Soutenez

CEIC: les entreprises québécoises plus contrôlées?

Photo: www.ceic.gouv.qc.ca

MONTRÉAL – Les règles qui ont été resserrées en matière d’octroi des contrats publics pourraient avoir pour effet de désavantager les entreprises québécoises par rapport à leurs concurrentes étrangères, croit le commissaire Renaud Lachance.

La Commission Charbonneau a entendu en même temps, jeudi, des représentants de l’Autorité des marchés financiers (AMF), de l’Unité permanente anticorruption (UPAC) et du Conseil du trésor. Elle était à la recherche d’échappatoires dans les lois et règlements qui permettraient encore aux entreprises de contourner les exigences afin d’obtenir des contrats publics.

Après avoir entendu les trois représentants pendant quelques heures exposer leur mandat et leurs outils, le commissaire Lachance a soulevé deux problèmes.

D’abord, les autorités québécoises ne peuvent savoir en temps réel si une entreprise étrangère qui soumissionne pour obtenir un contrat public au Québec a été condamnée pour évasion fiscale dans un autre pays, par exemple, a-t-il noté. Ce fait désavantage donc les entreprises québécoises, qui sont «plus contrôlées» que les entreprises étrangères, a relevé le commissaire Lachance.

«Une entreprise québécoise qui aurait des problèmes avec les lois fiscales au Québec, elle, serait pénalisée. Mais une entreprise étrangère qui aurait des problèmes ailleurs aux États-Unis, elle, pourrait passer comme une balle dans le système!» s’est exclamé le commissaire Lachance.

«C’est possible», a dû admettre Marcel Forget, commissaire associé aux vérifications à l’UPAC.

«On n’a pas tous les outils pour aller chercher l’information» à l’étranger, a-t-il reconnu.

Ensuite, le commissaire a fait valoir que l’importance donnée au critère de la conformité aux exigences de Revenu Québec, dans l’évaluation du dossier d’une entreprise, peut amener un traitement pas tout à fait juste.

Lorsqu’une entreprise veut obtenir un contrat public, son dossier et sa probité sont examinés par les autorités. Entre autres, l’entreprise doit être en règle avec Revenu Québec et avoir payé toutes ses cotisations.

Or, une entreprise peut très bien avoir un simple désaccord avec Revenu Québec quant à l’admissibilité d’une dépense d’entreprise réclamée, sans que cette entreprise manque d’intégrité, a fait valoir le commissaire Lachance. Il s’est donc inquiété de cette interprétation donnée au critère de la conformité fiscale, craignant que cela puisse empêcher injustement une entreprise d’obtenir son accréditation de l’AMF parce qu’elle serait alors considérée comme n’étant pas en règle avec Revenu Québec.

«Je vous inviterais quand même à faire une réflexion là-dessus, à aller chercher l’élément intégrité dans ce qui est impôt, pas l’automatisme d’un avis de cotisation. Sinon, vous êtes une autre forme de contrôle fiscal, vous forcez les entreprises du Québec, dans le fond. Si j’étais une entreprise québécoise, je ne m’obstinerais pas longtemps avec Revenu Québec, parce que ce n’est pas juste une question d’impôt, c’est tous les contrats publics que je peux avoir, par la suite, qui peuvent être bloqués par l’AMF. C’est un peu troublant», a opiné le commissaire Lachance.

Le surintendant de l’AMF Éric Stevenson a assuré que l’AMF exerçait son pouvoir avec nuance et bon jugement et ne pénaliserait pas ainsi une entreprise qui contesterait tout simplement son avis de cotisation de Revenu Québec.

Consciente que les trois représentants ont été interrogés de façon plutôt incisive pour des organismes de surveillance, la juge France Charbonneau a tenu à faire amende honorable, à la fin de la journée. «J’espère qu’on ne vous a pas trop bousculés, mais vous réaliserez qu’il y a encore beaucoup de réflexion à faire. Et c’était dans ce sens-là que les questions évidemment étaient posées», a-t-elle justifié à la fin de leur témoignage.

Dans les faits, 72 avis défavorables ont été reçus de l’Unité permanente anticorruption après les vérifications menées.

Ces 72 dossiers ont mené à six refus par l’AMF, notamment pour «modèle d’affaires problématique et systémique (collusion, financement illégal de partis politiques)» ou bien on a jugé que «l’entreprise demanderesse était contaminée par l’entreprise qui la contrôle», par exemple.

Parmi ces six entreprises, on en retrouve dans l’excavation, le coulage de béton, la location de machinerie.

Il y a également eu une révocation, parce que des accusations ont été déposées contre la personne qui contrôlait l’entreprise demanderesse d’accréditation.

De même, 30 autorisations ont finalement été accordées, dont neuf à la suite de correctifs qui ont été apportés, par exemple le retrait de dirigeants problématiques.

Les autorités ont aussi enregistré 13 désistements. Il s’agit de cas d’entreprises qui se sont désistées à la suite d’un préavis de refus et qui ont préféré retirer alors leur demande d’accréditation, de crainte de se la voir refuser et d’être inscrites au Registre des entreprises non admissibles.

Finalement, 22 dossiers étaient encore en analyse à l’Autorité des marchés financiers à différents stades.

La commission d’enquête entendra d’autres organismes de surveillance la semaine prochaine, parmi lesquels la Sûreté du Québec et Revenu Québec.

Articles récents du même sujet

Mon
Métro

Découvrez nos infolettres !

Le meilleur moyen de rester brancher sur les nouvelles de Montréal et votre quartier.