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Fête chez Bibeau avec Charest: pas pour affaires

Photo: www.ceic.gouv.qc.ca

MONTRÉAL – Une activité réunissant plus de 150 hommes d’affaires, hauts dirigeants des firmes de génie, le premier ministre Jean Charest, des ministres, des hauts placés du Parti libéral et responsables du financement du parti chez Marc Bibeau, de Schokbéton, ne constitue pas une activité de financement, ni même une occasion de développement des affaires.

Devant la Commission Charbonneau, vendredi, Violette Trépanier, qui a été directrice du recrutement et du financement du PLQ pendant une dizaine d’années, a juré que ce «grand happening» en 2003, ce «party» chez Marc Bibeau, homme d’affaires prospère et ami personnel de Jean Charest, ne servait aucunement à remplir les coffres du parti.

«Ce n’était pas une activité de financement», a martelé Mme Trépanier.

Elle a d’abord affirmé que c’était le Parti libéral qui payait pour cette fête pour 150 à 200 personnes chez M. Bibeau, puisque «M. Bibeau était bénévole» _ il gère les Centres d’achats Beauward en plus de siéger au conseil de Schokbéton. Par la suite, elle s’est rétractée, affirmant qu’elle n’était pas sûre que le parti avait payé la note.

Interrogée par la juge France Charbonneau, qui a exprimé son scepticisme, Mme Trépanier a aussi nié que cette grande fête à la résidence personnelle de Marc Bibeau ait servi à faire du développement des affaires, à mettre en contact les hommes d’affaires, les firmes de génie et le gouvernement libéral de Jean Charest.

«Pas du tout», s’est exclamée Mme Trépanier, une ancienne ministre libérale, sous Robert Bourassa.

M. Bibeau était tout simplement «content de l’élection» en 2003 et «il voulait que tout le monde se rassemble», a justifié Mme Trépanier.

M. Bibeau, «un homme qui a un immense réseau, qui connaît tout le Québec inc. et les grandes familles du Québec», selon Mme Trépanier, a recueilli plus de 428 000 $ en un an seulement pour le PLQ, et ce, uniquement par ses contacts. Il n’a pas même eu à tenir une activité de financement pour amasser une telle somme.

Dans les livres du PLQ, il existe un compte 127 pour le financement «sectoriel et national», a précisé Mme Trépanier, et une ligne est même consacrée aux fonds qu’apporte spécifiquement M. Bibeau: la 127.51.

Le procureur de la commission, Me Paul Crépeau, a interrogé Mme Trépanier concernant d’autres rencontres, cette fois pour une dizaine d’hommes d’affaires à 10 000 $ chacun, chez Marc Bibeau. «Ce n’est pas à ma connaissance. Et dix hommes d’affaires à 10 000 $, c’est impossible», a-t-elle soutenu.

Le procureur d’expérience a mené un interrogatoire serré face à une politicienne visiblement préparée, qui lisait parfois ses notes et répétait des phrases qui paraissaient apprises par coeur, du genre «le Directeur général des élections est notre maître à penser».

Mme Trépanier s’est permis de si longs plaidoyers, parfois de plusieurs minutes, que la juge France Charbonneau lui a carrément lancé: «votre message est passé, là, est-ce qu’on peut vous poser des questions?».

Des c.v. passent par le PLQ

Mme Trépanier a aussi avoué que des personnes qui désiraient obtenir un poste d’attaché politique dans un cabinet ministériel lui envoyaient leur curriculum vitae à elle, pourtant responsable du financement du Parti libéral.

Devant l’étonnement du procureur et de la juge face à une telle pratique mêlant le parti et le gouvernement, Mme Trépanier a tenté de reculer, affirmant que ce n’était pas elle comme directrice du financement du PLQ qui était ainsi sollicitée pour obtenir des postes au gouvernement, mais elle, Violette Trépanier comme personne, et comme ancienne ministre de la Condition féminine sous Robert Bourassa.

Quant aux cabinets ministériels qui voulaient obtenir d’elle des noms d’employés potentiels, «ils me disaient ‘on veut se monter une banque de femmes’», et, alors seulement, «j’envoyais quelques noms», a-t-elle justifié.

La faute au génie

Mme Trépanier a par ailleurs jeté le blâme des stratagèmes de financement occulte des partis sur les firmes de génie.

Mme Trépanier a soutenu qu’elle ignorait tout des stratagèmes utilisés pour financer son parti. «Je suis extrêmement déçue et je suis fâchée parce qu’on nous a bernés à quelque part. Je ne peux pas croire que des professionnels _ on parle du génie, là _ que ces gens-là ont embarqué dans des affaires comme ça avec des stratagèmes aussi organisés.»

Me Crépeau lui a demandé ce qu’elle avait fait pour éviter que des prête-noms financent son parti, elle qui était responsable du financement.

Elle a soutenu qu’elle ignorait le phénomène des prête-noms jusqu’en 2006, date de la parution du rapport Moisan sur le recours aux prête-noms.

Me Crépeau lui a alors fait remarquer qu’avant 2006, le rapport de la Commission Gomery, en 2005, blâmait justement Marc-Yvan Côté pour avoir manipulé de l’argent comptant, et qu’il s’est occupé ensuite du financement pour la ministre libérale Nathalie Normandeau. Et le Parti libéral du Québec lui avait délivré un certificat de solliciteur de fonds, même après le rapport Gomery le blâmant pour ses pratiques.

«On a fait avec les moyens que nous avions tout ce que nous pouvions», a répliqué Mme Trépanier.

Elle a aussi admis qu’à la demande même du bureau du premier ministre, tous les membres des cabinets ministériels, comme les chefs de cabinet, détenaient un certificat de solliciteur de fonds pour le Parti libéral.

«On trouvait ça important que tous les membres des cabinets, si jamais ils recevaient une contribution… qu’ils soient vraiment en règle», a justifié Mme Trépanier. Et ils détenaient un tel certificat de solliciteur de fonds pour le PLQ même si leur ministère en était un qui octroyait des subventions.

Le témoignage de Mme Trépanier se poursuivra mercredi prochain, après le congé de la Fête nationale.

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