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Giovanni De Paoli: Chers candidats, un peu de poésie!

Photo: Yves Provencher/Métro

La prochaine administration montréalaise devra faire ses devoirs et ramener l’humain au cœur de son design urbain avant de lancer de grands chantiers, croit le doyen de la Faculté  de l’aménagement de l’Université de Montréal, Giovanni De Paoli.

Montréal est-elle une ville bien aménagée?
L’aménagement concerne autant la gestion que l’espace. En matière de gestion, je crois qu’il est clair que Montréal est sous observation. Mais la ville est sous le regard attentif de gens qui l’aiment. En ce qui concerne l’espace, on peut dire que Montréal est une ville où l’on vit bien. Je suis arrivé ici il y a 30 ans. Je devais rester six mois et j’y suis toujours. Aujourd’hui, je remarque que les gens sont plus attentifs au design. Ils sont créatifs. Regardez par exemple l’appropriation des ruelles par les citoyens.

Les Montréalais sont créatifs, mais est-ce que les décideurs prennent assez de risques?
Le mot créativité est le plus beau qui soit. On parle souvent d’innovation, mais c’est la création qu’il faut prioriser. Il faut changer la mentalité du «beau, bon, pas cher». Des fois, on veut faire les choses un peu rapidement. En Italie, dans l’après-guerre, on ne parlait pas encore de design italien. Il y a eu une volonté politique de mettre de l’avant le talent des artisans. Dans les années 1970, le terme «design italien» a explosé. Ça a pris des années à bâtir. Ici, on a fait du bon travail avec le Quartier international et le Quartier des spectacles. Le déclic est venu en appliquant le concept de transdisciplinarité, en créant des espaces où, par exemple, des gens d’affaires interviennent en même temps que des architectes. On a créé ainsi des espaces de valeur.

Vous vous êtes déjà demandé pourquoi un poète ne pourrait pas participer à un projet d’architecture. Est-ce que la  transdisciplinarité dont vous parlez est assez ouverte?
L’ouverture existe, mais, évidemment, on pourra toujours dire que ce n’est pas suffisant. Avez-vous entendu beaucoup de poésie dans les discours des principaux candidats à la mairie? La poésie, c’est le geste qui nous permet de comprendre qu’une ville n’est pas faite seulement d’objets, mais aussi d’êtres humains. Le citoyen, c’est ce qui devrait être au cœur des discours. Quand on parle des transports, par exemple, tous les candidats y vont de leur solution de trois minutes. Mais il faut faire ses recherches. Il faut aller vers l’être humain et, à partir de là, commencer à se fixer des objectifs. C’est cette étape qui, parfois, manque et enlève la poésie. On perd le pourquoi. Le défi du prochain maire sera de se rapprocher du citoyen.

À Montréal, on parle souvent d’importer des idées qui fonctionnent bien ailleurs, comme le High Line Park de New York. Est-ce la bonne stratégie à adopter? N’avons-nous pas assez de créateurs pour penser nos projets?
Je suis certain que les gens ici ont toutes les compétences nécessaires pour bien faire les choses. Cependant, l’ouverture sur le monde est primordiale. Il faut savoir ce qui se passe ailleurs. C’est comme à l’époque des caravansérails, où les nomades faisaient halte et échangeaient sur leurs voyages. On ne part pas de zéro, mais avec des connaissances, un savoir-faire. Avec le pont Champlain, par exemple, il faut regarder tout ce qui s’est fait ailleurs. Il ne s’agit pas de copier, mais de voir ce qui s’offre à nous. Avec un concours d’architecture, on fait appel aux connaissances de plusieurs, on crée un débat qui nous enrichit.

Si Montréal devait se concentrer sur une chose pour s’améliorer, quelle serait-elle?
Être bien dans une ville, ça se crée par une foule de détails, comme avoir accès à l’internet dans un lieu public ou s’asseoir sur une terrasse pour apprécier un café. Tous ces petits gestes permettent d’avoir une identité, une signature. Pourquoi ne pas faire un concours pour trouver la signature de Montréal? Selon moi, cette signature devrait être liée à l’élégance et à la qualité. C’est le grand changement que je remarque depuis quelque temps : une attention plus grande à la qualité. C’est ce qui a fait défaut dans la gestion à Montréal.

«Étudier avant d’agir»
Sans prendre position, Giovanni De Paoli a accepté de discuter d’idées lancées par les principaux candidats à la mairie.

  • Le retour du tramway. «Il faut regarder tout ce que le projet peut nous apporter et tous les problèmes qu’il peut créer. Dans un esprit de développement durable, il faut penser aux modes de transport que nous utiliserons dans les années à venir. Parmi ces moyens, il peut y avoir le tramway.»
  • Une promenade urbaine entre le mont Royal et le parc Jean-Drapeau. «Elle existe déjà, la promenade! En ajoutant des bornes wi-fi et des bancs publics, par exemple, elle sera encore plus évidente. Il faut trouver des moyens pour que le citoyen s’arrête et prenne le temps de constater la beauté des lieux. On construit notre promenade.»
  • Le retrait du chemin de fer dans le Vieux-Port pour favoriser l’accès aux berges. «Historiquement, les berges étaient un lieu dangereux. Aujourd’hui, les besoins ont changé, et l’humain a besoin de se les réapproprier. Il faut donc revitaliser ces espaces avec un projet élégant. Les politiciens doivent écouter les besoins changeants des citoyens.»
  • Un réseau de service rapide par bus (SRB). «L’idée, ce n’est pas de savoir si on est pour ou contre. L’idée, c’est de bien organiser la ville et les voies. Une fois qu’on aura revu le design urbain, le transport deviendra rapide. Le SRB pour se rendre au centre-ville, c’est bien, mais il faut moins de cônes orange sur le chemin.»

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