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Charbonneau: l'ombre de Rizzuto sur l'immobilier

Photo: www.ceic.gouv.qc.ca

MONTRÉAL – La Commission Charbonneau s’est intéressée, mercredi, à l’ombre de l’ancien parrain de la mafia Vito Rizzuto sur certaines transactions immobilières à Montréal. Il a su tirer profit de l’industrie de la construction, mais sans y investir directement, a témoigné l’enquêteur Éric Vecchio.

Dans le fond, a résumé l’enquêteur de la commission, «c’est comment le crime organisé tire un profit de la construction, au lieu de comment le crime organisé s’infiltre financièrement ou blanchit de l’argent dans la construction. On voit plutôt le contraire. Dans le fond, ils ne s’impliquent pas vraiment. Ils ne mettent pas un sou, mais ils facturent des frais de consultant et d’arbitrage.»

L’enquêteur Vecchio a commenté plusieurs extraits d’écoute téléphonique, dans lesquels on entendait notamment Vito Rizzuto en 2002, 2003 et 2004 discuter avec des promoteurs ou hommes d’affaires, parfois avec Tony Magi.

Dans le cas du projet du 1000 De la Commune, un édifice à condos de luxe dans le Vieux-Montréal, l’idée était de venir en aide à M. Magi, qui éprouvait des difficultés financières, pour en tirer profit et prendre une part dans son projet.

Vu les difficultés de M. Magi à construire l’édifice, Vito Rizzuto aurait même momentanément envisagé de demander à l’entreprise Marton, de Tony Accurso, de prendre la suite, a rapporté l’enquêteur Vecchio. Mais cela ne s’est pas concrétisé.

Dans d’autres extraits d’écoute, les interlocuteurs évoquent aussi un édifice du centre-ville de Montréal, Le Roc fleuri, à l’angle de Maisonneuve et Drummond. «On vient voir déjà le lien entre M. Magi, M. Rizzuto et M. (Tony) Renda, qui sont tous trois impliqués dans la construction du Roc fleuri», a affirmé le policier Vecchio.

Et un autre projet du centre-ville de Montréal, Le Roccabella, près du Centre Bell, qui est présentement en construction, a été signalé par l’enquêteur Vecchio. Il rapportait une conversation en italien entre Vito Rizzuto et son fils Nick, qui a pris la relève lorsque Vito était incarcéré.

«On parle d’un problème qu’il y a eu sur le terrain de la rue Drummond, qui est le terrain actuel où ils sont en train de bâtir Le Roccabella, un terrain qui a été acheté en partie par Magi initialement, en partenariat», rapporte le policier. Une autre parcelle de terrain a dû être achetée de l’entrepreneur Tony Accurso pour ce projet.

«C’est important de dire que ce sont tous des projets qui sont à la base légitimes, mais où le crime organisé, la mafia, particulièrement M. Rizzuto, est arrivé, parce qu’il y avait des difficultés de financement ou certains problèmes», a souligné Me Sonia LeBel, procureure chef de la commission.

Contrairement à son père, Nick s’est directement engagé dans la gestion des projets. Et même incarcéré, Vito a continué à veiller au grain, selon les extraits d’écoute électronique.

L’enquêteur a expliqué que la force de Vito Rizzuto a toujours été de jouer au médiateur, à l’arbitre. Dans les transactions, il tirait les ficelles de loin, toujours avec l’aide d’intermédiaires.

«C’était la réputation que M. Rizzuto avait comme parrain de la mafia? Il a ramené la culture un peu plus vers la crédibilité, la réputation, la médiation que des actes de violence comme tels ou la force. C’est exact?» lui a demandé Me Sonia LeBel, procureure chef de la commission.

«M. Rizzuto est une personne de compromis. C’est pour ça qu’il a été si longtemps en poste et qu’aussi longtemps, on a fait référence à lui comme le chef de la mafia. M. Rizzuto a toujours dit qu’il y avait assez de gâteau pour que tout le monde en ait un morceau. Évidemment, il n’a jamais parlé de quelle grosseur de gâteau chacun allait avoir», a résumé l’enquêteur Vecchio.

Me LeBel a fait souligner au témoin que M. Rizzuto s’intéressait particulièrement aux litiges dans les transactions en général, aux problèmes entre partenaires d’affaires et que c’est à ce moment-là qu’il se présentait pour se poser en arbitre.

L’implication de Rizzuto dans les transactions immobilières ne servait pas à blanchir de l’argent, contrairement à ce qu’on aurait pu croire. «Quand on parle de la famille Rizzuto, du crime organisé italien à ce niveau-là, je pense qu’on est rendu à un niveau supérieur. L’argent est là, il revient et il est déjà blanchi. On n’a pas besoin de recycler les produits de la criminalité. L’argent qu’eux utilisent est déjà blanchi», a avancé le policier.

Le style aussi a changé. «On n’est plus au temps des sacs d’argent, des millions et des sous-sols remplis de billets de banque. C’est révolu.»

Ce qui n’a pas changé, c’est que la principale source de revenus du crime organisé est le trafic de stupéfiants, a ajouté l’enquêteur d’expérience, qui vient du Service de police de la ville de Montréal.

Son témoignage se poursuit jeudi.

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