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Menacé à cause du refus de noter de faux chiffres

Photo: www.ceic.gouv.qc.ca

MONTRÉAL – Yanick Gourde, ingénieur anciennement de la firme Tecsult, a admis devant la Commission Charbonneau, mercredi, qu’il a dû se résigner à inscrire des chiffres qu’il savait faux sur un document, parce qu’il a été menacé par un ingénieur senior.

M. Gourde, alors ingénieur junior, a travaillé avec Karen Duhamel, qui a témoigné mardi, au chantier de l’autoroute 40 en direction est entre les boulevards Décarie et des Sources, à Montréal, en 2003. Le consortium Genivar-Tecsult supervisait le chantier pour le ministère des Transports, alors que Grands travaux Soter réalisait les travaux. Le chantier de 35 millions $ a été l’objet d’importants dépassements de coûts.

Le témoin refusait d’inscrire certaines données inexactes dans un document, mais l’ingénieur senior Noubar Semerjian, de la firme Genivar, lui a dit que s’il ne le faisait pas, il s’arrangerait pour nuire à sa carrière, a rapporté M. Gourde.

«Il me dit ‘t’as pas le choix; je me suis engagé’. Et il ajoute ‘tu sais, dans la construction, des magouilles comme ça, il y en a plein; il ne faut pas que tu t’en fasses avec ça’. Puis il a rajouté: ‘il ne faut pas que tu t’inquiètes, monsieur Hamel est impliqué aussi’», a rapporté le témoin.

«Les deux bras m’ont tombé! Que deux ingénieurs senior pouvaient me dire ça: de payer des choses qui n’étaient pas vrai…», a lancé M. Gourde, avec dépit.

«Encore, je disais non. Et là, il a commencé à me dire ‘t’as pas le choix, si tu ne le fais pas, je vais nuire à ta carrière et monsieur Hamel aussi», a-t-il encore rapporté.

M. Gourde a aussi rapporté avoir reçu des menaces physiques de la part de M. Semerjian.

De plus, il a témoigné du fait qu’il a déjà aperçu Guy Hamel, du MTQ, en état d’ébriété avec Noubar Semerjian. Les deux hommes allaient luncher ensemble le midi et revenaient parfois en état d’ébriété au travail.

Il a même personnellement dû aller reconduire M. Hamel, du MTQ, chez lui parce qu’il n’était pas sécuritaire qu’il prenne le volant, a-t-il raconté. Quant à M. Semerjian, il lui a déjà conseillé d’aller se coucher dans son bureau.

Et M. Semerjian avait aussi un comportement outrancier et «méprisant» à l’égard des femmes. M. Gourde l’a entendu dire à l’ingénieure junior Duhamel «t’es tellement belle que je te violerais».

Quant au chantier, M. Gourde a témoigné du fait que dès les travaux préparatoires, après deux mois, on annonçait déjà des dépassements de coûts de l’ordre de 1,5 million $.

M. Gourde avoue qu’il a été «abattu» pendant quelques jours après ses mésaventures à ce chantier. Il a voulu changer de chantier; il a tenté de changer d’employeur; il a même pensé à quitter la profession.

Néanmoins, lui qui est devenu depuis chargé de projets croit que les problèmes qu’il a vécus à ce chantier de l’autoroute 40, «c’était l’oeuvre de deux individus» et qu’il ne faut donc pas généraliser.

Avant M. Gourde, Karen Duhamel, qui avait remarqué elle aussi des irrégularités au même chantier, avait raconté à la commission qu’elle s’était plainte en vain à l’Ordre des ingénieurs, où elle s’était fait répondre qu’elle n’avait pas suffisamment de preuves.

L’Ordre des ingénieurs a diffusé un communiqué, mercredi, compatissant maintenant avec elle et déplorant le fait qu’elle n’ait pas reçu l’aide demandée. «Le témoignage de Karen Duhamel ne restera pas lettre morte» a assuré la vice-présidente Isabelle Tremblay, saluant son courage.

L’ordre professionnel a souligné que «tous les témoignages entendus» à la commission mettant en cause des ingénieurs «font l’objet d’un suivi par le Bureau du syndic». À ce jour, 180 enquêtes en lien direct avec la commission ont été ouvertes, a-t-on précisé.

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