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Le 1er juillet à l’abri des bombes

Photo: Vanessa Limoges / TC Media

Un an après le début de la guerre civile syrienne, la famille Al Moussli-Ismail décide de fuir le chaos et les bombardements en s’envolant vers les États-Unis. Ce que la plus jeune de la famille croyait être un voyage à Walt Disney fut finalement le voyage d’une vie. Tous réunis au Canada depuis un an, la famille fêtera son nouveau pays pour une première fois le 1er juillet. Ce pays où ils apprivoisent le calme à nouveau.

C’est autour d’un espresso à la cardamome que Bana Al Moussli, la mère, Zakaria Ismail, le père et leur fille Teema Ismael ont confié à TC Media pendant plus de deux heures, les difficultés de l’immigration, des nouveaux départs, des séparations ainsi que l’amour inconditionnel pour leur pays d’origine qu’ils ont quitté il y a trois ans sans détourner le regard.

Ceux qui habitent désormais Ville de Mont-Royal et dont la plus jeune fille fréquente les classes d’accueil de l’école Paul-Gérin-Lajoie d’Outremont, habitaient autrefois le quartier résidentiel de Mazzé dans la portion ouest de Damas en Syrie, un quartier considéré sécuritaire. En 2012, ils ont quitté en trombe alors que leur plus jeune fille, Teema, s’est retrouvée dans le bunker d’un hôtel après qu’une bombe ait atterri à quelques mètres d’elle.

«Tu n’as pas besoin de participer à cette guerre, elle vient te chercher dans ton propre salon», raconte le père, expliquant que bien qu’il devait rester pour prendre soin de son père malade, après cet évènement, il voulait que sa femme et ses deux filles quittent tout de suite pour un lieu plus sûr. Leur fils, Mohamad, étant déjà à Beyrouth, au Liban, pour les études.

«Tous les soirs quand je ferme les yeux, mon ancienne vie défile comme un film dans ma tête, je m’efforce à effacer la période de guerre et de me souvenir seulement de ce que c’était avant», confie Bana.

Adaptation difficile
Pendant un an, Bana et ses deux filles, Teema et Jeeda, vivent ensemble à Atlanta, en Géorgie aux États-Unis en enchainant les visas de touristes.

«Le 4 juillet, alors que mes nouveaux amis fêtaient l’indépendance des États-Unis, je me suis embarrée dans l’auto, je pleurais, j’étais terrorisée par le bruit de bombe que faisaient les feux d’artifices, explique Teema. Les jeunes de mon âge ne comprenaient pas la guerre, ils ne comprenaient pas ce que j’avais vécu.»

La mère et ses deux filles passent un an aux États-Unis dans l’espoir de rentrer en Syrie.

La guerre civile ne faisant que s’envenimer, c’est finalement le Canada qui, huit ans après leur première demande, accepte d’accueillir toute la famille.

De nouvelles racines
En 2013, Bana et Teema emménagent finalement dans un petit appartement de Ville de Mont-Royal. Jeeda reste aux États-Unis pour terminer les études qu’elle avait commencées.

Désormais résidents permanents, elles peuvent réellement commencer une nouvelle vie, sans avoir peur de s’attacher.
Elles découvrent l’hiver en même temps qu’elles apprennent le français. Bana au centre Pauline-Julien de Côte-des-Neiges et Teema à PGLO.

«Dans les classes d’accueil de PGLO j’étais à ma place, raconte-t-elle. Les élèves proviennent de partout à travers le monde, nous avons des histoires différentes, nous sommes nombreux à avoir vécu la guerre alors d’une certaine façon on se comprend», raconte Teema, fière de dire que ses amis la font voyager à mêmes les murs de son école.

«Bien que je ne me sois toujours pas remise du froid de cet hiver-là, lance la mère en riant, je trouvais déjà que ce pays me ressemblait plus.»

Un an plus tard Zakaria, son fils et sa fille rejoignent le reste de la famille.

«Nous vivions dans quatre pays différents depuis plus de deux ans, raconte Zakaria. Mon unique souhait c’était de nous voir réunit et heureux sous un même toit.»

Désormais, le père est le seul qui retourne en Syrie où il garde sa compagnie d’équipement médical en vie.

«Ce n’est plus payant, il n’y a plus rien là-bas, mais ça permet à mes employés de garder espoir, raconte-t-il. Un de mes employés, dont la maison a été détruite par les bombardements, vit désormais dans notre maison.»

La famille qui vit sur ses économies depuis 2012 sait qu’elle devra tôt ou tard trouver une solution.

La mère, pour qui l’apprentissage du français est difficile n’arrive pas à se décrocher un boulot et le père prévoit quitter éventuellement pour faire vivre sa famille. «Je suis trop vieux pour apprendre un nouveau métier et trop orgueilleux pour devenir un employé pour une première fois», confie-t-il.

Bien que les défis soient nombreux, les parents de Teema, Moe et Jeeda, disent désormais s’inquiéter «raisonnablement» pour leurs enfants, ce qui est en fait, un sentiment extraordinaire. «Quand tu viens d’un pays dévasté, il n’y a rien comme se sentir en sécurité», souligne la mère.

Bana et Zakaria, qui se disent désormais chez eux, prévoient se rendre au centre-ville pour regarder le défilé de la Fête nationale le 1er juillet. «C’est le premier pays qui nous a permis de se retrouver tous ensemble autour de la table à dîner tous les soirs, alors nous sommes chez nous», conclut le père.

En janvier 2015, le ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration (MCI) s’engageait à accueillir 10 000 Syriens de plus d’ici trois ans, ce qui portera le nombre de réfugiés réinstallés au Canada depuis le début du conflit à 11 300 personnes. En 2014, seuls 40 réfugiés pris en charge par l’État sont arrivés au Québec selon le ministère de l’Immigration.

La guerre civile syrienne qui a éclaté en 2011 oppose le régime du président de la République arabe syrienne, Bachar Al-Assad, aux rebelles. Selon l’ONU, en date d’aujourd’hui cette guerre qui touche désormais tous les pays voisins aurait fait plus de 160 000 morts, dont une majorité de civils.

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