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Témoignage de Zambito souvent corroboré

MONTRÉAL – L’ingénieur retraité de la Ville de Montréal, Gilles Surprenant, a corroboré plusieurs aspects du témoignage de Lino Zambito devant la Commission Charbonneau: système de collusion entre entrepreneurs à Montréal, quote-parts de 2,5 et 3 pour cent à payer, coût des contrats gonflé artificiellement pour satisfaire l’appétit des entrepreneurs, golf et billets de hockey payés par les entrepreneurs.

En prime, l’ingénieur retraité a admis avoir joué au golf deux fois avec Vito Rizzuto et un autre ingénieur de la ville, Luc Leclerc, dont une fois durant une semaine en République dominicaine, en acceptant que le tout soit défrayé par l’entrepreneur en construction Tony Conte, de Conex.

L’ingénieur retraité a poursuivi, lundi, son témoignage amorcé jeudi dernier devant la Commission Charbonneau.

Il y avait d’abord l’équivalent de 2,5 pour cent de la valeur des contrats à verser «à une organisation criminelle qui se réunissait au Café Consenza», a confirmé l’ingénieur retraité. Il a déjà été mis en preuve devant la commission que les têtes dirigeantes de la mafia montréalaise se réunissaient à ce club social.

Il y avait ensuite l’équivalent de trois pour cent de la valeur des contrats qui devait être versé «au comité exécutif» de la ville de Montréal, a affirmé M. Surprenant. M. Zambito avait fait référence au même pourcentage, mais en l’attribuant plutôt au parti du maire, Union Montréal.

On les «élimine»

L’ex-ingénieur a aussi corrigé ses propos de la semaine dernière. Après avoir dit jeudi que lors d’une rencontre avec l’entrepreneur Frank Catania, en 1991, celui-ci lui avait dit: «ceux qui nous empêchent de manger, on les tasse», il a soutenu lundi qu’il lui avait plutôt dit: «ceux qui nous empêchent de manger, on les élimine».

Il a avoué s’être alors senti «intimidé» et «mal à l’aise». «J’avais peur des conséquences. Je dois avouer que depuis ces années-là, j’ai toujours pas mal vécu dans les contraintes de craintes latentes et de peur», a-t-il rapporté, visiblement ébranlé. Cette rencontre a résulté en un premier pot-de-vin de 3000 à 4000 $ après que l’entrepreneur eut obtenu le contrat.

De 1995 à 2000, l’ingénieur retraité a admis avoir reçu un pot-de-vin par année, soit environ 5000 $ par an. À partir de 2000, la cadence s’est accélérée.

Il a par ailleurs nié qu’il ait touché systématiquement 1 pour cent, au point de se faire appeler «Monsieur TPS» pour «Taxe pour Surprenant», comme l’avait rapporté Lino Zambito. Selon lui, seul M. Zambito a pratiquement payé autant.

Jeudi dernier, M. Surprenant avait admis avoir touché près de 600 000 $ en pots-de-vin de 1991 jusqu’à 2009, lorsqu’il travaillait à la conception des plans et devis au service des égouts et canalisations de la ville de Montréal.

M. Surprenant a soutenu que d’autres employés de la ville ont aussi touché des pots-de-vin. Il a nommé François Thériault, Michel Paquet et Luc Leclerc, du service de la surveillance des travaux.

Et, selon lui, ses supérieurs Yves Themens et Robert Marcil approuvaient tous les rapports que lui-même rédigeait pour faire augmenter artificiellement les budgets, afin de satisfaire l’appétit des entrepreneurs.

Une fois, il se trouvait dans le bureau de son supérieur, M. Themens, quand celui-ci lui a dit de fermer la porte, lui a exhibé une liasse de billets de 100 $ en lui disant qu’il venait de rencontrer «Tony». M. Surprenant en a conclu qu’il s’agissait de Tony Conte, de Conex Construction.

Dès 2000, un système de collusion a été mis en place par 10 entrepreneurs, a-t-il rapporté, causant une forte augmentation des prix de l’ordre de 20 à 25 pour cent au départ. Cela avait créé une «commotion». Le prix du carburant avait bel et bien fait augmenter le coût du transport, mais pas à un tel niveau.

Un système informatisé appelé Gespro a même augmenté automatiquement les prix unitaires des matériaux, en se basant sur les prix des trois années précédentes, causant lui-même une augmentation des prix. Et M. Surprenant les haussait parfois quand même, si l’écart était trop grand entre le programme Gespro et ce que les entrepreneurs voulaient payer.

En 2004-2005-2006, les coûts de construction dans les égouts, le pavage et les trottoirs étaient jusqu’à 30 à 35 pour cent plus élevés à Montréal que dans des villes comme Québec ou Toronto, a-t-il admis, citant une «étude» qui avait été réalisée.

«Mais est-ce qu’un geste a été posé quand la Ville a vu que c’était plus cher?» lui a demandé le commissaire Renaud Lachance, étonné. «Je n’ai vu aucun geste concret à cet effet-là», a admis M. Surprenant.

La «haute administration» de la Ville a quand même demandé une «vérification externe», qui a fait que trois contrats ont été annulés vers 2005-2006, parce que les écarts étaient trop grands.

Après cette annulation, il est apparu aux entrepreneurs que M. Surprenant ne leur était plus utile, puisqu’il n’arrivait plus à «faire passer» systématiquement leurs demandes de hausses de prix.

L’ingénieur retraité a également décrit un climat de proximité entre les entrepreneurs en construction et certains employés de la ville de Montréal qui existait «surtout dans les années 2000 et avant, ça fonctionnait comme ça aussi».

Dès 1976, il y avait un tournoi de golf pour 300 personnes, organisé par la direction des travaux publics de la ville, auquel des entrepreneurs participaient, a-t-il relaté.

Il a énuméré maints avantages reçus de la part des entrepreneurs en construction: parties de golf, dîners au restaurant, voyages, billets de hockey, bouteilles de vin aux Fêtes.

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