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Quand les hétéros s’invitent dans le Village

Photo: Denis Beaumont/Métro

Depuis quelques années, de plus en plus d’hétérosexuels fréquentent les restaurants, les bars et les clubs du Village gai. Si plusieurs membres de la communauté gaie apprécient cette mixité, d’autres se montrent plus sceptiques, affirmant que certains lieux devraient rester exclusifs.

«Parfois, on a l’impression de se faire voler notre Village», lance Pierre Parenteau, barman dans le quartier depuis plus de 20 ans. «Beaucoup de filles hétéros fréquentent les bars, et ça se passe bien. Mais lorsqu’elles amènent leurs petits amis, ils se font draguer, et ça dégénère… Ensuite, ça fait fuir les clients», raconte-t-il en servant des bières aux habitués du bar Relaxe, en plein cœur du Village.

À quelques coins de rues de là se trouve la boîte de nuit Apollon, où la clientèle hétérosexuelle est importante. «Le mélange des groupes se passe bien, quoique des accrochages se produisent à l’occasion», témoigne un employé du club qui a préféré garder l’anonymat. Selon lui, les hétérosexuels qui s’aventurent dans le Village doivent s’attendre à être abordés par des membres de la communauté LGBT (lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres) et doivent les traiter avec respect.

Bill Ryan, spécialiste des enjeux entourant l’homosexualité, abonde dans ce sens. Le respect est très important pour que le mélange des groupes – qu’il juge souhaitable – se poursuive. «De plus, c’est un bon exercice pour un hétérosexuel de se faire reluquer par d’autres hommes, ça lui permet de tester son degré d’ouverture et de prouver qu’il n’est pas homophobe», affirme ce professeur-chercheur à l’École de service social de l’Université McGill.

Selon M. Ryan, il est normal que certains dérapages se produisent, mais ils demeurent isolés et ne doivent surtout pas décourager les différents groupes de se retrouver dans des lieux communs. Les recherches récentes prouvent que l’homophobie au Québec diminue de manière remarquable, surtout chez les jeunes générations, soutient celui qui est aussi le fondateur de Projet 10, un organisme venant en aide aux jeunes LGBT. Selon un sondage Léger Marketing, 78 % des Québécois âgés de 25 à 34 ans affirment être à l’aise avec l’homosexualité.

Ces données sont loin de surprendre Laurent McCutcheon, qui a mis sur pied la Fondation Émergence. La nouvelle génération LGBT a moins le réflexe de la ghettoïsation que les groupes plus âgés, soutient-il. Ces derniers «ont souvent vécu de manière difficile leur coming out», qui a entraîné une rupture avec leurs proches et les a poussés à ne fréquenter que d’autres LGBT.

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Aujourd’hui, les jeunes dévoilent plus tôt leur homosexualité et préservent souvent plus d’amis hétérosexuels. Le mélange hétéro-homo dans le Village se fait ainsi, depuis les 10 dernières années, de façon «graduelle et naturelle». M. McCutcheon déplore toutefois que certains groupes minoritaires acceptent mal la présence hétérosexuelle. «L’objectif du Village n’est pas de s’isoler, mais de promouvoir l’ouverture et l’acceptation dans la société», rappelle le militant.

Même si le but de la communauté gaie n’est pas de s’isoler, parfois, la non-mixité est nécessaire, rétorque Julie-Maude Beauchesne, porte-parole d’AlterHéros. Depuis quelques années, elle observe une recrudescence du nombre d’évé­ne­ments réservés aux lesbiennes, dont Lesbo­monde et Meow Mix. Les lesbiennes disposent de peu de lieux de rencontre, souligne-t-elle, et lorsqu’il y a un trop grand nombre d’hétéros, «il devient difficile de faire continuellement face au refus».

Mme Beauchesne juge ainsi qu’il est souhaitable que les hétérosexuels côtoient les homosexuels, mais affirme qu’il faut préserver des espaces où les LGBT peuvent se retrouver entre eux.

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Coming out: Ouverture prochaine d’un lieu réservé aux jeunes LGBT
Une maison dédiée aux jeunes gais, lesbiennes, bisexuels et transgenres sera inaugurée sur la rue Amherst, au cœur du Village gai, le 17 août.

La nécessité de disposer d’un tel espace se fait sentir depuis longtemps, indique Bruno Laprade, coordonnateur de Projet 10, qui s’occupe du lancement de la maison.

«Même s’il est plus facile de faire son coming out aujourd’hui qu’il y a quelques décennies, les jeunes subissent encore beaucoup de discrimination en milieu scolaire et dans leur famille», explique-t-il.

Selon M. Laprade, il est important pour les individus qui traversent une telle période de transition de disposer d’un lieu exclusif, où ils peuvent discuter de questions parfois délicates avec leurs pairs.

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