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Les activités de financement servent à fraterniser

Photo: www.ceic.gouv.qc.ca

MONTRÉAL – Bruno Lortie, ancien directeur de cabinet de la ministre Nathalie Normandeau, a soutenu mardi devant la Commission Charbonneau qu’il ne faut voir rien de plus dans les activités de financement politique que des occasions de fraterniser.

L’ex-chef de cabinet de la ministre des Affaires municipales a admis du bout des lèvres que peut-être, à l’occasion, des invités à ces activités de financement ont pu aborder avec le cabinet un dossier qui les préoccupait ou une demande de subvention, mais il avait peine à se souvenir d’un tel dossier.

«Les activités de financement, c’est fait pour fraterniser, pour socialiser. Les gens nous connaissent. C’est sûr que si les maires étaient là, il y a des bonnes chances que dans la fraternisation qui était faite, ils essayaient de pousser quelque chose», a avoué M. Lortie. Mais «règle générale, on ne nous parlait pas de dossiers» lors de ces activités, a-t-il ajouté.

M. Lortie a également soutenu qu’il n’a jamais sollicité lui-même des gens pour du financement pour Mme Normandeau. Il demandait plutôt à ses «amis» Marc-Yvan Côté, de Roche, et Christian Côté, de Plania (Dessau), de solliciter des gens qu’ils connaissaient, le premier pour les activités de Québec, le second pour celles de Montréal.

M. Lortie a aussi exprimé son dégoût pour les cocktails de financement, affirmant qu’il en avait besoin comme d’«un trou de balle dans la tête».

Son commentaire a amené la juge France Charbonneau à faire un peu de sarcasme, lorsqu’elle lui a lancé qu’à entendre certains témoins, ces cocktails de financement réunissaient «un ramassis de personnes qui ne sont pas du tout contentes d’être ensemble» et qui se sentent obligées d’être là pour fraterniser ou pour maintenir leur réseau d’affaires.

M. Lortie, pour qui l’ancien ministre libéral Marc-Yvan Côté était comme «un grand frère», a aussi avoué que certains dossiers pour lesquels M. Côté donnait un coup de main à Roche ont pu se voir accorder «un suivi plus serré», à cause de l’amitié entre lui et M. Côté. Il s’est engagé en politique auprès de M. Côté, alors ministre, dès les années 1980.

À l’inverse, il a nié, comme d’autres témoins l’ont affirmé à la commission, qu’un dossier de demande de subvention ait pu poireauter sur son bureau parce qu’il ne provenait pas de la «bonne» circonscription ou du bon bord.

Et il a nié aussi qu’après les dossiers de priorités 1 et 2, au ministère des Affaires municipales, les dossiers des autres priorités aient pu suivre un ordre aléatoire, selon différents intérêts. «Prétendre qu’on a pris un dossier au détriment d’un autre spécifique? Non», a-t-il lancé, assurant que le cabinet y allait «dossier par dossier».

Il a toutefois admis que la ministre pouvait prendre une décision politique d’accroître la subvention accordée à une municipalité et «l’assumer» en tant que ministre.

Il a aussi concédé que parfois, la «machine» _ les fonctionnaires _ pouvait dire non, même lorsque la ministre désirait hausser le taux d’une subvention à une municipalité, et qu’il devait alors insister, amener le dossier à un sous-ministre en répétant le souhait de la ministre.

Mais il a catégoriquement nié avoir utilisé un langage abusif, comme l’ont affirmé d’autres témoins qui l’ont décrit comme un personnage abrasif, dont ils ne gardaient pas un bon souvenir. «J’ai été toute ma vie active en politique. Si j’avais eu le ton qui m’a été attribué, je n’aurais pas duré 25 ans», a-t-il dit.

À quoi vous serviez?

La procureure de la commission, Élizabeth Ferland, a passé en revue plusieurs dossiers où la subvention du ministère des Affaires municipales a été haussée, parfois grâce au pouvoir discrétionnaire de la ministre, parfois sans l’accord des fonctionnaires. Mais le témoin se rappelait de fort peu, restait vague sur ces dossiers.

Ses souvenirs limités ont fait sortir de ses gonds la juge Charbonneau.

«Vous avez été chef de cabinet de Mme Normandeau, donc la personne la plus importante pour elle, la personne qui doit connaître ses dossiers parfaitement bien. (…) Et là, aujourd’hui, on vous interroge sur des dossiers et vous ne vous rappelez plus de rien! C’est comme le cuisinier qui n’est pas capable de faire cuire un oeuf. Comment ça se fait que vous avez duré huit ans comme chef de cabinet?» a-t-elle tonné.

Il a répondu qu’il y avait «près d’un millier» de dossiers d’infrastructures et qu’il ne pouvait tous les connaître. Il a ajouté que les demandes de subvention qui provenaient de la région de Mme Normandeau, la Gaspésie, ne passaient pas nécessairement par lui.

«Vous serviez à quoi, donc, pour Mme Normandeau en tant que chef de cabinet? Les dossiers où Mme Normandeau pouvait octroyer des millions et des millions de subventions, vous n’étiez pas au courant de ça!,» s’est encore exclamée la juge.

«Je n’ai pas la prétention de ne pas avoir été au courant de rien», a-t-il répliqué.

La ministre Normandeau, en plus de ses activités de financement personnelles, était invitée comme conférencière dans d’autres activités pour des collègues, a noté M. Lortie. Bon an mal an, elle en cumulait 22.

M. Lortie a par ailleurs souligné que c’est Mme Normandeau elle-même qui l’avait informé de son objectif de financement, qui était de 50 000 $ en 2003 lorsqu’elle était au Tourisme, puis qui a été haussé quand elle est passée aux Affaires municipales en 2005.

À l’époque, Mme Normandeau lui avait confié qu’elle pouvait amasser entre 20 000 $ et 25 000 $ dans sa propre circonscription. Il cherchait alors à combler la somme manquante, mais sans la dépasser, de crainte qu’à l’avenir on lui impose un objectif encore plus élevé.

M. Lortie a confirmé que l’entrepreneur d’Infrabec, Lino Zambito, avait organisé une activité de financement pour Nathalie Normandeau. Mais il a soutenu que lorsque M. Zambito lui en avait parlé, il l’avait dirigé sur-le-champ vers Violette Trépanier, alors responsable du financement pour le PLQ.

Mais contrairement à M. Zambito, il soutient que cette activité de financement pour laquelle Mme Normandeau était conférencière invitée était au profit du Parti libéral du Québec, non au profit de la ministre.

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