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100 ans à Pointe-aux-Trembles pour Thérèse Champagne

Thérèse Champagne nous accueille, devant sa résidence où elle cohabite avec sa fille et sa petite-fille. Photo: Amélie Gamache

Du haut de ses 4 pieds 5 pouces, l’œil vif, elle nous accueille à sa résidence avec bonne humeur; déjà, il semble évident qu’il est difficile d’arrêter cette femme dynamique. Thérèse Champagne soufflera pourtant ses 100 bougies dans quelques jours. Un âge « qui ne change rien » pour la native de Pointe-aux-Trembles qui, depuis ses débuts au restaurant Bourbonnais à la fin des années 1930, a pu être un témoin privilégiée de l’évolution de son village.

Née Yaworski, Thérèse Champagne voit le jour le 11 août 1918, et est depuis restée fidèle à Pointe-aux-Trembles. « Je ne changerais pas de coin, chez nous, c’est chez nous! », s’exclame-t-elle. Ses grands-parents viennent toutefois de Pologne, arrivés au pays en 1894. « Mon père est né à Pointe-aux-Trembles aussi, en 1897. »

Une femme qui n’arrête jamais

La jeune Thérèse fait ses études élémentaires au Couvent Notre-Dame-de-la-Trinité. « Après ma 9e année, je suis allée faire un an de commercial au Saint-Nom-de-Jésus-et-de-Marie, mais ma mère ne voulait pas que je travaille comme secrétaire. Elle disait que j’allais perdre mon âme! », raconte-t-elle en riant.

Ce qui ne l’a pas empêché de travailler : initialement chez Charbonneau Biscuit – « pour 2 piasses par semaine » – puis au célèbre restaurant de madame Bourbonnais de la rue Notre-Dame Est, dès ses 19 ans.  Le restaurant était un lieu de rencontre privilégié dans le village, encore davantage après l’agrandissement qui a permis d’y inclure un magasin général. « Tous les gens du bout de l’île venaient au magasin, il n’y en avait pas d’autres », se rappelle-t-elle. C’est d’ailleurs là qu’elle y rencontrera celui qui deviendra son mari, en 1951.

Après le décès de la propriétaire, en 1964, Thérèse Champagne rachète le tout et renomme le magasin Librairie Pointe-aux-Trembles. « Une des employées, Mme Blanchette, voulait absolument que j’achète, pour pouvoir continuer de travailler. Mais personne ne voulait me prêter!  Desjardins a fini par me faire le prêt, sur mon honneur. Ça ne se fait plus aujourd’hui, ça! »

Elle était déjà alors un pilier du village. « Ce magasin était vraiment important pour le village, se rappelle Jim Orrell, chroniqueur pour l’Avenir de l’Est qui connaît bien Mme Champagne. Tout le monde y allait, et Thérèse était très connue! »

Elle restera propriétaire jusqu’à la toute fin des années 1970. Aujourd’hui,  l’emplacement du magasin général et du restaurant est occupé par le salon de coiffure Johanne et la boutique Huile et Vinaigre.

Alors âgée de 60 ans, celle qui aurait pu profiter d’une retraite tranquille bien méritée se lance dans le bénévolat. Centraide, la Fondation des maladies du cœur, les campagnes du coquelicot et la jonquille, la dîme à l’église; la liste est longue.

Jusqu’encore l’an dernier, elle organise des pèlerinages chaque année. « On avait l’autobus de Montréal-Est, prêté par les filles d’Isabelle. On est allés à Rigaud, Oka, Saint-Benoit du Lac….  Je vais souvent  en pèlerinage, quand j’avais autour de 70 ans, on est allés à pied de Montréal à Cap-de-Madeline, 3 ans de suite »

« C’est une très bonne vivante, toujours des projets, toujours prête!, souligne Thérèse Marion, ex-régente des Filles D’Isabelle du Cercle Jean XXIII de Mlt-Est et grande amie, qui l’a connue il y a déjà 38 ans. Elle a une très bonne mémoire,  lors des pèlerinages, elle se rappelait de tous les noms et des places dans l’autobus; jamais besoin de regarder ses notes. »

Un village qui grandit

Sa mémoire renferme une foule de souvenirs sur l’évolution de ce qu’on appelait à l’époque le village de la Pointe-aux-Trembles.

« L’autre côté de la voie ferrée, c’était de la campagne. En bas, c’était le village. En haut, il n’y avait rien, c’était des champs, on allait aux fraises et aux framboises. J’aimais ça! », se rappelle-t-elle, avant d’évoquer ses souvenirs des ruisseaux de Rivière-des-Prairies qui se font remplir pour y permettre le développement.

J’ai vu les chevaux, les calèches sur Notre-Dame; les arbres au milieu, les calèches chaque bord. Les tramways, j’ai vu arriver ça! Maintenant, j’ai ma carte d’autobus, je n’ai jamais eu d’auto. »

– Thérèse Champagne

Très croyante, l’un des souvenirs qui l’ont particulièrement marquée est l’incendie de l’église Saint-Enfant-Jésus. « Quand l’église a brûlé en 1937, j’étais là. Les tisons s’en allaient partout, on a regardé ça toute la nuit. »

Vint ensuite la Seconde Guerre mondiale, évènement majeur, mais qui a eu peu d’impact sur sa vie personnelle, puisque la femme, en avance sur son temps, travaillait déjà. « Mon frère ne voulait pas aller à la guerre, on avait appris que donner des médailles de Saint-Michel, ça faisait qu’on n’allait pas à la guerre. J’en ai donné des médailles! Mais ça a marché, mon frère n’y est pas allé. »

Bonheur et santé!

Une dame très spéciale donc, que « notre chère petite Thérèse », comme on la surnomme affectueusement chez les Filles d’Isabelle.

Malgré ses 100 ans, elle reste active. « Encore dimanche, on est allées se baigner puis se balader au marché public », raconte sa fille Monique, qui réside à l’étage en haut de chez sa mère. Sa santé est toujours bonne, malgré un accident l’an dernier qui lui cause toujours des maux de tête et des douleurs au cou. « Elle ne prend même pas de médicaments, rien, ajoute sa fille. Nous sommes allées passer des tests récemment et le médecin lui a dit qu’elle avait un cœur d’enfant. »

Jeune de cœur, travaillante, généreuse, d’une humilité sans faille, l’amour que ses proches lui portent fait briller leurs yeux lorsqu’ ils parlent de cette femme marquante.

La nouvelle centenaire répète à plusieurs reprises avoir eu une belle vie, ne pas regarder pas en arrière et continuer d’en profiter.  « On lui souhaite que ça continue et de rester aussi joyeuse et en santé, conclut sa grande amie Thérèse Marion. Bonne fête Thérèse! »

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