Soutenez

Les dessous du Cabaret chez Mado

Bousquet-Richard Simon - TC Media
Mado montrera ses dessous pour une dernière fois, le 7 juin. Pourtant, bien peu de gens connaissent l’histoire de la mère célibataire qui est à l’origine de ce cabaret de danseuses nues élevé au rang d’institution à Montréal-Nord.

En 1962, Madeleine Giroux a vendu sa maison unifamiliale de la rue Forest pour 11 000 $. Avec cet argent, la jeune femme a acheté un petit « snack-bar » du boulevard Pie-IX dans l’espoir de trouver un revenu familial pour élever ses filles de 8 et 12 ans.

« C’est très émotif de raconter cette histoire-là pour nous. Les gens peuvent penser que c’est juste un club de danseuses, mais c’est beaucoup plus que ça », affirme Lison, la fille de Mado qui a travaillé au cabaret pendant 40 ans.

Avec sa sœur Christiane, elles ont accepté de raconter l’histoire de ce lieu.

Un resto familial

Dans la décennie 1950, Montréal-Nord est passé d’une petite municipalité rurale à une véritable ville. C’est dans ce contexte d’effervescence que Mado, une simple serveuse, est devenue une femme d’affaires propriétaire de l’Aqua-Rest.

« Steamed Hot dogs, Red Hot Michigan, Root Beer », était le menu affiché sur l’enseigne de l’établissement sans prétention de l’époque.

« L’eau coulait dans les plafonds, c’était très petit », raconte Christiane qui travaillait alors au service à l’auto pour aider sa mère.

La présence d’une piscine et d’un mini-golf accessible à l’arrière du bâtiment a sans doute contribué à l’essor du commerce. En quelques années, l’établissement se modernise au point de devenir un lieu de rassemblement prisé dans le quartier. Pour attirer une plus grande clientèle, Mado fait appel à l’animateur Lucien « Frenchie » Jarraud.

À cette époque, Chez Mado voit défiler des artistes célèbres qui venaient fêter après leur spectacle dans les cabarets du nord de l’Île. Parmi les grands noms, on compte notamment les Classels, les Baronets et Muriel Millard.

« Même après la fermeture, on barrait la porte, mais les gens restaient encore longtemps », se souvient Christiane.

Alcool et spectacles

En 1967, Mado a vendu sa voiture Pontiac 1962 pour acheter son premier inventaire d’alcool. La femme d’affaires venait d’obtenir son permis d’alcool et de transformer son restaurant en salle de spectacle. À l’époque, une petite bière coûtait 0,60 $ alors que la grosse coûtait 0,85 $.

Au cœur de la vie nocturne du quartier, le cabaret a même son musicien attitré, André Bélair, et attire de grands noms comme Patrick Normand.

Les fins de semaine, les couples de Montréal-Nord se réunissent chez Mado pour les soirées de danse sociale. L’été, des orchestres jouent parfois dans le stationnement pour attirer la clientèle. Les dimanches après-midi, ce sont les concours de rigolade et de tir au poignet qui sont populaires.

Durant toute leur adolescence, les filles de Mado habitent au deuxième étage du bar. Même si leurs garde-robes étaient remplis de bouteilles d’alcool et de cigarettes, elles assurent n’avoir jamais pigé dans les réserves.

« Quand je dormais, j’entendais les musiciens me jouer de la musique. J’aimais beaucoup la chanson “un certain sourire” alors des fois, le musicien me dédiait la chanson. Il disait : pour Lison qui dort en haut », raconte Lison avec nostalgie.

Les danseuses

En 1972, Mado rencontre Gilles Lacroix. L’ancien portier du bar Belhumeur lui fait alors une proposition surprenante, celle de faire danser des filles nues dans son bar.

« J’avais 17 ans, il m’a dit : “embarque dans mon char. Je vais t’emmener voir les danseuses. Comme ça tu vas pouvoir donner l’idée à ta mère.” Je m’en souviens comme si c’était hier », raconte Lison.

L’expérience débute par des danseuses nues, le jour seulement. La popularité de ces spectacles est si grande qu’en 1974, le logement du deuxième étage est détruit pour y installer les danseuses en permanence. En peu de temps, le bar se consacre entièrement aux spectacles érotiques.

Avant chaque danse, les filles devaient mettre de l’argent dans un juke-box. Conformément à la loi de l’époque, elles devaient garder leurs culottes et avoir un petit morceau de carton collé sur leurs seins afin de cacher leurs mamelons.

« C’est moi qui faisais les cartons, raconte M. Lacroix. Je les découpais en rond et je dessinais dessus avec un crayon à colorier »

Aux prises avec des problèmes de coeur, Mado décide de vendre son commerce à deux anciens policiers de l’escouade de la moralité, Maurice Lacroix et Normand Beauchamps, en 1976.

Mais l’histoire familiale ne s’est pas arrêtée là puisque Lison a continué à travailler chez Mado comme portière de jour. Les danseuses la surnomment d’ailleurs « Maman Lison » puisque c’est souvent elle qui prend soin d’elles et qui écoute leurs histoires. Lison a d’ailleurs vu bien des choses se produire dans les murs du cabaret.

« 15 ans plus tard, il y avait encore des gens qui avaient connu ma mère qui venaient me voir, si bien que les barmans me disaient que je devrais écrire un livre sur l’histoire du cabaret », raconte Lison.

Quelques employés de chez Mado y ont travaillé pendant 25 ou même 40 ans. Pour plusieurs, cette fermeture leur fera un pincement au cœur. C’est le cas de M. Lacroix qui sera peut-être le dernier à mettre la clé dans la porte du bar où il a été portier durant 40 ans.

Articles récents du même sujet

Mon
Métro

Découvrez nos infolettres !

Le meilleur moyen de rester brancher sur les nouvelles de Montréal et votre quartier.