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Violence conjugale à Cartierville: un portrait alarmant

Photo: Collaboration spéciale

Sur un peu plus de 50 pages, le Portrait de la problématique de la violence conjugale et intrafamiliale dans Bordeaux-Cartierville, rendu public récemment, regroupe les éléments d’information fournis par les policiers et une étude de terrain menée par l’organisme Concertation femme.

En 2013, le Poste de quartier 10 (PDQ 10) a enregistré 122 événements de violence conjugale sur les 5000 comptabilisés à Montréal. Un nombre qui situe le quartier dans la moyenne des affaires traitées par les 33 PDQ de l’île. Toutefois, la comparaison par tranche de 1000 habitants est sans appel. Le taux est de 2,4 cas à Bordeaux-Cartierville «ce qui place le PDQ 10 au 21e rang des quartiers avec le volume de violence conjugale le plus élevé», constate le service de police local.

Un quartier à risque
Le document situe la majorité des cas dans le secteur de Revitalisation urbaine intégrée (RUI) «Laurentien-Grenet», la poche de pauvreté du quartier la plus importante. «Lors des trois dernières années (2011-2013), 43% de l’ensemble des violences conjugales du PDQ 10 se sont déroulé le secteur de RUI, alors que seulement 21% de la population y habite», observent les policiers.

C’est aussi dans ce secteur que les victimes sont les moins nombreuses à vouloir porter plainte ou se rendre dans un Centre local de services communautaires (CLSC). Plus de 40% ne donnent pas suite à leurs doléances, quand c’est à peine 24% dans les autres secteurs de Bordeaux-Cartierville.

Facteurs favorisants
Le service de police ne veut pas sauter aux conclusions, mais il se réfère à une étude publiée en 2013 par MM. Boivin et Ouellet, deux chercheurs montréalais. Ceux-ci ont indiqué que dans un secteur, le nombre important dans un secteur de familles monoparentales, de ménages à faibles revenus, de mobilité résidentielle (sur cinq ans) et l’hétérogénéité ethnique favorise la violence conjugale. «Ces désavantages économiques et sociaux sont plutôt marqués dans le secteur « Laurentien-Grenet »», lit-on dans le texte des policiers.

Paroles de femmes
L’organisme Concertation femme s’est penché sur l’expérience des intervenants communautaires et a compilé les données des questionnaires adressés à des femmes. «Le sujet demeure toujours tabou dans les familles, explique Maysoun Faouri, directrice de Concertation femme. Il est difficile pour une victime de parler de ce sujet à une inconnue.» Une difficulté contournée en proposant des questionnaires «à réponses ouvertes et à développement court.»

On a pu ainsi synthétiser les réponses de 21 femmes. Trois d’entre elles sont des Québécoises nées ici. Les 18 autres sont venues, pour onze d’entre elles, du Moyen-Orient et du Maghreb. Si on reconnait l’universalité du phénomène, l’indication des origines permet d’illustrer la réalité ethnique et culturelle du quartier.

Culture et éducation
Dans leur enquête, les collaborateurs de Mme Faouri ont interrogé également des policiers. Ceux-ci ont observé entre autres, «une recrudescence importante de la violence conjugale dans le quartier au moment du ramadan. Le respect du jeûne et l’interdiction de fumer, prescrits pendant ce mois saint pour les musulmans, est vue comme une source d’impatience qui pourrait entraîner de la violence», lit-on dans le texte.

La directrice de l’organisme préfère parler d’éducation. «Un jeune garçon imitera le comportement de son père si on ne lui offre pas une image alternative.» Pour elle, la violence ne se limite pas aux coups. Il y a aussi la volonté de certains adolescents de contrôler leurs mères ou leurs sœurs. Les menaces et le chantage qu’ils peuvent exercer dans la famille sont aussi une violence.

Voir plus loin
Mais on ne peut limiter les causes à ce simple fait. «Quand une famille avec quatre enfants vit dans un 3 ½, il faut s’attendre à e qu’il y ait de la violence à la maison», observe Mme Faouri. La grossesse devient aussi une situation difficile, lorsque conjuguée à des difficultés sociales et économiques.

Au-delà des coups et des insultes, l’organisme de Mme Faouri s’intéresse aussi aux conséquences du phénomène. «La violence intrafamiliale a un effet sur les enfants. Les plus petits regardent, souffrent et sont perturbés, observe-t-elle. S’ensuivent des difficultés à l’école, puis l’échec scolaire avec tout ce que cette situation peut occasionner comme conséquences.»

Le portrait de la violence est la première étape du chantier violence intrafamiliale. Il sera suivi par une campagne de sensibilisation. Elle devrait débuter dans les semaines à venir. L’étude a été réalisée conjointement par le Poste de quartier 10 (PDQ) du Service de police de la ville de Montréal (SPVM), qui couvre Bordeaux-Cartierville, et l’organisme Concertation femme. Elle a débuté en aout 2014 et elle s’inscrit dans le cadre du Plan d’action concerté en développement social 2013-2018 du Conseil local des intervenants communautaires de Bordeaux-Cartierville (CLIC). Le PDQ 10 a mené une étude similaire en 2010.

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