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Mieux encadrer le passage du public au privé?

Photo: ceic.gouv.qc.ca

MONTRÉAL – La juge France Charbonneau et le commissaire Renaud Lachance se demandent comment faire pour mieux encadrer le passage des employés expérimentés du ministère des Transports vers les firmes privées de génie-conseil.

La question des moyens à prendre pour empêcher la perte d’expertise au ministère des Transports a été soulevée de nouveau devant la Commission Charbonneau, jeudi, dans le cadre du témoignage de Paul-André Fournier, un ancien directeur de la Direction territoriale de Montréal, qui avait auparavant dirigé celle de Laval.

À sa retraite, après 31 ans de service au ministère et après qu’il eut été directeur du Bureau de projet de l’autoroute 30 ceinturant Montréal — un partenariat public-privé —, M. Fournier a été recruté par la firme de génie BPR, où il est devenu vice-président. Il y travaillait déjà une semaine après son départ du ministère.

«Si on disait que, pendant deux ans, les gens ne pourraient pas transiger dans aucun dossier — je ne parle pas juste d’une région à l’autre — dans aucun dossier où le ministère des Transports est affecté, que ce soit dans la conception de l’appel d’offres ou dans la réalisation d’un projet? Est-ce que ce ne serait pas là une mesure un peu coercitive, mais qui pourrait quand même aider le ministère des Transports à éloigner les firmes privées qui viennent chercher son expertise dès que les gens peuvent être admissibles à leur retraite?», a demandé le commissaire Lachance.

«C’est une mesure qui aiderait le ministère, mais c’est une mesure qui pénaliserait les individus aussi», a répondu le témoin.

M. Fournier a toutefois avancé quelques suggestions, comme le fait d’offrir de nouveaux défis au sein même du ministère ou d’autres opportunités dans une carrière.

Il existe déjà des règles qui encadrent le passage du public au privé dans ce domaine, mais la commission cherche visiblement à savoir si elles peuvent être mieux définies.

Autoroute 30 et L’Acadie

D’ailleurs, la firme BPR avait aussi été engagée dans le projet de l’autoroute 30, en consortium avec Cima + et Roche. Il s’agissait, de 2005 à 2013, de «donner au ministère des Transports le support en gestion de projet», a précisé M. Fournier, qui est aujourd’hui vice-président Transport pour le secteur ouest de la province chez BPR.

M. Fournier a aussi siégé au comité de sélection qui a octroyé le contrat de surveillance de l’autoroute 30 au consortium BPR-Cima-Roche en 2005.

Il a admis qu’il était «inhabituel» qu’un cadre de son niveau siège à un tel comité. «Comme j’étais responsable du Bureau de projet de l’autoroute 30, je voulais m’assurer que les critères de sélection qu’on avait mis dans les documents d’appels d’offres seraient bien compris par le comité de sélection. Donc, j’avais demandé au sous-ministre de m’autoriser à siéger au comité de sélection, avec des membres externes au ministère, bien sûr», a-t-il justifié.

Interrogé comme d’autres témoins du MTQ avant lui sur le projet du rond-point L’Acadie, M. Fournier a confirmé qu’il savait qu’il contrevenait aux directives du ministère en négociant avec le plus bas soumissionnaire conforme, alors qu’il y avait plusieurs soumissionnaires pour cet appel d’offres. Le MTQ avait négocié ainsi parce que même le plus bas soumissionnaire avait déposé une soumission nettement plus élevée que l’estimation du ministère.

C’est le supérieur de M. Fournier qui lui avait demandé de négocier ainsi, en contravention de la directive, parce que le projet du rond-point L’Acadie pressait, vu l’importante circulation automobile, et qu’il était prévu de réaliser le projet dans le cadre d’un programme de subventions pour les infrastructures ayant une date d’échéance.

M. Fournier a assuré qu’au départ, en 2001, pour le premier lot du rond-point L’Acadie, il n’était «absolument pas conscient» qu’il y avait collusion entre les entrepreneurs, malgré l’important écart avec l’estimation du ministère. «Je n’ai jamais entendu une rumeur, même, de collusion à L’Acadie», a-t-il soutenu.

Pourtant, pour le projet de l’autoroute Décarie, lancé à peu près au même moment que le rond-point L’Acadie, le ministère est allé jusqu’à annuler l’appel d’offres, justement parce qu’il soupçonnait qu’il y avait eu collusion, a-t-il admis.

Chasse à Anticosti

M. Fournier a aussi confirmé que des soupçons avaient pesé sur Guy Hamel, un ex-employé du MTQ qui a admis devant la commission avoir accepté des cadeaux divers et invitations à des voyages à l’étranger de la part de firmes qui faisaient affaires avec le ministère.

Il affirme avoir reçu la commande de «tasser» M. Hamel de la part du bureau du sous-ministre. Mais comme il n’avait aucune preuve pour étayer le dossier devant les ressources humaines, pas de dossier pour sévir, il ne l’a pas tassé. «C’était des rumeurs de corridor, rien de précis. Il a l’air d’accepter des choses, mais rien de substantiel», a-t-il rapporté.

Il a tout de même parlé du cas de M. Hamel à son supérieur Claude Paquet, qui lui l’a averti de calmer ses ardeurs.

Comme d’autres témoins avant lui, M. Fournier a admis avoir accepté des repas au restaurant et billets de hockey payés par des entrepreneurs en construction ou firmes de génie. Il a soutenu ne pas même aimer le hockey, mais y être allé quand même «pour être en contact avec les partenaires» du ministère. Au hockey, il a aussi aperçu un ancien maire de Laval _ qu’il n’a pas nommé.

Il a aussi fait des voyages de chasse à l’île d’Anticosti en 2007, 2008 et 2009, mais a souligné qu’il ne gérait alors plus les contrats de construction et que dans sa tête, il n’était donc pas en conflit d’intérêts.

Il avait d’abord payé, mais a par la suite été remboursé en argent comptant. Ces voyages valaient entre 3200 $ et 3500 $. Sur une des photographies déposées devant la commission, il a identifié Robert Marcil, l’ancien directeur des travaux publics à la Ville de Montréal.

Son témoignage se poursuit vendredi.

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