Soutenez

Faites pousser vos vêtements

Photo: Collaboration spéciale
Kieron Monks - Metro World News

Un couturier britannique ouvre de nouvelles perspectives avec une innovation mode: les vêtements cultivables.

Baignant dans un bac de thé vert, l’épais disque de cellulose ne présente, de prime abord, aucun rapport avec les passerelles des défilés de mode. Mais il est vivant. Il croît et épaissit grâce à l’action des microbes présents dans le liquide chaud. Après quelques semaines de culture, et après avoir été séchée et traitée, cette feuille de sucre collante pourra être transformée en une veste à motifs ou en une pièce de cuir destinée à de chics chaussures à semelle compensée.

Le concept et les méthodes de fabrication appartiennent à Suzanne Lee, une créatrice de mode londonienne, pionnière dans la confection de vêtements cultivés en laboratoire.

«Nous devons abandonner les matériaux à base de pétrole, affirme Mme Lee. L’industrie textile est en train de repenser ses procédés, qui entraînent beaucoup de gaspillage et sont toxiques. Et où tout finit dans des sites d’enfouissement. Mais c’est aux designers de trouver comment faire des produits de façon plus durable.»

Mme Lee a travaillé avec des biologistes et des ingénieurs de renom pour mettre au point son concept, qui présente une grande polyvalence. La cellulose prend la forme du contenant dans laquelle elle est cultivée. Mme Lee peut en nuancer la couleur en versant des teintures dans le liquide en fermentation. Une fois que le matériau a terminé sa croissance et a séché, il peut être coupé et cousu, et des motifs peuvent y être ajoutés.

L’effet sur l’environnement est négligeable, puisque ce procédé ne demande que très peu de carburant et aucun agent chimique, fait valoir Mme Lee. Le tissu est biodégradable, à tel point que la designer ajoute qu’il peut, dans certaines conditions, se dissoudre sous la pluie.

Ce concept a donné lieu à des initiatives locales. Un groupe d’étudiants britanniques a gagné le prestigieux prix Young Green Champions 2013 en suivant la méthode de Mme Lee. Cette dernière s’en réjouit, mais ajoute que les jeunes ont besoin de supervision. «C’est comme la cuisine; on peut devenir malade si ce n’est pas propre», indique-t-elle.

Considérant l’avenir, la designer entrevoit la possibilité que les êtres humains portent des biomatériaux vivants capables de s’adapter à leurs besoins. «Nous empruntons au monde biomédical, et nous pouvons imaginer des matériaux qui détecteraient l’état de la peau pour la nourrir ou en prendre soin», dit-elle.

Ainsi, la mode et les vêtements ne sont qu’un début. La biotechnologie développe des matériaux du même genre susceptibles d’être utilisés pour les meubles, les appareils électroniques et l’architecture – dans le cadre de projets de construction où on emploierait des briques cultivées en laboratoire plutôt que du ciment. «Il s’agit d’un milieu en émergence qui nécessite une nouvelle façon de penser, conclut Mme Lee. L’ère des matériaux vivants approche.»

Biocouture_shoe_sideLe diable s’habille en cuir cultivé
Innovatrice dans son domaine, l’entreprise de Suzanne Lee, Biocouture, offre des services-conseils pour des applications commerciales. L’une des collaborations qui progressent le plus rapidement est un partenariat pour fabriquer du «cuir cultivé» avec Modern Meadow, une jeune entreprise américaine financée par le fondateur de PayPal, Peter Thiel, qui produit également de la viande cultivée en laboratoire.

«Le produit ne constitue plus un risque, et le climat est propice à l’investissement, explique le PDG de Modern Meadow, Andras Forgacs. Quand nous avons voulu réunir des capitaux, l’opération a été sursouscrite plus de quatre fois.»

M. Forgacs prévoit que ces produits à base de cuir seront en vente en 2016, tout d’abord comme des articles «de luxe, de grande visibilité» vendus à des prix élevés justifiés par l’absence des impuretés qu’on retrouve dans le cuir traditionnel et par le fait qu’il ne résulte pas de l’abattage d’animaux et n’est cause d’aucun gaspillage. Mais les prix chuteront rapidement, pense-t-il, ce qui mettra ce produit à la portée de toutes les bourses.

Recette: Comment fabriquer son propre tissu

Biocouture_materialIngrédients
Cette recette exige la fermentation de deux litres de thé. Cela suffit pour remplir un contenant de 20 cm sur 17 cm d’une profondeur d’environ 6 cm. Dans ce contenant, on pourra cultiver une feuille de cellulose microbienne qui finira par avoir la taille du contenant. Multipliez les quantités de la recette (et choisissez un contenant plus grand) pour obtenir une plus grande feuille.

  • 200ml de vinaigre de cidre biologique
  • 200mg de sucre cristallisé
  • Une culture de kombucha*
  • Deux sachets de thé vert

* Le kombucha est une colonie symbiotique de bactéries et de levures (souvent appelée scoby). La principale bactérie, Gluconacetobacter xylinus, produit des nanofibriles de cellulose qui forment des matériaux nano-structurés rappelant le textile.

Étape 1: Faire bouillir le liquide

  1. Faire bouillir 2 litres d’eau à 100°C.
  2. Verser l’eau dans un récipient, ajouter le thé vert et laisser infuser 15 minutes.
  3. Retirer les sachets de thé et ajouter le sucre.
  4. Remuer jusqu’à ce que les ingrédients se dissolvent.

Étape 2: Ajouter la culture de kombucha

  1. Laisser la température du liquide descendre sous les 30 oC.
  2. Verser dans le contenant de culture.
  3. Ajouter le vinaigre de cidre biologique.
  4. Ajouter la culture de kombucha.

Étape 3: Cultiver et récolter

  1. Recouvrir le contenant avec une toile perméable à l’air.
  2. Pendant la croissance de la cellulose, le liquide doit demeurer à environ 25 oC.
  3. Au début, la culture coulera au fond; le processus de fermentation commencera de 48 à 72 heures plus tard.
  4. Des bulles et une pellicule transparente commenceront à apparaître à la surface du liquide.
  5. Avec le temps, la culture remontera vers la surface et une nouvelle couche se formera sur le dessus.
  6. Pour obtenir une surface plane, faites disparaître les bulles qui s’y forment en les repoussant doucement vers les bords.
  7. Retirer la cellulose du contenant quand elle atteint 2 cm d’épaisseur.
  8. Laver la cellulose dans une eau froide et savonneuse, puis bien la rincer.

Étape 4: Sécher

  1. Laisser l’eau s’évaporer en lissant la cellulose sur une planche de bois.
  2. Le temps de séchage dépend de la température et de la ventilation de la pièce.
  3. Quand la cellulose est sèche, elle peut être coupée et cousue de façon traditionnelle.

Directives

  • Manipuler toujours la culture avec des mains propres.
  • Les instruments et contenants doivent être parfaitement propres et exempts de résidus de savon.
  • Il est préférable que le contenant de culture soit en verre ou en plastique.
  • S’assurer que la toile perméable à l’air soit bien fixée au contenant pour que les mouches à fruit ne se glissent pas dessous.

Articles récents du même sujet

Mon
Métro

Découvrez nos infolettres !

Le meilleur moyen de rester brancher sur les nouvelles de Montréal et votre quartier.