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CEIC: le DGEQ a plus réfléchi qu'agi

Photo: www.ceic.gouv.qc.ca

MONTRÉAL – Malgré les allégations de financement politique illégal, ce n’est qu’à compter de 2009 que le Directeur général des élections a commencé à sévir quant au financement des partis politiques par des entreprises et le recours aux prête-noms, a avoué sa représentante, lundi, à la Commission Charbonneau.

La directrice générale des élections par intérim, Me Lucie Fiset, a admis qu’avant 2009, l’aspect coercitif n’était pas une priorité pour le DGEQ, qui croyait plutôt à sa mission d’information et de formation.

L’aveu de Mme Fiset a fait sursauter le commissaire Renaud Lachance, qui a carrément reproché au DGEQ d’avoir plus réfléchi qu’agi devant les allégations de financement des partis par des entreprises _ ce qui contrevient à la loi.

«Les allégations ont commencé dans le milieu des années 1990 là! On a réfléchi pendant presque 15 ans avant d’arriver à vos volets plus de contrôle! Les allégations datent de très longtemps quant au financement corporatif, aux prête-noms. Ce ne sont pas des concepts qui ont été inventés ici à la commission!» s’est exclamé le commissaire Lachance.

Mme Fiset a répondu candidement qu’avant 2009, le volet coercitif de son mandat n’était pas une priorité. Les choses ont changé avec les déclarations de Benoît Labonté sur le financement politique municipal à Montréal, puis les «lapsus» de trois ministres du gouvernement Charest qui ont laissé entendre que le Parti libéral recevait du financement de la part d’entreprises, puis les déclarations de l’ex-ministre libéral Marc Bellemare quant à ce type de financement au PLQ.

C’est seulement après toutes ces sonnettes d’alarme qu’«on s’est dit ‘il faut davantage intervenir, être davantage proactif, sanctionner davantage pour avoir un effet dissuasif, pour éliminer ce genre de comportement’», a admis Mme Fiset.

La procureure de la commission, Me Élizabeth Ferland, a même déposé une lettre de l’ancien ministre responsable de la Réforme des institutions démocratiques Jean-Pierre Charbonneau, qui, dès 2002, avait écrit au Directeur général des élections Marcel Blanchet pour se plaindre d’entreprises qui contribuaient à la caisse électorale de partis. Le ministre s’en inquiétait donc dès 2002.

Assez de moyens

Le manque de mordant du DGEQ ne s’explique même pas par un manque de ressources humaines ou financières.

Mme Fiset a en effet admis que le DGEQ avait une marge de manoeuvre suffisante pour embaucher le personnel qu’il souhaite et mener les enquêtes qu’il veut, de l’ampleur qu’il veut.

«Avez-vous toute la discrétion pour employer le nombre de personnes requises?» a demandé la juge France Charbonneau.

«Oui, tout à fait», a répondu Mme Fiset, ajoutant que le DGEQ détermine son propre budget, en puisant à même le Fonds consolidé.

«Donc, il n’y a rien qui vous empêche de faire des enquêtes et de l’ampleur que vous le désirez et la quantité d’enquêtes que vous voulez faire?» a encore demandé la juge Charbonneau.

«Exactement», a encore répondu Mme Fiset.

Ça change

Les choses ont cependant commencé à changer depuis, ont cherché à démontrer Mme Fiset et Denis Lafond, directeur de la Direction du financement des partis politiques.

M. Lafond a par exemple indiqué que le DGEQ avait évalué le «financement sectoriel» à 14,6 millions $ pour la période cumulée de 2006 à 2011 uniquement pour quatre secteurs qu’il avait ciblés, soit le génie-conseil, les constructeurs de routes, les cabinets d’avocats et les firmes de comptables, pour les dons de 400 $ et plus. De cette somme de 14,6 millions $, 13 millions $ ont été versés au provincial et 1,6 million $ au municipal.

Fait à noter, il ne s’agit pas nécessairement de dons qui contreviennent à la loi, puisque de tels dons peuvent avoir été faits par conviction politique, même si plus d’un donateur demeure à la même adresse.

Entre autres nouvelles mesures, le DGEQ a commencé à effectuer des «visites surprises» dans des bureaux électoraux lors de la dernière campagne électorale.

De même, il a conclu une entente avec l’Agence de revenu du Québec en 2012 et couple davantage de données dont il dispose avec celles qu’il obtient de l’agence.

C’est ainsi qu’il a pu démontrer qu’il y avait un écart de 16 à 17 pour cent entre les dons aux partis politiques _ selon les données colligées par le DGEQ _ et les crédits d’impôt qui pourraient théoriquement être réclamés.

Là encore, on ne peut toutefois conclure automatiquement que les dons aux partis pour lesquels un crédit d’impôt n’a pas été réclamé sont des dons illégaux _ un donateur peut avoir tout simplement omis de réclamer son crédit d’impôt.

En 2012, il a aussi instauré une «ligne de dénonciation» et, au 31 mars 2013, il y avait reçu 51 appels. Les plaintes avaient toutefois souvent trait à des cas qui dataient de plusieurs années, a déploré Mme Fiset.

La directrice générale des élections par intérim a aussi souligné qu’à la suite d’une énième réforme électorale en 2010, le DGEQ avait produit un rapport recommandant entre autres que désormais, les partis politiques soient tenus d’adhérer à un code d’éthique.

Ainsi, non seulement les chefs de partis, mais aussi les agents officiels, les candidats, les solliciteurs de fonds, le personnel et les bénévoles devraient prendre connaissance des règles électorales et de financement des partis et des campagnes et y adhérer.

La commission d’enquête entendra mardi l’Unité permanente anticorruption (UPAC).

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