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Bibeau contredit Lino Zambito sur le financement

Photo: www.ceic.gouv.qc.ca

MONTRÉAL – Pierre Bibeau, premier vice-président corporatif chez Loto-Québec, a démenti devant la Commission Charbonneau, mardi, le témoignage de l’entrepreneur Lino Zambito l’impliquant. Et il a cherché à atténuer son rôle dans le financement du Parti libéral du Québec.

De plus, il a affirmé ne pas avoir vu d’argent comptant circuler au Parti libéral de 2001 à 2003 lorsqu’il était organisateur en chef du parti.

M. Bibeau a ainsi contredit l’entrepreneur Lino Zambito, d’Infrabec, qui a affirmé à la commission qu’il avait remis une somme de 30 000 $ en argent comptant à M. Bibeau à ses bureaux de Loto-Québec. M. Zambito avait participé à un petit-déjeuner pour la ministre Line Beauchamp, conjointe de M. Bibeau à l’époque, en avril 2009 en compagnie d’une vingtaine de personnes, à 1000 $ le billet.

M. Bibeau a nié avoir recueilli de l’argent pour Mme Beauchamp à ce moment-là. Il a admis qu’il l’accompagnait alors, mais à titre de conjoint.

Il estime d’ailleurs que comme vice-président de Loto-Québec à compter de 2003, même s’il n’avait théoriquement pas le droit de faire du financement pour le Parti libéral, puisqu’il s’agit d’une société d’État, «il y a une zone grise», selon lui. «Ma conjointe était députée, même ministre, je l’accompagnais à des activités sociales», comme à des résidences pour personnes âgées. «Est-ce partisan? C’est une question d’interprétation», a-t-il estimé.

M. Bibeau a cependant admis que Lino Zambito était venu à ses bureaux de Loto-Québec — comme M. Zambito l’avait dit devant la commission d’enquête. Il nie que M. Zambito lui ait remis de l’argent comptant, mais soutient qu’il venait plutôt lui demander d’intercéder à cause d’un problème de zonage qu’il avait concernant des terrains à Boisbriand. Mais il ne se rappelle plus s’il s’agissait des terrains de l’ancienne usine de General Motors ou de l’usine d’épuration des eaux de la municipalité.

M. Zambito «pensait que j’étais très important dans l’organisation du parti ou dans l’organisation gouvernementale», a-t-il avancé, quand le procureur de la commission, Paul Crépeau, lui a demandé pourquoi un entrepreneur en construction serait venu voir un vice-président de Loto-Québec pour lui parler de zonage à Boisbriand.

De même, il a nié avoir vu circuler de l’argent comptant au PLQ alors qu’il est revenu comme organisateur en chef, sous Jean Charest, entre 2001 et 2003.

«Non pas à ma connaissance», a-t-il répondu à Me Crépeau.

«Je ne sens pas une dénégation complète», lui a alors souligné l’avocat.

«Écoutez, il y a des milliers de personnes qui sont impliquées dans une élection, alors je ne peux pas me porter garant de tout le monde», a-t-il répondu.

M. Bibeau, un homme jadis sûr de lui, a livré un témoignage confus, bafouillant et s’emmêlant souvent dans ses explications. La juge France Charbonneau est intervenue à quelques reprises pour manifester son scepticisme devant certaines de ses réponses. Il était très nerveux, se soulevait de son fauteuil pour se rasseoir plus confortablement. Il croisait fréquemment les bras sur son torse, alors même qu’il répondait à des questions.

Coffrets de sûreté

Par exemple, il s’est emmêlé dans une histoire complexe concernant ses coffrets de sûreté, qu’il a fermés après le témoignage de Lino Zambito l’impliquant dans du financement en argent comptant pour Line Beauchamp alors qu’il était à Loto-Québec.

Le témoignage de M. Zambito devant la commission a pris fin le 15 octobre 2012. Le 26, M. Bibeau fermait ses deux coffrets de sûreté dans une caisse populaire. Il a pourtant soutenu qu’un de ces coffrets était vide et que l’autre ne contenait que des papiers. Puis il a ajouté qu’il y avait aussi du comptant.

Pourquoi les avoir fermés? «J’étais en état de choc. Ma réputation. J’ai été suivi parce que j’avais des pensées suicidaires. J’ai aussi annulé ma marge de crédit. Je n’étais pas dans mon état normal. J’essayais de tirer un trait sur le passé», a-t-il justifié.

Me Crépeau lui a suggéré qu’il aurait déposé dans l’un de ces coffrets les restes des 30 000 $ versés par Lino Zambito pour du financement du PLQ. «Non», a-t-il rétorqué.

Étonnamment, M. Bibeau a lui-même ajouté: «J’ai vérifié si j’avais été au coffret et s’il m’avait donné, au mois d’avril, 30 000 $. Dans les jours suivants, j’aurais été dans le coffret le déposer. Et je n’y ai pas été.»

Et quelque temps après avoir fermé ces coffrets de sûreté à la caisse, il en a rouvert d’autres dans une banque, dans une autre municipalité.

Billets de faveur

M. Bibeau a admis qu’il distribuait allègrement des billets de faveur de Loto-Québec pour divers festivals et activités touristiques à des amis du Parti libéral et à des entrepreneurs: Grand Prix du Canada, feux d’artifice, Festival juste pour rire, Centre Bell.

Il a admis en avoir remis à Marc Bibeau, responsable du «financement sectoriel» au Parti libéral et entrepreneur de Schokbéton; Violette Trépanier, responsable du financement du PLQ à l’époque; Karl Blackburn, alors directeur général du PLQ; et son ami Gaston Pellerin de la Pourvoirie du lac Blanc.

«Pourquoi favorisiez-vous des amis avec des biens qui appartiennent à l’État?» lui a demandé Me Crépeau.

«Honnêtement, je n’en ai jamais refusé bien, bien à personne», a-t-il laissé tomber.

Mais il a juré qu’il n’attendait rien en retour de ces billets de faveur à des amis libéraux et entrepreneurs. «Les billets qu’on a donnés, il n’y avait aucun ‘I owe you’, aucun retour attaché à ça, jamais.»

Son agenda comme vice-président de Loto-Québec, dans lequel il a inscrit des rendez-vous inexpliqués avec CVB ou QW ou PEA, a aussi suscité l’intérêt de la commission, d’autant plus qu’à d’autres occasions, le nom de la personne rencontrée était clairement inscrit.

Il n’a pu identifier ces personnes avec simples initiales. Il a soutenu qu’il s’agissait de fautes de frappes qu’il avait faites avec son appareil portable. «Mettez quelqu’un là-dessus, si jamais… D’après moi, je parlais à Raël ou quelque chose de même. Ça n’a aucun, aucun rapport avec rien.»

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