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Agressions sexuelles: des réponses insuffisantes pour préserver la jeunesse

Photo: Nicolas Ledain / TC Media

Suite au viol collectif d’une jeune 13 ans par des camarades d’école dans Montréal-Nord, les enjeux de l’éducation sexuelle refont surface. Enseignants, universitaires ou acteurs communautaires déplorent un manque de solutions et de ressources.

Au sein de la Maison d’Haïti dans le quartier Saint-Michel, Émilie Martinak recueille régulièrement des témoignages de jeunes filles victimes d’agressions sexuelles. Coordonnatrice d’un programme qui tente de prévenir la délinquance et l’hypersexualisation, elle assure que ce viol collectif révélé à Montréal-Nord n’est malheureusement pas un cas isolé.

«Soit c’est très peu médiatisé, soit il n’y a pas de dénonciation. C’est difficile de parler parce que c’est accompagné de représailles à l’école, parfois c’est commis par un camarade ou un ami envers qui il y a des sentiments et quand c’est diffusé sur les réseaux sociaux, ça empêche la prise de parole. On manque de structures et d’accompagnement», regrette cette intervenante responsable du projet Juste pour elles.

Face notamment à l’accès facilité à la pornographie sur internet et en raison d’un manque de prévention, plusieurs experts déplorent une accélération de la sexualisation des jeunes qui se traduit par des dérives graves.

«[Cela] pousse les jeunes à avoir des comportements sexuels qu’ils ne comprennent pas, dont ils mesurent difficilement les conséquences et qui les font vieillir prématurément. […] De plus, ces comportements sont interprétés par certains adultes comme des signes de disponibilité sexuelle, à leur profit évidemment. Il y a un lien direct entre l’ hyper sexualisation des jeunes, l’exploitation sexuelle et l’abus sexuel», estime Marie-Paule Desaulniers, professeure retraitée de l’Université du Québec à Trois-Rivières qui a travaillé sur les enjeux de l’éducation sexuelle.

Pour cette spécialiste, des programmes d’éducation sexuelle dans les écoles sont nécessaires pour offrir une approche globale de prévention.

Des programmes décriés
Alors que le gouvernement du Québec souhaite rendre obligatoire l’éducation sexuelle à la rentrée prochaine dans les écoles primaires et secondaires de la province, la formule choisie – qui découle d’un projet pilote – est loin de faire l’unanimité.

«L’enjeu majeur me semble le caractère quasi facultatif de ce programme et l’absence de formation systématique des enseignants. Il y aura toujours des enseignants ouverts et dynamiques qui saisiront ce programme comme une occasion d’éducation et de dialogue avec leurs élèves, mais tous les élèves n’auront pas la chance de les rencontrer et c’est regrettable», pense Mme Desaulniers.

«On enseigne aux enfants à ne pas voler, mais on ne leur enseigne pas à ne pas violer.»
Chantal Poulin, 3e vice-présidente du Syndicat de l’enseignement de la Pointe-de-l’Île.

L’école Jules-Verne de Montréal-Nord a participé à ce programme pilote depuis 2016 et le Syndicat de l’enseignement de la Pointe-de-l’Île (SEPÎ) partage les inquiétudes de cette spécialiste de l’éducation sexuelle.

«On est très en faveur de ce cours, mais il faut une nouvelle matière. Le projet pilote consistait à saupoudrer l’éducation sexuelle un peu partout. On pense que ça doit être un vrai cours et les enseignants doivent recevoir une formation rigoureuse avec des sexologues», fait valoir Chantal Poulin, 3e vice-présidente du SEPÎ.

Plus et mieux
Émilie Martinak estime aussi que ces programmes sont insuffisants. En compagnie de plusieurs organisations qui œuvrent pour la prévention de l’hypersexualisation, elle plaide pour la mise en place d’une loi-cadre face aux violences à caractère sexuel dans les écoles. L’intervenante de la Maison d’Haïti pense aussi qu’il faut aller au-delà de l’école pour régler cet enjeu de société.

«Cela prend une reconnaissance pour éviter la banalisation. Il faut des mesures, des plans d’action, des campagnes de pub… Cela prend du financement pour les organismes pour faire cette prévention, et ce dès le plus jeune âge», souligne Mme Martinak.

Mouvement d’opposition à l’éducation sexuelle

Dans le cadre d’un mouvement international intitulé Sex Ed Sit Out, plusieurs parents ont gardé leurs enfants à la maison lundi 23 avril pour protester contre la mise en place de programmes d’éducation sexuelle dans les écoles à la rentrée prochaine. À Montréal-Nord, dans les écoles René-Guénette, St-Rémi et St-Rémi annexe, des classes enregistraient jusqu’à une dizaine d’absents.
«Il faut rassurer les parents et leur dire que cela ne va rien accélérer. C’est de la prévention pour développer son esprit critique», croit Émilie Martinak de la Maison d’Haïti. «Mon expérience de 30 ans en éducation sexuelle m’a montré que la peur est mauvaise conseillère et que les parents bien informés peuvent trouver eux-mêmes avantage à ce programme pour communiquer avec leurs enfants et les accompagner dans leur développement», corrobore Marie-Paule Desaulniers, professeure retraitée de l’Université du Québec à Trois-Rivières.

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