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Festival de Cannes : Audiard gravit les marches

Photo: Pascal Le Segretain/Getty

Prix du Meilleur scénario en 1996 pour Un héros très discret, Grand prix du jury en 2009 pour Un prophète, Jacques Audiard a obtenu cette année l’ultime récompense cannoise, la Palme d’or, pour Dheepan, un film français avec des acteurs majoritairement non professionnels, tourné en tamoul. «C’était insensé!» avait-il lui-même remarqué quelques jours plus tôt au sujet de cette entreprise cinématographique risquée. Mais hier soir, l’«insensé», a été souligné, célébré et honoré.

Beaucoup disaient «Carol». D’autres «Youth». Plein de gens voyaient «Mia Madre». Mais comme à Cannes, rien n’est jamais sûr ni prévisible, finalement ce fut Dheepan.

Entrant en conférence de presse post-cérémonie entouré de ses deux acteurs, Jesuthasan Antonythasan et Kalieaswari Srinivasan, Jacques Audiard a d’emblée été interrogé par une journaliste sur le processus de conception du personnage principal, le Dheepan du titre. Un ex-soldat sri-lankais au passé flou, qui fuit son pays au profit de la France en compagnie d’une femme se faisant passer pour son épouse et d’une jeune fille jouant «leur enfant». «Souvent on me pose des questions sur la direction d’acteurs et ce sont des questions que je ne comprends pas très bien, a remarqué le cinéaste parisien. Chaque acteur est une langue étrangère. Je dois trouver les bons mots, le bon langage.»

Enfilant ses bien-aimées lunettes fumées durant la rencontre, le lauréat a précisé que ce qui l’intéressait dans ce film – dont il a cosigné le scénario avec Noé Debré et son collaborateur habituel Thomas Bidegain –, «c’est le regard de l’autre, la position de l’autre, comment on le voit, comment on le perçoit. Ces gens qu’on renvoie de la main quand on est assis dans un café, comment vivent-ils?» Car le film ayant obtenu la Palme parle aussi de ça : d’intégration, d’immigration, d’acceptation, de différence.

Du côté des acteurs honorés, notons qu’en plus de remporter le Prix d’interprétation masculine, le toujours brillant Vincent Lindon a décroché (dans notre cœur du moins) celui de l’artiste le plus émouvant de la soirée. Incarnant un homme au chômage dans le drame à consonance sociale La loi du marché, de Stéphane Brizé, l’interprète français de 55 ans a dit être fier d’avoir joué un personnage que, «quand les gens le verront, ils vont dire: “Lui, ben c’est moi.”»

L’air complètement transporté, Lindon a raconté, trop content: «J’étais assis dans mon fauteuil. Et là, Lambert Wilson [le maître de cérémonie de cette 68e édition] s’est tourné pour dire “And the best actor is…” et un des frères Coen a dit “… Vincent Lindon!” Ça… pfff!!!!! Je ne peux même pas expliquer ce que ça me fait!»

«C’est mon premier [long métrage]. Déjà, on était surpris d’être en compétition. Après… ce prix… est ÉNORME!» – László Nemes, récompensé par le Grand prix du jury pour Saul Fia (Le fils de Saul)

Du côté de la Meilleure actrice, maintenant? Eh bien, il y a eu égalité. Gagnante numéro un (ou deux), Emmanuelle Bercot – qui a également présenté sa propre réalisation, La tête haute, en ouverture de festival et hors compétition – a été saluée pour sa prestation dans Mon roi, de Maïwenn. Gagnante numéro deux (ou un), Rooney Mara – alias Lisbeth Salander dans The Girl with the Dragon Tattoo – a été récompensée pour sa performance dans Carol, de Todd Haynes.

La brune artiste new-yorkaise étant absente, c’est le cinéaste américain qui a reçu la Palme en son nom. Visiblement déçu que le réalisateur n’ait «pas remporté plus», un reporter a saisi le micro pour s’exclamer énergiquement: «Mes amis et moi on pensait que vous alliez gagner! À quel point êtes-vous déçu?»

«Elle est probablement très heureuse d’être en train de se cacher à New York et de ne pas avoir à vivre tout ça!» – Todd Haynes, réalisateur de Carol, récupérant le prix au nom de Rooney Mara, sacrée Meilleure actrice ex aequo avec Emmanuelle Bercot

Étonné et sincère, Haynes a simplement répondu: «Oh, oh mon Dieu, non! Nous avons eu une expérience phénoménale à Cannes!» Puis, il a spécifié que, lorsqu’on montre son film pour la première fois et qu’il est si bien reçu, il n’y a franchement pas matière à «être déçu».

Sinon, un des moments les plus réjouissants de la soirée? Lorsque le jeune frisé mexicain Michel Franco est entré dans la salle bras dessus bras dessous avec son aîné barbu britannique Tim Roth. Rappelons que Franco a été récompensé pour le scénario du film Chronic, qu’il a également réalisé. Une œuvre superbement étrange, froide, qui parle de soins en fin de vie et d’aide à mourir.

En plus de dédier le film à sa grand-mère disparue, Franco a remis une partie du crédit de son prix à son acteur, Roth, donc, qui incarne un aide-soignant particulièrement dévoué dans ce récit anti-plaiseur de foules. Rigolard ce dernier a lancé: «Il y a peu de prix que ce jury peut donner. Et on en a eu un. C’est génial! Je suis vraiment en état de choc! Merci le jury! Merci tout le monde! Vous étiez géniaux, guys! Merci!»

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