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Commission Charbonneau: menace, collusion et explosion

Photo: www.ceic.gouv.qc.ca

15 juin 2000, 2 h 45 dans la nuit, Lorraine : des bâtons de dynamite pulvérisent le coffre arrière de la voiture de Gilles Théberge, qui travaillait pour la firme Sintra, laissant une cicatrice profonde tant sur le pavée de sa résidence que sur sa personne. «C’était 100 % relié à la construction», a expliqué l’homme de 66 ans à la barre de la Commission Charbonneau.

Le lien était assez facile à établir : deux semaines avant l’explosion, les vitres de la maison de son voisin avaient été brisées. Au même moment, Sintra avait décidé de soumissionner pour un projet d’égouts et d’aqueduc, malgré des demandes du cartel duquel était exclue la firme. «[Nicolo Milioto, de Mivela Construction] m’a dit que c’était un avertissement, mais que le gars s’est trompé de maison», a-t-il ajouté, la tête toujours baissée et agitant nerveusement ses mains tout au long de son témoignage.

Son premier réflex après avoir constaté que son auto ressemblait à «un mélange à gâteau raté» : appeler son patron chez Sintra, Daniel Ducroix. «Je ne sais pas pourquoi, mais je lui en voulais d’être allé trop loin […] dans la collusion de l’asphalte», a-t-il expliqué.

Il a ensuite appelé Tony Accurso, de Louisbourg, puisqu’il l’avait vu la veille lors de l’ouverture du nouveau restaurant de l’entrepreneur, l’Onyx. À cet évènement, Giuseppe Borsellino, de Garnier, lui avait demandé de lui laisser le «champ libre» pour un contrat de plusieurs millions de dollars à Saint-Laurent. Une demande qui était courante lorsqu’il y avait des appels d’offres «harmonisés.

Gilles Théberge n’a jamais su qui avait installé la bombe sous son véhicule, mais cela a été suffisant pour qu’il remette sa démission dans les jours suivant l’incident.

Rappelons que le témoin a collaboré à l’enquête qui a mené à l’arrestation de Gilles Vaillancourt et de ses 36 acolytes.

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Le cartel de l’asphalte
Une rencontre de quelques heures entre quatre présidents de firmes d’asphalte a permis de partager le territoire de la grande région montréalaise, a expliqué l’ex-comptable Gilles Théberge, jeudi, devant la Commission Charbonneau. Tous les contrats, privés et publics (municipaux et provinciaux), étaient affectés. «C’était pas juste entre les producteurs d’asphalte, c’était aussi les sous-traitants, les villes. Il n’y a pas de partie qu’on ne touchait pas. On touchait à tout le monde»

L’avantage d’arranger les prix était évident: dans un marché libre, les entreprises touchaient une marge de profits de 4 % à 8 %, alors que, dans un système collusionnaire, elles gardent 30 % de la valeur des contrats dans leurs poches.

Les présidents de DJL, Jean-Paul Dupré, de Sintra, Daniel Ducroix, de Louisbourg/Simard Beaudry, Tony Accurso, et de Beaver Asphalte, Joseph Corolla, se sont entendus, en 2000, pour déterminer les prix et les quantités produites par chaque entreprise. «Chacun essayait de tirer de son bord, comme producteur, a-t-il dit. C’était compliqué à suivre. Ça prenait beaucoup de franchise des entrepreneurs».

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