à 21 h
Suivie d’une rencontre avec la réalisatrice et d’une prestation du groupe Age of Fear.

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