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Plaidoirie finale de la défense au procès Magnotta

MONTRÉAL – L’avocat de Luka Rocco Magnotta a fait valoir aux jurés, mercredi, que son client ne peut être tenu criminellement responsable du meurtre et du démembrement de l’étudiant chinois Jun Lin, parce qu’il souffre de schizophrénie et qu’il n’était pas sain d’esprit au moment de commettre les crimes, en mai 2012 à Montréal.

Dans sa plaidoirie finale, qui a duré une heure, Luc Leclair a répété sans relâche qu’il ne nourrit aucun doute quant à l’état mental de son client. «La folie, c’est la folie», a-t-il résumé, un mot qu’il a utilisé sans relâche en s’adressant aux jurés. Il a plaidé que c’est à la Couronne de démontrer hors de tout doute raisonnable la culpabilité de l’accusé, alors que la défense de maladie mentale repose, elle, sur une estimation des probabilités.

Magnotta, âgé de 32 ans, a plaidé non coupable aux accusations de meurtre prémédité, d’outrage à un cadavre, de production et distribution de matériel obscène, d’utilisation de la poste pour envoyer du matériel obscène, et de harcèlement criminel (du premier ministre Harper et de plusieurs députés fédéraux non identifiés). L’accusé, originaire de Scarborough, en Ontario, reconnaît être l’auteur de ces crimes, mais son avocat tente d’obtenir un verdict de non-responsabilité pour cause de maladie mentale.

Me Leclair a soutenu mercredi que plusieurs gestes faits par l’accusé avant ou après le meurtre, et l’essentiel de son comportement en général, peuvent être attribués à la «folie». Il a tenté de convaincre les jurés que là où la Couronne voyait des preuves de préméditation, lui voyait plutôt des signes de folie.

Ainsi, a rappelé Me Leclair, la Couronne a mis en preuve que Magnotta avait conservé la casquette de sa victime «en guise de trophée», et qu’il avait méticuleusement nettoyé son petit meublé de Côte-des-Neiges la nuit même du meurtre, signes qu’il avait bien planifié son geste. Me Leclair a soutenu, lui, que Magnotta était alors animé par la folie.

L’avocat a aussi rappelé aux jurés d’autres comportements passés qui accréditent, selon lui, la thèse de la folie: Magnotta a déjà dit qu’il entendait la voix de Marylin Monroe, et il a alimenté la rumeur selon laquelle il entretenait une liaison amoureuse avec la meurtrière ontarienne Karla Homolka.

Me Leclair a demandé aux jurés de se mettre dans la peau de son client, et de considérer l’aliénation mentale pour les cinq chefs d’accusation. La tête un peu baissée, Magnotta écoutait la plaidoirie de son avocat — en traduction simultanée du français à l’anglais.

Un appel au bon sens

Depuis le début du procès, le 29 septembre, le jury aura entendu 66 témoins au cours de 40 jours d’audiences, dont une vingtaine de jours consacrés essentiellement aux psychiatres des deux camps venus donner des avis divergents sur l’état mental de Magnotta. L’accusé n’a pas été appelé à la barre par son avocat, et a refusé de se soumettre à une évaluation psychiatrique de la Couronne. Me Leclair a d’ailleurs indiqué aux jurés, mercredi, que ce refus ne devrait pas être retenu contre son client, qui a tout à fait le droit de garder le silence.

L’avocat a encouragé à plusieurs reprises les jurés à consulter les différents rapports des psychiatres, sans toutefois s’y perdre et faire de ce procès une bataille d’experts. Il a pressé les membres du jury de faire appel à leur bon sens et à leurs propres expériences de vie afin de démêler les témoignages entendus.

Me Leclair a aussi soutenu que le psychiatre de la Couronne Gilles Chamberland avait nourri une idée préconçue sur l’état mental de Magnotta, un avis subjectif qu’il avait d’ailleurs partagé avec les médias après le meurtre — il avait alors qualifié l’accusé de «psychopathe» et de «pervers». Me Leclair a ainsi demandé aux jurés, mercredi, de faire abstraction de tout le témoignage du docteur Chamberland.

Par ailleurs, les dossiers médicaux de l’accusé révèlent un diagnostic de schizophrénie dès 2001, a rappelé Me Leclair. Or, le psychiatre Chamberland croit que Magnotta souffrait de trouble de la personnalité, et qu’un diagnostic erroné de schizophrénie aurait très bien pu suivre l’accusé tout au long de sa vie.

Une thèse tirée par les cheveux, a soutenu Me Leclair mercredi. Selon lui, il serait absurde de croire que des psychiatres auraient pu conspirer pendant 10 ans pour maintenir ce diagnostic erroné dans le dossier médical de Magnotta.

L’avocat de la défense a aussi imploré les jurés de ne considérer que les preuves matérielles présentées au procès, sans se laisser guider par un désir de punir Magnotta, ou par de la sympathie — que ce soit pour la victime ou pour l’accusé. Il a qualifié cette affaire d’unique car les jurés ont pu visionner des vidéos montrant l’accusé avant et après le meurtre.

Me Leclair a par ailleurs écarté tout rapprochement entre les crimes commis par son client et le film «Basic Instinct», alors que la Couronne avait suggéré que Magnotta s’était inspiré du suspense américain. Il a soutenu par exemple qu’aucun pic à glace n’avait été utilisé par Magnotta, et qu’à l’inverse, il n’était pas question dans le film de démembrement, de notes menaçantes aux partis politiques ou de vidéos des crimes.

Le procureur de la Couronne, Louis Bouthillier, doit présenter à son tour sa plaidoirie finale ce jeudi, et le juge Guy Cournoyer devrait livrer ses directives au jury dès le lendemain. Douze des 14 jurés qui ont assisté aux procédures seront ensuite isolés jusqu’à ce qu’ils s’entendent sur un verdict unanime, pour chacun des cinq chefs d’accusation qui pèsent contre Magnotta depuis juin 2012.

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